Intervention de Bruno Le Maire

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 27 janvier 2021 à 16h30
Audition de M. Bruno Le maire ministre de l'économie des finances et de la relance sur la mise en oeuvre des mesures de soutien et de relance de l'économie

Bruno Le Maire, ministre :

Sur l'état d'esprit des Français, ce n'est pas mon rôle de juger les Français. Mais je veux simplement faire part de ma très grande admiration devant le sens des responsabilités dont fait preuve l'immense majorité des Français et devant leur capacité à résister à des temps extraordinairement difficiles. On dit très souvent que les Français sont un peuple indiscipliné, et chacun y va de ses remarques sur nos compatriotes. La réalité, c'est qu'ils respectent, dans leur immense majorité, des règles sanitaires contraignantes. Ils font preuve de responsabilité et de beaucoup de solidarité les uns envers les autres. Je le vois notamment dans le secteur économique, entre donneurs d'ordres et sous-traitants. Dans le secteur financier, si les banques n'avaient pas été là pour les PGE, nous n'aurions pas pu résister à cette crise. Je veux vraiment, avec beaucoup de gravité, saluer la manière dont les Français traversent cette épreuve ; cela force l'admiration.

Quelles sont les perspectives ? Nous travaillons sur des scénarios différents, car c'est ma responsabilité de ministre des finances. Personne n'a de certitude. Ma première responsabilité, c'est de garantir qu'il y aura financièrement ce qu'il faut pour soutenir les Français, les salariés et les entreprises, comme l'a souhaité le Président de la République. C'est aussi étudier plusieurs options, et il y a au moins trois grands scénarios.

Le premier, c'est celui où la situation sanitaire ne nous oblige pas à prendre des mesures sanitaires complémentaires - c'est le scénario du statu quo. Nous arrivons à traverser cette période sans mesures de restrictions sanitaires supplémentaires qui pèsent sur l'économie. Dans ce cas-là, nous avons une croissance qui pourrait atteindre 6 % en 2021 et une vraie capacité de rebond de l'économie française. Soyons clairs, ce scénario n'est plus le plus probable, et il s'éloigne à mesure que la situation sanitaire reste préoccupante.

Le deuxième scénario, c'est celui où la situation sanitaire nous obligerait à prendre de nouvelles restrictions sanitaires qui pèseront nécessairement sur l'économie, plus ou moins en fonction de la dureté des mesures prises. Dans ce cas, nous aurons une croissance qui ne pourra pas atteindre 6 % en 2021. C'est la situation de tous les pays européens, sans exception. L'Allemagne a déjà indiqué que sa croissance serait sans doute très inférieure à ce qui avait été annoncé, de l'ordre de 3 %, en raison des mesures de confinement strictes et longues décidées par la chancelière Angela Merkel, car elles ont un impact fort sur les finances publiques et la croissance.

Le troisième scénario - dont j'ose espérer que c'est un pur scénario qui ne se réalisera pas - c'est qu'une nouvelle forme de virus arriverait au milieu de l'année et nous obligerait à rester dans des conditions sanitaires difficiles jusqu'à la fin de l'année 2021. Ce n'est pas le scénario le plus probable, mais c'est ma responsabilité d'envisager l'intégralité des scénarios, leur impact sur les finances publiques et sur la croissance française. Quel que soit le scénario qui se réalisera, les mesures de soutien économique resteront à disposition des salariés et des entreprises. C'est bien parce que je veux me préparer à tous les cas de figure que je présente en toute transparence l'intégralité des scénarios sur lesquels nous travaillons.

À mes yeux, le scénario de référence reste celui d'une amélioration de la situation au milieu de l'année 2021 qui permettra un rebond puissant de l'économie française dans la dernière partie de l'année 2021. Au cours des derniers mois, l'économie française a montré sa capacité à rebondir fortement, car les fondamentaux sont sains.

J'en viens à la question de la conversion des prêts garantis par l'État en subventions. Nous adaptons les dispositifs à la réalité de la situation économique. Pour les entreprises les plus en difficulté qui ont des perspectives de redressement plus lointaines, je n'exclus pas que nous puissions, au cas par cas et avec l'accord de la Commission européenne, transformer certains prêts garantis par l'État en subventions.

De la même façon, nous devons étudier la possibilité d'étaler davantage le remboursement des prêts consentis au secteur aéronautique, car les sommes empruntées sont importantes et le transport aérien ne se redresse pas. Je rappelle que nous avons obtenu un différé d'un an supplémentaire pour le remboursement du capital et des taux d'intérêt particulièrement attractifs.

Enfin, il faut soutenir la capacité d'investissement des entreprises. C'est l'un des enjeux stratégiques de la reprise, de la relance et donc de la création d'emplois. Je présenterai prochainement un dispositif de prêt participatif s'adressant à des entreprises qui souhaitent investir des quasi fonds propres dans des conditions financières les plus avantageuses possibles et avec un différé de remboursement de quatre ans.

S'agissant des frais fixes, nous avons mis en place en novembre dernier un crédit d'impôt permettant de rembourser la moitié des frais de loyer. Ce dispositif ne peut pas s'inscrire dans la durée, car cela reviendrait à transférer les charges des entreprises sur les bailleurs. Nous avons donc prévu la possibilité de prendre en compte dans le soutien de l'État jusqu'à 70 % des charges fixes des entreprises des secteurs les plus touchés par la crise et dont le chiffre d'affaires est d'au moins 1 million d'euros, et ce jusqu'à 3 millions d'euros. Nous négocions toutefois avec la Commission européenne afin de relever ce plafond, car il sera peut-être insuffisant si la crise dure, notamment pour des chaînes hôtelières ou de restauration.

Nous conservons donc les dispositifs existants, et nous ne cessons de les compléter et de les adapter afin de répondre le mieux possible à la situation des entreprises sur le terrain.

J'en viens à la question de la sous-consommation des crédits du plan de relance en 2020. Nous avions indiqué que nous consommerions 10 % du plan de relance en 2020, c'est-à-dire 10 milliards d'euros : 9,6 milliards ont précisément été consommés.

S'agissant des collectivités locales, le moindre décaissement observé en 2020 s'explique par une moindre baisse des recettes. L'État a eu la même bonne surprise du fait du fort rebond et des mesures prises pour soutenir le pouvoir d'achat des ménages.

Les résultats de la prime à la conversion sont effectivement un peu inférieurs à ce que nous avions prévu, mais le bonus écologique fonctionne bien : nous avons multiplié par trois les ventes de véhicules électriques en 2020 en parts de marché. Alors qu'ils représentaient un peu moins de 1,9 % du marché, cette proportion a bondi à 6 % et la tendance reste la même. C'est pourquoi je mettrai toute ma détermination à lever les obstacles techniques au déploiement de 100 000 bornes électriques en 2021 sur le réseau routier français.

Enfin, nous continuerons à travailler main dans la main avec les régions pour le déploiement du plan de relance, et toutes les aides complémentaires sont bien sûr toujours les bienvenues.

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