Intervention de Henri Leroy

Réunion du 19 janvier 2021 à 14h30
Garantie du respect de la propriété immobilière contre le squat — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Henri LeroyHenri Leroy :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis particulièrement satisfait de rapporter devant vous la proposition de loi de notre collègue Dominique Estrosi Sassone, cosignée par plus d’une centaine de sénateurs. Les affaires récentes de Théoule-sur-Mer ou du Petit Cambodge nous appellent en effet à mieux protéger la propriété, « droit inviolable et sacré » selon la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, inscrite dans le préambule de notre Constitution, contre les squatteurs.

Certes, il existe déjà des dispositifs spécifiques pour lutter contre les squatteurs : le délit de violation de domicile de l’article 226-4 du code pénal ou la procédure rapide d’évacuation forcée, créée sur l’initiative du Sénat et, plus précisément, de notre collègue Catherine Procaccia dans la loi DALO du 5 mars 2007 lorsqu’il y a violation du domicile au sens de l’article 226-4 du code pénal. Mais les affaires évoquées démontrent qu’ils ne sont ni suffisamment dissuasifs à l’égard des squatteurs ni suffisamment connus des propriétaires, voire des préfectures, des forces de police et de gendarmerie et même des parquets.

À ce propos, j’ai été très surpris d’entendre lors de mes auditions que, dans l’affaire de Théoule-sur-Mer, le procureur de la République se serait opposé à une intervention des gendarmes, en invoquant le dépassement d’un délai de flagrance de quarante-huit heures, pourtant non prévu par les textes, puisqu’il s’agit d’un délit continu. La sous-préfecture, quant à elle, paraissait peu au fait de la question et ignorait que la procédure d’évacuation forcée pouvait s’appliquer à une résidence secondaire. C’est finalement parce qu’elle a constaté des faits de violences conjugales au sein du couple de squatteurs que la gendarmerie est intervenue et que les propriétaires ont pu réintégrer leur bien, propriété et domicile.

Ce dysfonctionnement est incompréhensible pour nos concitoyens. Une loi existe, mais elle est mal connue et, donc, mal appliquée. Les ministères interpellés nous annoncent une circulaire prochaine pour y remédier : elle est indispensable, et j’espère, madame la ministre, que nous n’aurons pas à attendre beaucoup plus longtemps.

Pour autant, la proposition de loi de notre collègue Dominique Estrosi Sassone n’est pas la énième réaction législative à un fait divers. Il s’agit d’un travail de fond pour compléter de manière utile la législation en vigueur. La commission des lois en a gardé les principaux apports, tout en la recentrant sur le cas des véritables squatteurs, c’est-à-dire ceux qui pénètrent dans les lieux contre la volonté du propriétaire, par manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, et qui savent donc, sans ambiguïté, ne pas être chez eux, selon les termes consacrés de la jurisprudence.

Les auditions que j’ai menées auprès des ministères concernés, mais aussi de l’Union nationale des propriétaires immobiliers et de la Fondation Abbé-Pierre m’ont convaincu de la nécessité de distinguer la situation des locataires défaillants ou des occupants à titre gratuit qui se maintiennent dans les lieux contre la volonté du propriétaire de celle des squatteurs.

Il y a tout d’abord une question d’opportunité : ces personnes sont entrées dans les lieux de manière licite et elles peuvent être simplement confrontées à un accident de la vie. Pénaliser le locataire défaillant reviendrait en définitive à réintroduire l’emprisonnement pour dettes. Cela ne signifie pas qu’il n’y ait rien à améliorer pour agir contre les locataires de mauvaise foi qui font du « tourisme locatif », mais c’est un autre sujet. D’ailleurs, avec la commission des lois, nous avons défini, en début d’examen de cette proposition de loi, son périmètre pour l’application de l’article 45 de la Constitution.

Il s’agit également de préserver l’équilibre entre le droit constitutionnel de propriété, garanti par les articles II et XVII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et le droit au logement, qui a été reconnu comme un objectif de valeur constitutionnelle.

Dans cet esprit, la commission a précisé le nouveau délit d’occupation frauduleuse d’un immeuble, en exigeant une introduction dans les lieux à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte. Elle a également introduit une gradation des peines pour punir plus sévèrement le squat d’un domicile que celui de locaux non utilisés à cette fin.

La commission a précisé la définition de la nouvelle infraction consistant à faire la propagande ou la publicité de l’occupation frauduleuse d’immeuble pour ne cibler que la diffusion de méthodes visant à faciliter ou à inciter à la commission de ce délit. Il s’agit de préserver la liberté d’expression des associations luttant contre le mal-logement, tout en permettant la poursuite de ceux qui incitent au squat en publiant sur internet de véritables modes d’emploi.

Par cohérence, à l’article 3, la commission a exclu de la procédure administrative d’évacuation forcée les locataires ou occupants entrés dans les lieux avec l’accord du propriétaire et qui se maintiendraient contre sa volonté, après résiliation du contrat de bail ou le retrait de l’autorisation. Elle a en revanche élargi l’application de cette procédure dérogatoire aux « locaux à usage d’habitation ». Le Sénat avait déjà voté cette mesure dans le cadre de la loi ÉLAN, sur l’initiative de notre collègue Marc-Philippe Daubresse, alors rapporteur pour avis.

L’article 3 de la proposition améliore ainsi de manière substantielle la rédaction adoptée en décembre dernier dans le cadre de la loi ASAP. Il permet d’apporter une solution lorsque le logement illicitement occupé n’est pas encore le domicile effectif de quelqu’un, par exemple lorsque les squatteurs occupent un logement laissé vacant entre deux locations ou un logement nouvellement acheté.

Enfin, à l’article 4, nous avons maintenu l’exigence d’une entrée dans les lieux par voies de fait pour priver un occupant du bénéfice du délai de deux mois et de la trêve hivernale dans le cadre d’une procédure d’expulsion, tout en précisant la notion de « voies de fait » pour éviter certaines jurisprudences divergentes, généralement peu favorables aux propriétaires.

Mes chers collègues, je vous invite à voter le texte de la commission, qui est efficace et équilibré. Mme la ministre nous dira probablement qu’il est trop tôt pour revenir sur un sujet qui vient de faire l’objet de dispositions dans le cadre de la loi ASAP du 7 décembre 2020… Mais l’auteur de la proposition de loi nous a expliqué de façon remarquable comment on n’avait pas pu aller au bout de ces dispositions.

Pour ma part, je considère qu’il n’est jamais trop tôt pour apporter des solutions à des problèmes qui existent et persistent depuis des années. Il suffit d’aller sur le terrain pour le constater – aller sur le terrain, c’est voir ; rester à son bureau, c’est philosopher ! Et ces problèmes perturbent gravement la vie de certains de nos concitoyens !

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