Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la vie à la campagne suppose d’accepter quelques nuisances. Rien ne serait plus illusoire que de céder à une vision bucolique ou fantasmée d’une ruralité paisible, aphone et inodore. Nos territoires ruraux ne sont pas seulement des paysages. Ce sont aussi des sons, des odeurs, des activités et des pratiques qui font partie de notre patrimoine.
Les néoruraux n’y sont pas toujours habitués. Le phénomène ne date pas d’aujourd’hui. Dans Le S ous-préfet aux champs, nouvelle du recueil Lettres de mon moulin, Alphonse Daudet dépeint un sous-préfet qui se laisse perturber dans son travail par le chant des cigales et l’odeur des violettes.
Ces sonorités et ces senteurs bien agréables sont parfois dénoncées comme des nuisances. Les vocalises d’un coq au timbre un peu trop puissant, le tintement de cloches un peu trop fréquent, tout devient prétexte à des actions en justice.
Soyons cependant nuancés, ces conflits ne sont pas aussi fréquents qu’on pourrait le croire. La presse en donne un écho particulier : souvent, le cas soumis au juge n’est pas aussi caricatural que le laisse penser la manière dont il est présenté au public. Je n’oppose pas les méchants néoruraux aux gentils ruraux. Il n’y a pas, d’un côté, les procéduriers insensibles aux charmes de la campagne et, de l’autre, les victimes de recours abusifs et intempestifs.
Pour autant, ces conflits de voisinage existent et se développent. Vous écrivez d’ailleurs, monsieur le rapporteur, que les élus locaux que vous avez auditionnés vous ont fait part de leur sentiment d’un accroissement des sollicitations ou interpellations sur ces sujets. Selon eux, on leur demande parfois de jouer un rôle de médiateur qui est loin d’être évident.
J’en profite pour souligner la qualité de votre rapport et l’important travail de recherche jurisprudentielle que vous avez fourni pour nourrir vos travaux.
Vous soulignez à juste titre que la reconnaissance des sons et odeurs des territoires ruraux doit permettre de désamorcer en amont les contentieux de voisinage. Tel est l’objet de cette proposition de loi qui est, pour moi, une bonne proposition de loi de défense de la ruralité.
Je suis donc particulièrement heureux, aujourd’hui, en ma qualité de secrétaire d’État à la ruralité, de représenter le Gouvernement et de donner un avis favorable à l’adoption de cette proposition de loi.
Je me félicite d’ailleurs que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ait adopté sans modification et à l’unanimité cette proposition de loi.
Eu égard au temps qui nous est imparti, je ne me livrerai pas à l’exégèse de ce texte. Je me contenterai de remercier le Sénat et de saluer le groupe de l’Union Centriste d’avoir fait inscrire à l’ordre du jour cette proposition de loi du député Pierre Morel-À-L’Huissier, qui connaît bien ces questions.
Je ne doute pas de l’adoption de ce texte. C’est un signal important qui sera envoyé au monde rural. Il sera apprécié à sa juste mesure.