Intervention de Georges Richelme

Délégation aux entreprises — Réunion du 21 janvier 2021 à 9h00
Table ronde sur les « difficultés des tpe et pme dans la crise : comment franchir le cap du 1er semestre 2021 ? »

Georges Richelme, président de la Confédération générale des tribunaux de commerce :

Nous travaillons sur la même matière que les administrateurs et les mandataires judiciaires : beaucoup a donc déjà été dit et bien dit par Me Basse.

En temps normal, chaque année, 45 000 procédures collectives sont ouvertes devant les tribunaux de commerce et 5 000 devant les tribunaux judiciaires - qui concernent notamment les agriculteurs. En 2020, nous avons assisté à une forte diminution du nombre de défaillances d'entreprises de l'ordre de - 38 à - 45 %.

N'oublions pas que la faillite n'existe plus en droit français, sauf en tant que sanction personnelle contre des dirigeants fautifs. Avec ce mot impropre, on stigmatise et on fait peur. Il convient de parler d'ouvertures de procédures collectives. Mais ce chiffre ne reflète pas parfaitement le nombre d'entreprises concernées, car une même entreprise peut faire l'objet de plusieurs procédures dans l'année.

Comment expliquer la forte diminution du nombre d'ouvertures de procédures collectives en 2020 ? Tout d'abord, en raison de la suspension de l'activité des tribunaux à partir du 19 mars. Celle-ci fut cependant moindre dans les tribunaux de commerce grâce aux efforts de leurs greffiers et de leurs juges élus et bénévoles qui ont rapidement mis en place des visio-audiences, comme l'a reconnu un rapport du Sénat. Par ailleurs, la Chancellerie a décidé une restriction des procédures, si bien que, pendant un temps, les procédures collectives n'ont pas pu être ouvertes. Quelques gros dossiers sont cependant arrivés dans les tribunaux : La Halle, Alinéa, Naf-Naf...

On observe une « hibernation », car les entreprises ont reçu des aides, mais ne savent pas quelles seront les futures aides. Nous devrions assister à partir de maintenant à une hausse des procédures de prévention - si tant est que celles-ci soient entrées dans les moeurs -, mais nous ne la constatons qu'à peine.

L'augmentation permanente du nombre d'immatriculations de nouvelles entreprises est un point positif. Au tribunal de Marseille - que j'ai présidé quelques années -, l'augmentation a été de + 16 % en 2020 par rapport à 2019 : on continue à créer des entreprises en France !

Les tribunaux se sont adaptés pour faire face : la visioconférence a permis de recevoir les entreprises ; les cellules de prévention montent en puissance ; et de plus en plus de présidents sortent de leur tribunal pour organiser des rencontres et diffuser l'information.

La moyenne d'emplois par procédure de prévention se situe autour d'une vingtaine de salariés : les TPE - qui comptent neuf salariés et moins - ne sont donc pas dans la démarche de prévention. Leurs dirigeants, isolés, manquent d'information et d'accompagnement. Il existe une vingtaine de dispositifs de prévention, mais le seul qui protège est le dispositif judiciaire, qui permet à l'entrepreneur d'être accompagné.

La réaction des pouvoirs publics et des parlementaires a été très forte : nous avons disposé des textes très rapidement. Il serait intéressant de pérenniser la visio-audience, mais sans la rendre obligatoire, car rien ne remplace le contact direct entre le juge et le dirigeant.

L'ordonnance du 20 mai a permis au débiteur de demander au président du tribunal la suspension de l'exécution des poursuites par les créanciers ; cela avait été souhaité par les juges consulaires afin de rétablir un équilibre dans la relation créancier-débiteur ; nous encourions en effet le risque que tous les débiteurs soient défaillants et que le crédit interentreprises soit bloqué. Cette suspension est utile, mais elle n'est pas encore assez utilisée pour les loyers commerciaux : le commerçant qui est locataire d'une foncière dans une galerie commerciale peut bénéficier de dix mois de conciliation pendant lesquels le bailleur ne peut pas exercer de poursuite ; le débiteur peut même demander au président du tribunal de fixer un délai de deux ans. Ainsi, le débiteur peut négocier à l'abri : cela pourrait utilement être intégré dans un texte à venir.

Dans la transposition de la directive, le juge doit garder la main. Ce sera aussi l'occasion de reposer la place de la procédure de sauvegarde qui n'a concerné en 2020 que 1 000 dossiers sur les 45 000 procédures collectives. Son caractère non confidentiel constitue un handicap : les débats sur la transposition devront s'attacher à ce point.

Les reports d'échéance des PGE suffiront-ils ? Faudra-t-il également envisager des moratoires ou d'autres modifications ? Là aussi, nous pouvons utiliser les procédures de prévention. Il serait intéressant de réfléchir à une transformation des créances fiscales ou sociales en obligations remboursables pendant la durée d'un plan, pour des entreprises qui pourraient structurellement le supporter. Le créancier pourrait ainsi conserver ses privilèges au cas où le plan n'irait pas à son terme. Enfin, il convient de pérenniser la conciliation.

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