Intervention de Thomas Dossus

Réunion du 20 janvier 2021 à 15h00
Droits nouveaux dès dix-huit ans — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Thomas DossusThomas Dossus :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, face à la pauvreté, face à la précarité, face à l’exclusion d’une partie grandissante de la jeunesse, il y a urgence. Entre 2002 et 2018, le taux de pauvreté des jeunes est passé de 8 % à 13 %. Pour les personnes seules, qui ne vivent pas chez leurs parents et ne sont pas en couple, le chiffre augmente encore, avec 22 % de jeunes sous le seuil de pauvreté.

Ces chiffres de 2018 sont les derniers communiqués par l’observatoire des inégalités, mais la crise sanitaire a aggravé la situation des jeunes précaires. Toutes les organisations que nous avons auditionnées, au niveau national ou dans les territoires, nous disent la même chose : la jeunesse de ce pays a été percutée par la crise.

L’incertitude qui pèse sur son avenir et l’impossibilité de trouver rapidement du travail plongent toute une génération dans l’impasse, sans aucun filet de sécurité. Le recours à l’aide alimentaire d’urgence explose, et la détresse psychologique prend des proportions dramatiques. La voilà l’urgence, la voilà la conséquence de la crise : la jeunesse est au bord de la rupture, et il est temps d’agir.

La France, qui peut être fière de son modèle social, en a exclu en partie sa jeunesse. C’est une anomalie européenne : chez quasiment tous nos voisins, les droits sociaux s’ouvrent pleinement avec la majorité.

Face à cette situation, le Gouvernement a multiplié des dispositifs, dont la garantie jeunes, dont l’extension à 200 000 bénéficiaires est prévue en 2021. Elle consiste en une aide financière et un dispositif d’accompagnement temporaire d’un an et demi au maximum, pour permettre l’accès à l’emploi et à une formation. C’est un dispositif correct, mais finalement assez lourd, qui n’est pas à la hauteur de la crise actuelle.

Pourquoi ce choix, alors que l’on dispose déjà d’un dispositif simple, le RSA, qui n’est certes pas parfait, mais dont toute la mécanique administrative est en place ? On préfère multiplier d’autres dispositifs, avec un seul but : décourager les potentiels bénéficiaires.

Celles et ceux qui n’ont d’ordinaire que « la simplification de l’État » à la bouche lorsqu’il s’agit d’attaquer notre modèle social rechignent aujourd’hui à une simple mise à jour du RSA.

Les raisons, nous les connaissons : le dogmatisme libéral et le mépris pour la jeunesse. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, l’a affirmé sans détour sur BFM TV vendredi dernier : « À 18 ans, ce qu’on veut, c’est un travail. On veut une rémunération de son travail, on ne veut pas une allocation ».

M. le ministre de l’économie va sûrement expliquer aux jeunes comment trouver un travail, alors que le taux de chômage a littéralement explosé au troisième trimestre 2020, passant à 22 % chez les jeunes, et que les organismes de statistiques s’attendent à une vague sans précédent de défaillances d’entreprises pour 2021. Il est donc urgent d’agir, d’investir dans la jeunesse.

Le Gouvernement a fait preuve d’une impressionnante célérité pour soutenir nos industries parfois très polluantes. Il est aujourd’hui temps de mettre la même volonté et la même conviction pour sauver notre jeunesse.

La proposition de nos collègues socialistes est simple, elle tient en une phrase : étendre le RSA aux jeunes âgés de 18 à 25 ans. Permettre aux jeunes qui ne suivent pas d’études ou de formation et qui n’ont pas de travail de disposer d’un minimum de ressources et d’autonomie.

La croyance selon laquelle une allocation encouragerait l’oisiveté et la paresse a été battue en brèche par toutes les dernières recherches académiques. Je pense notamment aux travaux d’Esther Duflo, prix Nobel d’économie, qui a montré que plus on aide les gens, plus ils sont capables de repartir d’eux-mêmes et plus ils sont aptes à sortir de la trappe à pauvreté dans laquelle ils sont enfermés.

Les jeunes ont donc besoin de tout, sauf du paternalisme d’une génération d’hommes d’État qui n’a jamais poussé les portes d’un Crous ou d’une agence Pôle emploi.

Monsieur le secrétaire d’État, entendez l’appel de toutes les associations de jeunesse, de toutes les associations de lutte contre la pauvreté, de tous les collectifs d’aide aux précaires qui demandent l’extension du RSA aux 18-25 ans. Entendez l’appel du Conseil économique, social et environnemental qui, le 2 décembre 2020, a demandé solennellement l’extension du RSA aux 18-25 ans.

Chers collègues de droite, pour ceux qui sont encore là

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