Intervention de Bruno Le Maire

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 27 janvier 2021 à 16h30
Audition de M. Bruno Le maire ministre de l'économie des finances et de la relance sur la mise en oeuvre des mesures de soutien et de relance de l'économie

Bruno Le Maire, ministre :

S'agissant des questions relatives à des dossiers particuliers, n'hésitez pas à m'écrire pour m'alerter lorsque vous estimez qu'ils méritent d'être réévalués. Stéphane Sautarel a cité le cas de l'entreprise Biose, dont le projet a été redéposé. Près de 900 projets de relocalisation dans les secteurs stratégiques ont été déposés. Nous en retiendrons 200. La sélection est donc importante, mais je réévaluerai volontiers les dossiers.

Monsieur Karoutchi, nous travaillons sur un certain nombre de scénarios. Le scénario de référence prévoit une amélioration de la situation économique à partir de la moitié de l'année 2021 et un fort rebond dans la dernière partie de l'année 2021. Je travaille aussi sur d'autres scénarios, dont j'espère qu'ils resteront purement spéculatifs, mais je reconnais que le virus nous a appris l'humilité. Il ne serait pas responsable du point de vue financier de s'enfermer dans une option unique.

En ce qui concerne le chômage, la situation est moins dégradée que prévu. Après avoir détruit plus de 700 000 emplois, l'économie française a montré qu'elle pouvait en recréer près de 500 000 grâce à des capacités de rebond exceptionnelles. Nous devons encore les améliorer, notamment en développant de nouveaux secteurs d'activité, mais les fondamentaux sont bons : nous avons amélioré la compétitivité de l'économie française, réduit la fiscalité qui pesait sur les ménages et les entreprises, amélioré le fonctionnement du marché du travail, réinvesti dans l'industrie, formé à de nouvelles compétences. Lorsque nous sommes entrés en crise, nous avions l'un des meilleurs taux de croissance de la zone euro, et un chômage qui avait baissé de près de 2 points.

La réindustrialisation est un enjeu absolument critique. Cette crise doit être une opportunité de transformer notre économie pour en faire une économie décarbonée et diversifiée de nature à contribuer à réduire les inégalités. L'inverse serait un échec historique.

Je partage totalement votre remarque sur les biotechnologies, M. Savoldelli : dans le plan de relance, notamment dans le plan d'investissements d'avenir, nous avons consacré des crédits importants aux biotechnologies, en particulier à l'immunothérapie, aux technologies de santé de pointe et à la digitalisation de la santé, car cela nous permettra de réduire les dépenses et de les rendre plus efficaces. La santé est un des champs industriels d'avenir pour le pays, et il reste encore beaucoup à faire.

Vous avez également cité l'électronique. Je suis favorable à la mise en place d'un programme d'intérêt commun européen sur les microprocesseurs les plus pointus possible. Nous devons continuer à investir dans cette filière industrielle performante.

J'en viens à la méthode qui préside au choix des filières : les critères ne sont pas fixés par des politiques, mais par des industriels, des scientifiques et des chercheurs. Tout vient de la base. M. Potier, président-directeur général d'Air liquide, et le Conseil national de l'industrie ont fait des propositions qui ont été validées par le Parlement.

Plusieurs conditions doivent être réunies. La première est l'existence d'un marché. C'est par exemple le cas des avions à hydrogène, des microprocesseurs, des biotechnologies, de l'oncologie de pointe adaptée à l'ADN de chaque personne, de la physique quantique. Le Président de la République a d'ailleurs annoncé que nous investirions près de 2 milliards d'euros dans cette filière.

La deuxième condition est de disposer des industries de base pour développer ces technologies. Pour reprendre l'exemple de l'hydrogène, les industriels français McPhy et Air liquide ont déjà la compétence pour franchir l'étape suivante, à savoir l'électrolyse qui permettra de fabriquer une énergie totalement décarbonée. Nous disposons également déjà d'un outil industriel dans le domaine des biotechnologies de la santé et de la microélectronique. Située à Crolles, STMicroelectronics est l'une des entreprises les plus performantes de la planète.

