Intervention de Laurence Cohen

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 14 janvier 2021 : 1ère réunion
Échange de vues sur la proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Merci Madame la présidente. Je suis ravie que ce sujet soit à l'ordre du jour de notre délégation. Nos échanges sont toujours sincères et respectueux, ce qui nous permet d'avancer ensemble quelles que soient nos convictions.

Il est intéressant de noter que cette proposition de loi est transpartisane. Elle a été portée par le groupe LREM et est reprise au Sénat par le groupe socialiste, ce qui montre qu'elle dépasse les clivages politiques. Je regrette toutefois qu'il n'y ait pas de débat au Sénat, puisque hier à la commission des affaires sociales, au terme d'un débat par ailleurs sincère et respectueux, il a été décidé de déposer une question préalable. Dans ce cas, le Sénat se cantonne à la discussion générale et l'examen des articles n'a pas lieu. C'est pourtant dans ce type de débat que nous arrivons à faire bouger les lignes et à avancer.

Les arguments exposés hier contre cette proposition de loi m'ont ébranlée, non qu'ils m'aient incitée à m'interroger, mais parce que j'avais le sentiment que nous les avions dépassés. Certains indiquaient que ce n'était pas le bon véhicule législatif : cet argument est un grand classique pour s'opposer aux propositions pour faire avancer le droit des femmes, notamment en termes de contraception ou d'IVG. Je suis sénatrice depuis 2011 et je peux témoigner que c'est fréquent ! Mon groupe a fait nombre de propositions et d'amendements sur le sujet. On nous répond toujours que ce n'est pas le bon véhicule législatif. Je ne comprends pas cet argument !

Selon ces débats en commission, les problèmes relèvent de la prévention, notamment de l'éducation sexuelle à l'école, pas des délais. Or aujourd'hui, 3 000 à 5 000 femmes se rendent chaque année à l'étranger pour avorter, car elles ne peuvent pas le faire en France. Ces voyages représentent un coût important pour les intéressées. Devons-nous laisser ces inégalités perdurer ? Les femmes qui en ont les moyens peuvent partir, mais celles qui ne peuvent pas se le permettre financièrement doivent rester. Il faut savoir que trois IVG sur quatre sont réalisées alors que les femmes prennent une contraception. Il s'agit donc de femmes qui ne souhaitaient pas d'enfant. Quoi qu'on en pense, il sera toujours nécessaire de pratiquer des IVG. Ce n'est pas une mesure de confort, ni un moyen de contraception, contrairement à ce qu'on peut parfois entendre.

La clause de conscience spécifique a également posé question. Une clause de conscience générale existe déjà. Elle permet à tout professionnel de santé de refuser un acte qu'il ne souhaite pas pratiquer, quel qu'il soit. La clause spécifique à l'IVG a été conçue pour permettre de faire passer la loi en 1975, dans un contexte bien différent de celui d'aujourd'hui. Nous n'en sommes plus là. Pourquoi la maintenir ? Elle laisse entendre que l'IVG n'est pas un acte comme un autre, et qu'il faut lui associer un obstacle supplémentaire.

Malheureusement, nous n'aurons pas de débat en séance, ce que je regrette. Même si nous ne sommes pas tous d'accord, un tel échange est toujours très important. Il permet à chacun de réfléchir au-delà de son appartenance politique, et nous pousse ainsi à avancer ensemble.

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