Monsieur le président, madame la ministre, mes très chers collègues, le droit de propriété est affaibli ; pourtant, des parlementaires tentent depuis de nombreuses années de le préserver. Je veux saluer à ce titre l’excellent travail que mène au Sénat notre collègue Dominique Estrosi Sassone, mais aussi les efforts de notre collègue député Julien Aubert ou encore de nos collègues Henri Leroy et Catherine Procaccia. L’article II de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est très clair : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. »
Même si le droit de propriété a une valeur constitutionnelle, nous assistons toujours à des violations de domicile et à des occupations de biens immobiliers par des squatteurs. En 2015, une dame de 83 ans avait ému tous les Français en luttant pendant dix-huit mois pour récupérer sa propriété ; à Garges-lès-Gonesse, un propriétaire, dont la maison a été occupée, s’est vu opposer par les squatteurs un ticket de livraison de pizzas pour établir leur présence depuis plus de quarante-huit heures. C’est lamentable ! Les squatteurs savent bien que, passé ce délai, la procédure d’expulsion par la police devient complexe, même si la loi du 24 juillet 2015 rend son déroulement plus acceptable.
L’incapacité de notre droit à défendre concrètement le droit de propriété aboutit à un recours inquiétant à la justice privée. C’est ce qui s’est passé à Garges-lès-Gonesse, où des jeunes de la ville se sont organisés sur les réseaux sociaux pour expulser eux-mêmes les occupants de la maison. Au mois d’août 2018, à Montpellier, un squatteur a été jusqu’à lancer une action contre la propriétaire du logement pour violation de domicile !
Durant l’été 2020, nous avons malheureusement été témoins de telles atteintes au droit de propriété : les médias se sont notamment fait l’écho de la situation de ce couple lyonnais qui a découvert sa résidence secondaire de Théoule-sur-Mer squattée, les serrures changées. Malgré l’absence d’une ordonnance d’expulsion, les propriétaires légitimes ont pu retrouver immédiatement, et en toute légalité, la jouissance de leur bien. Malheureusement, tous les cas – nombreux, même si le phénomène est difficilement quantifiable – ne sont pas médiatisés.
Ces atteintes manifestes au droit de propriété sont inacceptables. Les propriétaires victimes de ces occupations illicites, qui ne font pourtant valoir que leur bon droit, se trouvent dans une situation d’impuissance à laquelle nous devons répondre.
Au regard des situations que nous rencontrons dans nos circonscriptions en la matière, il est normal que nous, qui sommes les représentants du peuple français et les représentants des communes, fassions ce qui est en notre pouvoir pour mieux protéger nos concitoyens. Il ne s’agit pas seulement de faits divers, mais souvent de véritables drames. C’est une réalité, le droit n’est pas respecté, les propriétaires se sentent souvent démunis, voire abandonnés par les pouvoirs publics ; pis, ils estiment que le droit n’est pas de leur côté, mais qu’il protège, à l’inverse, ceux qui occupent leur maison en toute illégalité.
Ces situations anormales et inadmissibles défient ouvertement l’autorité de l’État et la capacité de celui-ci à garantir l’ordre public. Ce n’est pas acceptable dans un État de droit. Si l’État ne remplit pas ses obligations les plus élémentaires, comme celle de faire cesser les atteintes au droit de propriété, alors notre contrat social est en péril. C’est pourquoi il est de notre devoir de parlementaires d’agir en visant deux objectifs : premièrement, protéger le droit de propriété ; deuxièmement, permettre à la puissance publique d’agir et d’agir vite.
Quatre mesures simples garantiront plus de justice pour nos concitoyens en augmentant la peine encourue en cas de violation de domicile, en créant un nouveau délit d’occupation frauduleuse d’un immeuble, en réduisant les délais légaux permettant le prononcé de l’expulsion, enfin, en mettant en cohérence le code des procédures civiles d’exécution. Le texte proposé par le groupe Les Républicains, que je vous invite à voter, mes chers collègues, permet de lutter contre le recours à une justice privée, conséquence regrettable d’une action publique souvent impuissante.
Permettez-moi de vous rappeler que, dans un pays où les dépenses publiques atteignent 65 % et les prélèvements obligatoires 45 %, on ne peut pas dire que la solidarité nationale est en reste. Or les propriétaires y participent tout au long de l’acquisition de leur bien et même après leur mort, puisque nos droits de succession sont parmi les plus élevés au monde. La moindre des choses est donc de les protéger, d’autant que près de la moitié des propriétaires privés sont de petits propriétaires ayant acquis un bien pour bénéficier d’un complément de revenu. Ne pas les aider revient à valider des politiques antisociales.
Ces propriétaires ont connu des décennies de souffrance et d’angoisse, des citoyens honnêtes ont été broyés par les travers du droit. Ils nous regardent aujourd’hui et attendent que nous nous fassions leur porte-parole. Je vous demande de vous engager sur ces mesures simples, en vous souvenant que nous sommes là pour œuvrer pour la République et pour l’intérêt général.
Pour paraphraser Jaurès, je dirai que le premier des droits de l’homme est la liberté individuelle, la liberté de la propriété, la liberté de la pensée, la liberté du travail. Ne l’oublions pas !