Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi vise à reconnaître, dans le code de l’environnement, que les sons et les odeurs caractéristiques de la vie rurale constituent un patrimoine sensoriel, immatériel, qui mérite d’être inventorié, étudié et protégé.
Elle vise aussi, indirectement, à lutter contre les recours en justice abusifs menés par des vacanciers ou des néoruraux qui auraient une vision en technicolor de la campagne, des villages et de la nature, à savoir une image photographique, inodore et silencieuse.
Dans ces conflits de voisinage, c’est aussi un conflit de territoires qui se joue, avec des frontières de plus en plus floues entre le périurbain et la campagne. Élue de Gironde, je constate chaque année que nos zones rurales de la métropole bordelaise, et bien d’autres, sont menacées par l’artificialisation des sols.
Les zones commerciales, lotissements et autres entrepôts fleurissent ici et là dans des zones agricoles déclassées et l’étalement urbain occasionne de nouveaux troubles de voisinage.
L’auteur de ce texte propose une reconnaissance essentiellement symbolique des sons et odeurs de la campagne, mais aussi un travail pour mieux connaître le traitement juridique des conflits de voisinage et apprécier la spécificité des territoires ruraux. Il nous semble un peu incongru de passer par la voie législative pour traiter ce sujet, d’autant plus que la portée juridique de cette proposition de loi est restreinte.
Je terminerai par une réflexion plus large pour éviter de rester sur une vision idéalisée de la campagne. Les activités agricoles, rurales, sont en constante évolution. Ce patrimoine sensoriel que nous souhaitons préserver aujourd’hui a été mis à mal par des décennies d’intensification des pratiques agricoles : depuis les déserts de la monoculture, aux ravages des algues vertes sur le littoral, de la disparition des haies aux élevages intensifs et aux projets de fermes-usines, dont les émanations ne sont certainement pas à préserver, sans oublier les épandages de pesticides, qui n’ont presque pas d’odeur, mais qui réduisent des millions d’oiseaux et d’insectes au silence.