Je veux tout d’abord faire une remarque. On cite souvent cette phrase de Simone Veil : « L’avortement est un drame. » Je voudrais rappeler que le premier drame, avant l’avortement, c’est pour une femme celui d’être enceinte quand elle ne veut pas ou ne peut pas élever un enfant.
C’est le drame séculaire de la condition des femmes : la peur de la grossesse, que les relations sexuelles soient consenties ou non. Or il nous faut mesurer combien il arrive qu’elles ne le soient pas. Avec le viol, avec les relations sexuelles imposées, la peur de la grossesse est toujours présente ; le premier drame est là.
Moi aussi, j’aurais préféré que le débat se tienne. Pour tout vous dire, je me suis replongé dans les débats que nous avons eus en 2001, quand le délai a été allongé de dix à douze semaines.
Or les mêmes arguments, mot pour mot, sont employés aujourd’hui, à vingt ans d’écart. On entend les mêmes menaces d’eugénisme, de difficultés médicales, d’avortements retardés par les femmes. Rien de tout cela n’est produit entre la dixième et la douzième semaine ; cela ne se produira pas davantage entre la douzième et la quatorzième !
Moi aussi, j’aurais bien aimé que l’on débatte de ce texte, mais je vous avouerai que le plus important, à mes yeux, c’est que la navette parlementaire se fasse, que ce texte reparte à l’Assemblée nationale et qu’il aboutisse.
J’ai entendu tout à l’heure avec intérêt M. le secrétaire d’État affirmer qu’il faut que la navette se poursuive. Je ne sais pas si c’est un avis du Gouvernement ; au moins, c’est une piste. J’imagine, monsieur le secrétaire d’État, que si vous voulez que la navette se poursuive, ce n’est pas pour que le texte s’enlise, mais bien pour qu’il aboutisse.
Nous allons donc attendre qu’un groupe de l’Assemblée nationale veuille bien demander l’inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour. J’espère que le Gouvernement convoquera ensuite une commission mixte paritaire, pour permettre que les propositions contenues dans ce texte constituent un droit nouveau, effectif et garanti pour les femmes.
Enfin, je me tiens, comme tout le Sénat manifestement, à la disposition du Gouvernement, pour discuter de la manière dont on peut, au mieux, mettre en place une réelle politique sanitaire de soutien à la santé sexuelle et reproductive. Contraception, avortement et fertilité : ces trois sujets, mes chers collègues, peuvent être abordés au sein de ce qui est, pour le moment, un angle mort de la politique sanitaire.