Je serai un peu long car ces deux amendements ont donné lieu à un débat enrichissant en commission.
Ils étaient alors identiques, visant à imposer à la fois la consultation du FICP à chaque tirage et une vérification annuelle de la solvabilité de l’emprunteur bénéficiaire d’une ligne de crédit renouvelable.
Depuis notre examen en commission, Mme Dini a rectifié son amendement afin de ne prévoir que l’examen annuel de la solvabilité, et non plus la consultation du FICP à chaque tirage.
Cette rectification montre bien que le sujet est complexe et que, au-delà de la volonté, partagée par tous, de protéger le consommateur, il convient de s’interroger, d’une part, sur la faisabilité des mesures que nous proposons et, d’autre part, sur les contraintes que nous décidons d’imposer à la plupart des consommateurs pour protéger contre eux-mêmes un nombre très limité d’entre eux.
En premier lieu, la mise en œuvre concrète d’une consultation du FICP à chaque tirage ne serait pas opérationnelle eu égard aux volumes en jeu : environ quarante millions d’opérations – tirages financiers et achats – sont effectuées annuellement. En outre, un consommateur peut effectuer plusieurs tirages dans une même journée.
Par ailleurs, les coûts de consultation du FICP par la voie ascendante seraient considérablement accrus. Il conviendrait également de prévoir des investissements importants, puisqu’il serait nécessaire d’équiper d’un terminal d’interrogation du FICP chaque caisse des magasins dans lesquels on peut régler par crédit renouvelable. Bien entendu, tous ces coûts supplémentaires seraient reportés in fine sur les consommateurs par un renchérissement du crédit.
En outre, je vous laisse imaginer la situation aux caisses, où les files s’allongeront lorsque le temps d’attente augmentera en raison de cette consultation obligatoire, qui, je le rappelle, concernera tout le monde, y compris les clients qui ne connaissent pas d’incident, lesquels représentent 97 % des consommateurs. N’est-ce pas là une disposition démesurée pour apprécier un risque concernant 3 % de la clientèle ?
Enfin, je ne vois pas dans l’amendement n° 67 ce qu’il advient une fois que le FICP a été consulté. S’il révèle un incident de paiement – qui peut du reste porter sur bien autre chose que le crédit renouvelable concerné –, que se passera-t-il ? En l’état du droit, le magasin ne peut refuser le paiement par l’usage du crédit, puisqu’il y a eu contrat. Il faudrait que des dispositions législatives complémentaires viennent indiquer que, dans ce cas, le contrat est rompu. Mais peut-on rendre nul un contrat sous prétexte qu’un autre n’a pas été totalement respecté ? Ce serait une innovation majeure, et très lourde de conséquences, du droit des contrats.
Pour toutes ces raisons, il me semble matériellement impossible d’exiger une consultation du FICP à chaque tirage, et je remercie Mme Dini et ses collègues d’en avoir pris la mesure en rectifiant leur amendement.
En second lieu, j’en viens à la disposition proposée visant la vérification annuelle de la solvabilité. Tout d’abord, depuis le début de nos travaux, je suis attentif à ce que le souci légitime de protection des emprunteurs les plus faibles soit compatible avec celui de ne pas pénaliser les quelque neuf millions de détenteurs de crédit renouvelable qui ne rencontrent jamais de problème. Si la disposition était adoptée, ces derniers n’accueilleront probablement pas très bien la vérification annuelle de tous leurs comptes, et l’on peut craindre que la relation commerciale n’en pâtisse.
Je suis également perplexe sur les conséquences juridiques d’une telle mesure. Que devrait faire le prêteur s’il apparaissait que, un an après l’ouverture d’une ligne de crédit, la solvabilité de l’emprunteur s’est dégradée. Dans l’esprit des auteurs des amendements, devrait-il suspendre l’exécution du contrat de crédit unilatéralement ? Devrait-il revoir à la baisse le montant qu’il accordait au client ? Rien n’étant indiqué sur ces points dans ces deux amendements, si ces derniers étaient adoptés, la décision serait prise de manière unilatérale par l’organisme emprunteur.
En a-t-il le droit ? Les clauses de variation du montant du crédit sont généralement considérées comme abusives. Le décret n° 2009-302 du 18 mars 2009 qualifie ainsi de clause « abusive » toute disposition contractuelle réservant au professionnel le droit de modifier unilatéralement les clauses du contrat relatives à la durée, aux caractéristiques et au prix du bien et du service à rendre.
Très sincèrement, en l’état, cette seconde disposition n’est donc pas plus applicable que la première. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’avais proposé à la commission de s’y opposer. Après une longue discussion, je n’ai pas réussi à convaincre mes collègues, qui ont donné un avis favorable aux deux amendements.
En tout état de cause, je comprends les préoccupations qui motivent ces propositions. Il est évidemment paradoxal d’entourer la conclusion du contrat de crédit renouvelable d’un luxe de précautions relatives à la solvabilité, alors même que l’usage de ce crédit pourra intervenir beaucoup plus tard.
Je souhaiterais donc savoir si Mme la ministre peut nous indiquer des pistes, différentes de celles qui sont proposées par nos collègues, pour trouver une solution à ce problème, qui soit à la fois pertinente, efficiente et vise bien la cible qui nous préoccupe tous, sans pour autant peser sur l’ensemble des neuf millions d’emprunteurs actuels.
Je rappelle que la commission a émis un avis favorable sur les amendements n° 67 et 95 rectifié, mais, pour ma part, je maintiens ma position et j’émets, à titre personnel, un avis défavorable sur ces deux amendements.