Intervention de Patrick Martin

Délégation aux entreprises — Réunion du 21 janvier 2021 à 9h00
Table ronde sur les « difficultés des tpe et pme dans la crise : comment franchir le cap du 1er semestre 2021 ? »

Patrick Martin, président délégué du Medef :

Je partage en tout point ce qui vient d'être dit. Je pense qu'il faut rester prudent aussi longtemps que nous sommes suspendus à l'évolution de la crise sanitaire, dont chacun convient qu'elle est imprévisible.

Il y a lieu de relativiser la gravité de la situation, sans la minorer pour autant. Certains secteurs d'activité manquent totalement de visibilité - hôtellerie et restauration, évènementiel, spectacles, stations de sports d'hiver, etc. -, mais cela ne correspond pas à une situation générale. Les études que le Medef mène hebdomadairement auprès des 91 fédérations adhérentes témoignent que bon nombre d'activités ont dépassé le niveau normatif d'activité, c'est-à-dire leur niveau de 2019, voire plus. Il est donc important que nous nous concentrions sur les situations critiques.

Les prévisions de défaut sur les PGE sont, selon les chiffres de la Fédération bancaire française (FBF) ou de la Banque publique d'investissements (Bpifrance), de l'ordre de 5 à 10 %. Sur les 130 milliards d'euros de PGE, 13 milliards seraient à risque. Ces risques sont très concentrés sur des TPE et PME qui bénéficient de la garantie de l'État à 90 %. L'exposition du système bancaire est de l'ordre de 1,3 milliard d'euros : c'est à la fois peu et beaucoup, au regard des engagements que Mme Atig a rappelés tout à l'heure.

Prenons garde à ne pas maintenir artificiellement en vie des entreprises « zombies », qui introduisent des distorsions de concurrence : alors qu'elles auraient dû disparaître en raison de leur mauvaise gestion, elles viennent perturber le fonctionnement des entreprises aux stratégies saines.

J'appelle votre attention sur un certain nombre de travaux réglementaires et législatifs en cours, qui conduiraient à déstabiliser fondamentalement l'assurance de garantie des salaires (AGS), mécanisme indispensable à la bonne marche du pays. L'adoption de dispositions nouvelles déstabiliserait totalement ce modèle économique, de telle sorte qu'il ne pourrait se rétablir qu'en quadruplant les cotisations versées par les seules entreprises, ce que le Medef juge très préjudiciable.

Les encours de crédits interentreprises représentent 650 milliards d'euros, soit deux fois et demi des engagements de court terme du système bancaire sur les entreprises. En 2009 et en 2010, la restriction très forte des crédits interentreprises avait eu un effet récessif majeur. Il est indispensable que l'État proroge les dispositifs de réassurance, au bénéfice des assureurs crédits, dont le modèle économique est extrêmement fragile.

En matière de cotation, la Banque de France, en 2021, a publiquement dit qu'elle ferait preuve de compréhension et s'appliquerait à apprécier les perspectives des entreprises à trois ans, et pas seulement sur la base de leur compte 2020. Les cotations Banque de France affectent les conditions de financement et l'attitude des assureurs crédit - il est important que nous restions attentifs à ce sujet. Je considère que les entreprises devraient donner suite aux questionnaires qui permettent d'établir les notations ; je compte sur M. Goguet pour les sensibiliser à l'importance de bien y répondre...

Le Medef a mis en place une cellule d'accompagnement, qui porte aussi sur la prévention et le rebond, à laquelle il associera bien sûr les banques et les professionnels du chiffre.

Les dispositifs imaginés par le ministère de l'économie, des finances et de la relance en matière de fonds propres et de prêts participatifs ne sont pas totalement aboutis et adaptés en l'état, compte tenu de la réglementation européenne contraignante. Sans parler de la volumétrie et de ce que prévoit la loi de finances sur la garantie de l'État de ces financements, leurs caractéristiques ne paraissent pas appropriées en termes de maturité et de rendement. Nous n'avons surtout pas à ce jour connaissance de la doctrine d'emploi de ces financements : sont-ils destinés à se substituer à des PGE pour des entreprises en difficulté pour les rembourser ou à financer des opérations d'investissement, voire de croissance externe ? Il y a une urgence à infléchir les conditions et la destination de ce dispositif.

Les avancées significatives des banques ces derniers jours vis-à-vis des PGE répondent à l'essentiel des préoccupations.

En conclusion, nous avons un sérieux effort de pédagogie et d'accompagnement à faire auprès de la minorité d'entreprises qui se trouvent en réelle difficulté ; le Medef va s'y employer.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion