Intervention de Annick Billon

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 14 janvier 2021 : 1ère réunion
Échange de vues sur la proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement

Photo de Annick BillonAnnick Billon, présidente :

Mes chers collègues, je vous souhaite une excellente année 2021.

Le premier point de notre ordre du jour concerne la proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement, que nous examinerons en séance publique le 20 janvier à partir de 16h30. Ce texte a été adopté par l'Assemblée nationale le 8 octobre dernier.

Notre collègue Laurence Rossignol, qui a au cours des derniers mois proposé par voie d'amendements des mesures similaires, a été désignée par la commission des affaires sociales pour rapporter cette proposition de loi. Son agenda ne lui permet malheureusement pas d'être parmi nous ce matin.

Avant que nous procédions à des échanges sur ce texte, ce qui m'a paru souhaitable en amont de la séance publique, j'aimerais revenir rapidement sur les travaux de l'Assemblée nationale qui ont conduit à l'adoption de la proposition de loi transmise au Sénat.

Le 16 septembre dernier, nos collègues de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale ont adopté un rapport d'information intitulé 45 ans après, l'IVG un droit effectif ?

Ce rapport, présenté par Marie-Noëlle Battistel et Cécile Muschotti, membres respectivement des groupes socialistes et En Marche de l'Assemblée nationale, conclut un travail mis en place par la délégation aux droits des femmes en juillet 2019. Il est donc l'aboutissement de plus d'une année de réflexion sur le sujet.

Il prend acte de difficultés bien connues d'accès à l'IVG, en lien avec, je cite, le « désintérêt à l'égard d'un acte médical peu valorisé et considéré comme peu valorisant ». Il rappelle les inégalités territoriales en matière d'accès à l'IVG et les délais d'attente qui contraignent trop de femmes souhaitant mettre fin à une grossesse non désirée à se rendre à l'étranger, plus particulièrement en Espagne et aux Pays-Bas où l'IVG est possible au-delà de seize semaines.

Parmi les 25 recommandations qui concluent ce travail, je note l'extension de l'IVG instrumentale sous anesthésie locale aux sages-femmes, la mise en place d'un parcours d'IVG simplifié et accéléré pour les femmes ayant dépassé la neuvième semaine de grossesse, et l'allongement de l'IVG chirurgicale à quatorze semaines de grossesse, ou seize semaines d'aménorrhée.

D'autres conclusions concernent le renforcement du droit à l'anonymat et à la confidentialité, l'adaptation du forfait de remboursement aux différences de coût selon les territoires, la création de postes de médecins hospitaliers dédiés, la publication d'un répertoire de professionnels pratiquant l'IVG et la nécessité d'un bilan des mesures sur le délit d'entrave et la lutte contre la désinformation en ligne prévues par la loi du 20 mars 2017, mais encore insuffisamment appliquées.

De manière classique, nos collègues appellent également à la mise en place effective des séances d'éducation à la sexualité et à l'égalité inscrites par le législateur dans le code de l'éducation, que nous demandons en vain depuis des années.

L'allongement du délai d'accès à l'IVG s'inscrit donc dans une réflexion globale sur l'inadaptation des structures médicales au droit à l'avortement, dont la question du délai légal constitue une réponse parmi d'autres axes d'amélioration. Dans la foulée de ce rapport d'information, une proposition de loi a été déposée par quelque quarante-huit députés. Elle a été adoptée par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale le 30 septembre puis en séance publique le 8 octobre, contre l'avis du Gouvernement. Le 2 octobre, celui-ci a saisi le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), qui a rendu ses conclusions le 8 décembre 2020.

Alors que la proposition initialement déposée le 25 août ne comprenait que deux dispositions, l'allongement du délai et la suppression de la clause de conscience spécifique à l'IVG, le texte dont le Sénat discutera la semaine prochaine a un champ beaucoup plus large.

En séance publique, nos collègues députés ont en effet, par amendement, étendu le périmètre de la proposition de loi à des dispositions reprenant les conclusions de la délégation aux droits des femmes évoquées tout à l'heure, notamment la publication par les ARS d'un répertoire de professionnels pratiquant l'IVG, l'extension des compétences des sages-femmes en matière d'IVG chirurgicale et la nécessité d'un bilan de la législation sur le délit d'entrave.

Pour en revenir à la saisine du CCNE, qui avait été saisi en novembre 2000 d'une demande comparable lors de l'allongement de dix à douze semaines, le CCNE a considéré qu'il n'y avait pas d'objection éthique à reporter à quatorze semaines le délai de recours à l'IVG. Je cite toutefois ses conclusions, comportant quelques nuances : « Le CCNE ne saurait cautionner une mesure prise pour pallier les multiples dysfonctionnements matériels, économiques, juridiques d'une politique de santé publique majeure pour les femmes ». Il estime ainsi nécessaire que les structures pratiquant des IVG aient les moyens de prendre en charge les patientes dans un délai de cinq jours.

Le CCNE juge en outre souhaitable de confier les IVG chirurgicales pratiquées au-delà de douze semaines aux médecins qui ont été correctement formés à ce type de procédure, et qui acceptent de le faire. Partant du principe que l'IVG est un acte médical singulier, il exprime par ailleurs des réserves sur la suppression de la clause de conscience spécifique prévue par la proposition de loi. Il affirme de plus l'importance de la prévention des grossesses non désirées et, dans cet esprit, appelle au renforcement de l'éducation à la sexualité pour les filles et les garçons dès la pré-adolescence.

Martine Filleul va se faire l'interprète de Laurence Rossignol, rapporteure de la commission des affaires sociales.

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