Intervention de Raymonde Poncet Monge

Réunion du 20 janvier 2021 à 15h00
Renforcement du droit à l'avortement — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Raymonde Poncet MongeRaymonde Poncet Monge :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout le monde en convient, la présente proposition de loi ne vise pas à rouvrir le débat sur le droit à l’IVG en France, et notre discussion ne doit pas être l’occasion de le faire. Elle tend à améliorer l’effectivité de ce droit, car, en dépit de nombreuses avancées législatives, des obstacles demeurent, voire s’aggravent.

Nous sommes invités, au travers d’un rapport d’information de l’Assemblée nationale, à renforcer l’effectivité du droit à l’avortement. C’est à cette nécessité que répond cette proposition de loi.

Comme il s’agit, pour le législateur, de garantir la liberté des femmes qui veulent et doivent pouvoir user de ce droit fondamental, quelle que soit leur situation socioéconomique et territoriale, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre la motion tendant à opposer la question préalable, qui conduirait au statu quo, et pour la proposition de loi.

On ne prétend pas, au travers de ce texte, traiter toutes les causes bridant l’accès à ce droit. En effet, parmi ces dernières, certaines, qui sont structurelles, nécessiteront une action de long terme : offre de soins en orthogénie dégradée et concentrée territorialement, faiblesse de la politique de prévention et quasi-absence de grande campagne d’information et d’éducation.

Pour autant, peut-on se cacher derrière le constat selon lequel cela ne répond pas à la totalité du problème pour s’interdire des avancées ?

J’invite les collègues tentés par cet attentisme à amender le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour y intégrer des actions plus structurelles ; nous les soutiendrons volontiers. En attendant, la cohérence des différents articles de cette proposition de loi réside dans la problématique commune d’un accès amélioré et égal au droit fondamental à l’IVG.

Cette proposition de loi améliore l’accès à l’IVG en allongeant, de douze à quatorze semaines, les délais légaux pour y recourir. Bien sûr, tout doit être fait pour que l’interruption de grossesse se déroule le plus tôt possible – d’autres articles de la proposition de loi y contribuent d’ailleurs –, mais il demeurera toujours des diagnostics tardifs de grossesse ou des situations personnelles complexes, dans un contexte où, de surcroît, les insuffisances de l’offre en aggravent les conséquences.

Aucune justification médicale ne s’oppose à cet allongement et le Comité consultatif national d’éthique conclut à l’absence « d’objection éthique à allonger le délai d’accès à l’IVG de deux semaines ».

Dès lors, même si les intéressées ne sont que quelques milliers à devoir se rendre à l’étranger, nous devons mettre fin aux conséquences préjudiciables de cette situation, y compris du point de vue de la santé et de l’accroissement des inégalités face à ce droit.

Cette proposition de loi améliore également l’accès à l’avortement en permettant aux sages-femmes de pratiquer les IVG instrumentales jusqu’à la dixième semaine – une demande forte de la profession –, améliorant ainsi, de façon indirecte, le maillage du territoire en praticiens et donnant aux femmes la possibilité de choisir entre les deux méthodes.

Ce texte améliore en outre l’accès à l’IVG au travers de l’article relatif au tiers payant et en supprimant, enfin, la clause de conscience spécifique.

La clause de conscience générale garantit le même droit individuel aux professionnels à ne pas pratiquer une IVG que la clause dite « spécifique ». Il n’y a pas de nécessité objective et juridique à cette double clause, mais, en insistant pour la qualifier de « spécifique », en donnant un statut particulier à cet acte médical, en le mettant à part, c’est le débat collectif sur ce droit que l’on poursuit, c’est l’impact collectif que l’on vise et, in fine, ce n’est pas un droit individuel que l’on préserve, c’est un stigmate que l’on pose.

Chers collègues, dans certains pays, les acquis – ou plutôt les « conquis » – des droits de la femme sont menacés, et, à l’inverse, les femmes ont fait progresser leurs droits en Argentine. La France se doit d’être du côté des avancées.

Si, pour le poète, « Rien n’est jamais acquis à l’homme », rien n’est jamais non plus acquis à la femme, pour qui tout statu quo, toute pause dans la défense de ses droits formels et réels, ouvre la voie aux remises en cause. Aussi, confortons et améliorons, pas à pas, l’accès à l’IVG, en adoptant cette proposition de loi.

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