Intervention de Angèle Préville

Réunion du 21 janvier 2021 à 14h30
Protection des jeunes mineurs des crimes sexuels — Articles additionnels après l'article 4

Photo de Angèle PrévilleAngèle Préville :

L’enfant violé est seul, terriblement, fondamentalement et irrémédiablement.

L’atteinte à son « intégrité », pour reprendre le terme utilisé, s’apparente à une amputation, c’est-à-dire quelque chose de définitif, violent et profondément destructeur. C’est une part de lui-même que l’on arrache, brutalité vécue dans une solitude infinie.

C’est une forme de dissociation qui permet à l’enfant de survivre, une adaptation naturelle en somme. Lorsque les violences cessent, le cerveau est lessivé de toute trace de souvenirs. Il se répète « c’est fini » et oublie pendant des années.

Un jour, cela remonte à la surface, violemment ou pas, éventuellement refoulé immédiatement au loin, dans un brouillard d’oubli, port d’attache des enfants violés. Une pression s’installe d’elle-même, fermant la porte à toute plainte, dans un précipité de honte et de peur. De fait, comment affronter les regards et les jugements ? C’est comme un coffre-fort à côté de soi.

Parler constitue un cataclysme impossible à provoquer. C’est l’effet de l’amputation psychologique. L’enfant ne peut pas parler. Il le voudrait qu’il ne le pourrait pas. Il lui manque une perche. Or, la plupart du temps, il n’y a personne pour la lui tendre.

Telle est la particularité des crimes sexuels infligés par des adultes – des violeurs – à des mineurs.

À cet égard, une prescription de trente ans ne suffit pas. Il ne s’agit pas d’émotion. Les faits hurlent : une petite fille sur cinq, un garçon sur treize sont concernés.

Nous avons devant nous quelque chose de colossal : l’empreinte délétère, une marque au fer rouge sur la société tout entière, celle d’une prédation massive contre laquelle nous nous devons de lutter sans tarder. C’est notre responsabilité aujourd’hui, car c’est l’impunité qui prévaut : ce sont les violeurs qui sont protégés. C’est un problème.

Nous nous devons de protéger nos enfants et nous devons donner aux victimes, quel que soit le moment où elles pourront le faire, la possibilité de porter plainte et d’obtenir la reconnaissance de l’état de victime, parce que c’est nécessaire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion