Intervention de François Villeroy de Galhau

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 27 janvier 2021 à 11h05
Audition de M. François Villeroy de galhau gouverneur de la banque de france

François Villeroy de Galhau :

Sur la question de l'endettement des entreprises et des PGE, je pense que la capacité de prolongation d'un an est une bonne chose, car on sentait bien monter l'inquiétude vis-à-vis d'un prétendu mur de remboursement au printemps prochain. Je rappelle que cette prolongation s'accompagne de possibilités d'amortissement, avec un étalement des paiements jusqu'à quatre ans, qui permettent de rembourser un PGE au fur et à mesure que la situation économique s'améliore.

La Banque de France estime - il ne s'agit que d'une prévision ! - que le taux de sinistralité se situe entre 4,5 % et 6 % du total des PGE. Les prêts concernés pourraient se traduire par des pertes couvertes par l'État à hauteur de 90 %.

S'agissant de la solvabilité et du renforcement ciblé des fonds propres, j'ai appelé à ce qu'il y ait plusieurs dispositifs qui puissent être mis en oeuvre en parallèle, car plusieurs financeurs interviennent en réalité - banques, assureurs et fonds -, et parce que les entreprises se trouvent dans des situations différentes. Il nous semble que le montant de 20 milliards d'euros, correspondant à ce que prévoit la loi de finances pour 2021, est adapté. Les dispositifs de type mécanismes de marché, les subventions définitives et le soutien fiscal - la capacité de réévaluation des bilans de franchise de plus-value constitue à ce titre une mesure intelligente - contribuent à renforcer les fonds propres des entreprises. Il conviendrait néanmoins que le dispositif de renforcement des fonds propres des entreprises prévu par la loi de finances pour 2021 soit mis en place assez rapidement, alors que nous allons entrer dans le temps de la reconstruction. Derrière la question des fonds propres, il y a l'investissement, dont on peut craindre qu'il soit une victime cachée de la crise, même s'il résiste relativement bien jusqu'à présent.

Je ne peux que relever la résilience du secteur bancaire en 2020 face à la crise. Il y certes eu un recul du résultat, compte tenu de la montée des provisions et de la charge du risque, mais la solvabilité a encore augmenté l'an passé. Les établissements on fait eux-mêmes des efforts, et la règlementation a été renforcée. Bien que nous soyons confrontés à une crise sanitaire qui entraîne une crise économique et sociale très grave, nous n'avons pas subi, cette fois-ci, de crise bancaire et financière, à la différence de 2010. Cela tient en bonne partie au renforcement des règles de sécurité, c'est-à-dire aux accords de Bâle III et, du côté des assureurs, à la directive européenne Solvabilité II. La France et l'Union européenne auraient donc tort de renoncer à ces instruments. Je précise d'ailleurs que les accords de Bâle III n'ont en rien empêché l'augmentation du crédit aux entreprises, de l'ordre de plus 20 % pour les TPE-PME. Il est donc nécessaire de procéder à leur transposition.

Cette dernière doit néanmoins être équitable, c'est-à-dire qu'il faut veiller à ce que les accords soient transposés partout, notamment des deux côtés de l'Atlantique. Elle doit être raisonnable, en évitant les surcharges indues ou excessives, et définitive, puisqu'il s'agit d'une stabilisation et d'un arrêt à la réglementation, seule l'évaluation du dispositif étant susceptible d'évoluer.

Je constate que le secteur français des assurances a été particulièrement résilient, son ratio de solvabilité - autour de 240 % - étant bien supérieur à ce qui est d'ordinaire nécessaire. Néanmoins, il est normal que le secteur souffre de la crise, compte tenu notamment de l'augmentation globale de la sinistralité et des taux bas. En dépit des difficultés, le secteur assurantiel doit continuer à remplir sa mission au service de l'économie et des entreprises.

La Banque de France tient au fiduciaire. S'agissant du réseau des distributeurs automatiques de billets (DAB), elle entretient un dialogue nourri avec les banques et les transporteurs de fonds. Sur le long terme, la situation du réseau est plutôt satisfaisante : de 1994 à aujourd'hui, le nombre de DAB est passé en France de 24 000 à 50 000, correspondant ainsi à un des taux les plus élevés d'Europe, rapporté à la population. Mais ces dernières années, la tendance s'est inversée, le parc de DAB a commencé à s'éroder. Le véritable problème tient à la disparition des DAB dans les communes. Sur l'année 2019, un déséquipement net de seize communes, à l'échelle nationale, a été enregistré. Il faut donc recourir à des formules supplémentaires pour favoriser l'accès des citoyens aux espèces : cashback, distributeurs financés par les communes, etc.

Les cryptoactifs ne remplissent aucune des fonctions traditionnelles d'une monnaie : il ne s'agit ni d'une réserve de valeur, ni d'une unité de compte, ni d'un moyen de paiement. Il y a derrière le bitcoin une technologie prometteuse, la blockchain, mais pour le reste, c'est un instrument purement spéculatif. Les risques sont élevés dans le domaine des cryptoactifs, appelant à une réglementation forte, qui les réserve à des investisseurs avisés. De ce point de vue, en France, les renforcements récents de l'ordonnance sont bienvenus, et je me réjouis de la présentation par la Commission européenne, en octobre dernier, du projet de directive market in crypto-assets (MICA).

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