Intervention de Colette Mélot

Réunion du 20 janvier 2021 à 15h00
Renforcement du droit à l'avortement — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Colette MélotColette Mélot :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà quarante-six ans, la loi Veil dépénalisait l’IVG, dans un contexte que nous n’avons pas oublié. Cette loi est fragile, et nous devons être vigilants, car rien n’est jamais acquis.

Le texte que nous examinons a pour disposition principale l’allongement de deux semaines du délai légal pour pratiquer une IVG, le portant de douze à quatorze semaines de grossesse.

Des articles additionnels ont également été introduits à l’Assemblée nationale, visant, notamment, à permettre aux sages-femmes de pratiquer des interruptions volontaires de grossesse par voie chirurgicale et à rendre obligatoire la pratique du tiers payant pour les actes en lien avec l’IVG – des dispositions déjà satisfaites par l’adoption de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.

Même si je comprends la volonté des auteurs de la proposition de loi, qui s’adresse avant tout aux milliers de femmes contraintes chaque année de partir à l’étranger pour pratiquer une IVG hors délai, je ne suis pas favorable à l’allongement du délai à quatorze semaines.

Dans la plupart des cas, les patientes n’ont eu connaissance de leur grossesse que tardivement et étaient en grande partie sous contraception. Pour autant, rallonger de deux semaines le délai d’accès à l’IVG en France s’apparente à une fuite en avant.

Le Royaume-Uni autorisant cet acte jusqu’à vingt-quatre semaines, la France sera toujours en deçà de cette limite. De nombreux praticiens refusent de pratiquer une IVG instrumentale au-delà de dix semaines. En pratique, si nous allongeons de nouveau le délai de deux semaines, un plus grand nombre de médecins refuseront de pratiquer l’IVG, laissant beaucoup de femmes sans solution de prise en charge.

Aujourd’hui, les difficultés d’accès à l’avortement persistent : il faut les supprimer. C’est là l’urgence, pour que la loi s’applique pleinement.

L’accroissement des délais de prise en charge est un véritable problème, plus encore pendant la période estivale. La marginalisation de l’activité de l’IVG au sein des hôpitaux publics, souvent pratiquée par des vacataires, l’engorgement de certains centres hospitaliers et la désertification médicale aggravent ces difficultés.

Nous devons prendre les mesures nécessaires pour permettre aux femmes d’avoir accès à l’IVG dans les cinq jours suivant la première consultation. Plus cet acte est pratiqué de façon anticipée, plus le risque de complication est faible. La loi Veil est bien faite ; veillons donc à son application effective et à l’égalité d’accès à ce droit pour toutes les femmes, sans discrimination.

N’oublions pas la détresse des femmes confrontées à une grossesse non désirée, surtout lorsqu’elles sont isolées et fragilisées par la vie.

Les centres sociaux ont, à mon sens, un rôle d’information et de soutien à jouer. Je souhaite également insister sur un point essentiel, trop souvent oublié en matière de santé publique, me semble-t-il : les carences en matière de prévention expliquent l’absence de diminution, au cours des trente dernières années, du nombre de recours à l’IVG. En 2019, plus de 230 000 IVG ont été pratiquées, soit une grossesse sur quatre. C’est beaucoup trop !

Plus grave encore, ce nombre augmente chez les mineures. Nous devons donc, sans plus tarder, nous doter d’une véritable politique d’information sur la sexualité et sur la contraception, en ciblant particulièrement les jeunes femmes, mais aussi les hommes. En 2019, le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, pointait un déficit alarmant en matière d’éducation ; un établissement scolaire sur quatre ne prévoit pas d’éducation à la sexualité.

Je dirai un mot, enfin, sur les mesures prises pour adapter notre système de santé à la crise sanitaire. Nous saluons l’extension du délai de l’IVG médicamenteuse pratiquée en ville.

Je considère, en conclusion, qu’il nous faut renforcer les moyens d’accès à l’IVG, adapter les actions d’une prévention digne de ce nom et mieux accompagner les femmes pour que toutes les demandes puissent être prises en charge avant la fin de la douzième semaine.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera contre l’allongement de deux semaines du délai légal ; néanmoins, nous voterons contre la motion tendant à opposer la question préalable, parce que, d’une façon générale, nous sommes opposés au refus de débattre et que, dans le cas qui nous occupe, un tel sujet mérite d’être examiné de façon approfondie.

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