Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le droit de propriété est un droit naturel et imprescriptible de l’homme. La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. Voilà ce qui ressort des articles II et XVII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Pourtant, pas un mois ne passe sans que des propriétaires voient leurs biens confisqués par des squatteurs sans vergogne.
Ces occupations illicites de domicile, de résidence secondaire ou de terrain se multiplient en France. Nous avons tous en tête le triste exemple de Théoule-sur-Mer, dans les Alpes-Maritimes, où un couple de retraités a récupéré sa maison saccagée après l’expulsion des squatteurs.
À Oignies, dans le Pas-de-Calais, à Saint-Honoré-les-Bains, dans la Nièvre, ou encore au Mans, dans la Sarthe, l’histoire est toujours la même : les squatteurs profitent de l’absence des propriétaires pour investir les lieux et mettent à profit toutes les failles de la législation pour s’y installer durablement.
« Sidération », « exaspération », « colère », « révolte », « traumatisme », tels sont les mots des victimes confrontées à ces squats, qui se retrouvent sur le seuil de leur propre porte, impuissantes. Elles doivent alors, bien souvent, s’engager dans un parcours kafkaïen pour récupérer leur propriété et, enfin, rentrer chez elles.
Ces faits génèrent une émotion légitime auprès de l’ensemble de nos compatriotes à laquelle nous devons répondre. Tel est l’objet de notre proposition de loi, chère Dominique Estrosi Sassone.
Lorsque la loi apparaît trop permissive ou pas assez dissuasive quant à l’occupation sans droit ni titre, elle donne lieu à des situations absurdes et intolérables dans lesquelles la charge de la preuve est inversée au détriment des propriétaires, qui doivent se justifier, et au bénéfice des squatteurs, qui se sentent à l’abri de toute répercussion. Ces situations mettent en exergue une faillite de l’État de droit, illustrent notre laxisme et favorisent le sentiment d’impunité de certains délinquants. Il y a donc urgence à colmater les brèches du droit en vigueur, dans lesquelles les squatteurs s’engouffrent au mépris du droit et du respect le plus élémentaire.
Certes, depuis 2007, la législation a évolué vers un durcissement des sanctions et une réduction du périmètre de la protection conférée aux squatteurs, avec, notamment, la création d’une procédure administrative accélérée. Force est de constater que, d’une part, elle n’est pas suffisamment décourageante et que, d’autre part, le problème demeure, voire s’aggrave.
De même, la réponse apportée par le gouvernement actuel, via un amendement au projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, est largement insuffisante et ne réglera certainement pas les anomalies de notre arsenal législatif. En cause : le périmètre encore trop restreint des avancées récentes.
La loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique a, par exemple, permis la non-opposition de la trêve hivernale aux squatteurs, mais cette disposition législative de 2018 ne s’applique que dans les cas où les occupants illégaux se sont introduits par voies de fait dans le logement, c’est-à-dire par effraction.
En outre, le manque d’efficacité des procédures d’expulsion est régulièrement dénoncé. Pour rappel, il appartient au propriétaire de faire constater sous quarante-huit heures une occupation illégale de son bien pour faire valoir la flagrance et, donc, la procédure de l’article 38 de la loi dite « DALO ».
S’agissant des résidences secondaires, il est plus difficile de constater une flagrance en seulement deux jours. Dès lors, il revient au propriétaire d’engager une procédure judiciaire, par nature longue et coûteuse.
Nous ne pouvons cautionner plus longtemps cette complaisance à l’égard des squatteurs. Aussi le but de cette proposition de loi est-il de renforcer la lutte contre le squat par la création de nouvelles infractions pénales. Le dispositif propose donc, d’une part, d’aggraver la peine en cas de violation de domicile et, d’autre part, de renforcer la protection de tous les biens immobiliers.
En outre, afin de rendre pleinement opérationnelle la mise en demeure par le préfet, les délais aujourd’hui prévus par la loi sont réduits à deux titres. Le délai d’instruction de cette demande est fixé à vingt-quatre heures ; si les squatteurs n’ont pas libéré les lieux dans le délai fixé par le préfet, ce dernier est tenu de faire évacuer le logement par la force publique immédiatement à l’issue de ce délai.
Le travail en commission, dont je salue la qualité, a permis de préciser le champ d’application du texte pour le recentrer sur les seuls squatteurs. À cet égard, six amendements du rapporteur ont été adoptés afin de sanctionner les auteurs, tout en préservant l’équilibre nécessaire entre le droit de propriété et le droit au logement, reconnu comme objectif de valeur constitutionnelle.
Madame la ministre, chers collègues, sans droit, il n’y a plus d’État, et sans État qui protège, le pacte social est rompu, ce qui donnera lieu à la justice privée, laquelle, d’ailleurs, s’est manifestée dans certains cas de squat. Les auteurs de cette proposition de loi entendent apporter la démonstration que nous ne sommes pas impuissants lorsqu’il s’agit de faire respecter nos valeurs les plus fondamentales. Il y va de notre responsabilité !