J’ai, avec différents collègues, que je remercie au passage, redéposé cet amendement, que j’avais déposé pour la première fois en 2016, puis deux fois en 2018, comme nous l’avons évoqué ce matin.
À mesure que nous sommes amenés à renforcer notre législation pour protéger les enfants des crimes sexuels, les arguments s’affinent et les positions évoluent.
La question de la prescription de l’action publique pour les viols et agressions sexuelles sur les enfants et les adolescents emplit désormais l’espace public.
Ce matin, M. le secrétaire d’État Adrien Taquet a cité des victimes : Andréa, Vanessa, Adélaïde, Camille, Flavie, Sarah… Toutes sont favorables à l’imprescriptibilité.
Ces crimes ont une grande ampleur, un caractère massif. Je répète qu’un enfant sur cinq et plus de deux millions de personnes en France sont concernées.
Les victimes décrivent la profondeur des souffrances endurées, leur persistance dans le temps. La violence sexuelle est l’un des seuls crimes qui condamnent la victime à vivre avec, à survivre plutôt, à vivre mal, abîmée, éprouvée dans sa chair, affectée de traumatismes qui nuisent à ses études, à son insertion sociale, à sa réussite professionnelle, à l’établissement de relations affectives stables, qui la condamnent aussi parfois à relancer le cycle de la violence envers ses proches.
Je connais depuis des années les arguments opposés à l’imprescriptibilité.
Celle-ci ne respecterait pas les normes juridiques en vigueur. Dès lors, faisons-les évoluer, comme la Californie a su le faire à la suite de l’affaire Bill Cosby, dans laquelle victimes prescrites et victimes portant plainte se sont épaulées.
Face à l’argument des crimes contre l’humanité, pourquoi pas ne pas considérer l’atteinte sourde et impunie de ces milliers d’enfants comme une atteinte à leur humanité, donc à notre qualité d’être humain à tous ?
Je découvre un nouvel argument : l’exigence d’une prescription limitée, qui permettrait la libération de la parole. C’est à mon sens faire peu de cas des travaux de l’imagerie médicale et des neurosciences, ainsi que des progrès dans ces domaines !
Pour ces raisons, donnons crédit aux personnes qui osent briser le silence et permettons aux futures victimes de porter plainte sans limite de temps.