Intervention de Émilienne Poumirol

Réunion du 20 janvier 2021 à 15h00
Renforcement du droit à l'avortement — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Émilienne PoumirolÉmilienne Poumirol :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaiterais commencer mon propos par un simple rappel, qui me semble nécessaire : en France, trois femmes sur quatre ayant recours à l’IVG ont fait le choix d’un moyen de contraception.

L’IVG n’est donc en rien une méthode contraceptive et n’est jamais un choix de facilité. Chaque année, en France, environ 2 000 femmes sont encore concernées par le dépassement du délai légal de douze semaines de grossesse pour l’IVG.

Ces femmes se retrouvent alors sans solution et sont confrontées à un choix nécessairement insatisfaisant : demander une IMG avec les difficultés que cela représente, poursuivre leur grossesse contre leur volonté ou se rendre à l’étranger pour pouvoir avorter. Ce dernier choix est possible dans plusieurs pays, tels que l’Espagne, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas, où les délais sont plus longs.

Comment, aujourd’hui, peut-on nier la détresse de ces femmes et leur refuser ce droit fondamental ? Comment peut-on accepter que la protection de la santé de ces femmes revienne à nos voisins ? Il est de notre responsabilité de législateurs de garantir le droit fondamental à l’IVG, de protéger la santé et la dignité de nos concitoyennes.

On le sait, et nul ne saurait le nier, une grossesse non désirée menée à son terme peut avoir des conséquences dramatiques, tant pour la mère que pour l’enfant, mais aussi, je tiens à le rappeler, pour l’ensemble de la famille, y compris les pères.

Comme nous l’a rappelé le CCNE consulté par le ministre de la santé, l’allongement de deux semaines du délai ne pose pas de problème d’éthique et n’entraîne pas, non plus, de risques supplémentaires de complications médicales pour les femmes. Aussi, face à ces constats, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutient cette initiative.

Il est également grand temps de supprimer la clause de conscience spécifique à l’IVG et, enfin, de considérer ce droit et cet acte médical comme faisant partie intégrante de la vie et de la santé des femmes.

Si, dès son adoption, les législateurs avaient inséré dans la loi Veil une clause de conscience permettant aux médecins et aux sages-femmes de disposer d’un droit de refus spécifique pour la réalisation d’une IVG, c’est bien parce qu’il s’agissait d’une loi de compromis.

Néanmoins, nous étions en 1975. Aujourd’hui, cette clause législative spécifique s’ajoute à la clause de conscience générale des professionnels de santé, qui revêt un caractère réglementaire, permettant à ces derniers de ne pas pratiquer tout acte médical.

Sans apporter de liberté supplémentaire, cette disposition apparaît, aujourd’hui, comme une volonté de conserver un statut à part pour l’acte de l’IVG. Cela induit l’idée que l’IVG n’est pas un droit comme les autres, stigmatise l’acte et perpétue une forme de culpabilisation des femmes qui y recourent. Cela, mes chers collègues, est inadmissible. Nous vous demandons donc de voter pour la suppression de cette clause spécifique de conscience.

Si l’allongement du délai de 15 jours permettra de mieux prendre en charge certaines femmes, il convient de rappeler que l’effectivité du droit à l’avortement repose avant tout sur la fluidité et l’efficacité du chemin pour y accéder. Aussi, l’obligation de réorientation par les professionnels de santé et de publication par les ARS de répertoires recensant les professionnels et les structures pratiquant l’IVG est primordiale pour permettre à chaque femme d’exercer son droit à l’IVG.

Cet ensemble de mesures portées par la présente proposition de loi représente donc une avancée importante dans la défense du droit à l’IVG et son effectivité. Néanmoins, ces mesures ne sauraient, à elles seules, suffire. J’insiste sur le fait qu’elles doivent être intégrées à une amélioration globale du parcours d’IVG et à une véritable politique de santé sexuelle et reproductive.

L’une des questions essentielles que nous devons nous poser est celle de l’accès égalitaire à l’IVG pour toutes les femmes. Il est intolérable que le recours de ce droit fondamental dépende, dans notre pays, de son lieu d’habitation ou de sa situation sociale. Ainsi, dès 2013, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a alerté sur les difficultés induites par la fermeture d’établissements pratiquant les IVG.

Entre 2007 et 2017, hors fusions d’établissements et 70 centres ont fermé en France ; en dix ans le nombre de centres pratiquant l’IVG a diminué de 7, 7 %. Quelque 37 départements métropolitains compteraient ainsi moins de 5 professionnels de santé libéraux pratiquant les IVG médicamenteuses. Ce manque de structures et les disparités qui existent entre les territoires restreignent de fait la liberté des femmes à recourir à la méthode d’IVG de leur choix.

À ces inégalités territoriales s’ajoutent celles qui sont liées au niveau de vie des femmes.

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