La troisième condition est de disposer des compétences et des formations. Nous allons ouvrir des filières de formation dans tous ces secteurs, car, au-delà de la question des coûts, il s'agit du premier obstacle à la réindustrialisation.

Enfin, la dernière condition est de bénéficier d'un soutien européen, car le milliard d'euros est l'unité de compte des stratégies de création de nouvelles chaînes de valeur. Le développement de l'hydrogène, des biotechnologies, des batteries électriques ou du calcul quantique nécessite une approche européenne, en l'occurrence principalement franco-allemande.

Nous devons aujourd'hui basculer d'une économie qui, depuis trente ou quarante ans, repose sur les mêmes chaînes de valeur à une nouvelle économie plus décarbonée, technologiquement plus avancée, ouvrant de nouvelles chaînes de valeur pour la France et garantissant à nos enfants et à nos petits-enfants non seulement des emplois, mais un niveau de vie suffisamment élevé.

Les jeunes de moins de 26 ans bénéficient des aides à l'embauche en CDI. Nous avons également mis en place des aides exceptionnelles pour les jeunes précaires, renforcé les dispositifs d'insertion et d'accompagnement comme la garantie jeunes, dont le nombre de bénéficiaires a été doublé, et les aides financières spécifiques telles que les deux repas par jour à 1 euro. Toutefois, nous sommes ouverts à l'étude d'autres dispositifs. M. Guerini a récemment proposé la création d'un capital jeune de 10 000 euros qui serait remboursé uniquement lorsque le bénéficiaire aurait un emploi qui lui permettrait de le faire dans de bonnes conditions. Cette idée mérite d'être étudiée.

Madame Taillé-Polian, le comité interministériel de la ville qui se tiendra vendredi prochain fera un suivi de l'engagement relatif aux quartiers prioritaires de la politique de la ville. Nadia Hai est pleinement mobilisée sur ce sujet, notamment avec Mme Borne. Au travers du plan de relance, nous apportons des réponses très concrètes.

J'en viens à vos questions sur la dette. Je puis vous assurer que l'Agence France Trésor ne rencontre aucune difficulté à lever de la dette sur les marchés. Si tel n'était pas le cas, cela se traduirait par un spread beaucoup plus élevé avec l'Allemagne et par des taux d'intérêt très différents de ceux auxquels nous empruntons.

Par ailleurs, je rappelle que nous empruntons toujours à taux fixe. En cas de hausse des taux d'intérêt, le coût de la dette n'augmenterait donc que progressivement. J'estime qu'il est important de dire la vérité aux Français, sans jouer avec leurs peurs.

Bien entendu, ce raisonnement vaut tant que le ministre des finances français garantit aux marchés le remboursement de cette dette, même dans des délais longs. La crédibilité de la signature française tient aux mesures que nous prenons pour relancer la croissance et réduire les dépenses publiques ainsi qu'aux réformes structurelles, telles que la réforme des retraites, que nous ferons le moment venu.

Enfin, à ceux qui prédisent qu'on ne remboursera pas la dette, je rappelle que celle-ci est détenue à 25 % par des épargnants français, qui, dans ce cas, perdraient leur épargne.

Monsieur Savoldelli, les dividendes des entreprises du CAC 40 ont baissé de près de 50 % en 2020 ; les versements ont donc eux aussi diminué. Par ailleurs, les entreprises qui ont bénéficié des aides, notamment de prêts garantis par l'État et d'exonérations de charges, s'étaient engagées à ne pas verser de dividendes et à ne pas procéder à des rachats d'actions. Cet engagement a été tenu.

Enfin, le plan de relance comprend des dispositifs en faveur de la filière textile, qui a repris des couleurs depuis quelques années après avoir été abandonnée. Il me tient à coeur de renforcer cette filière.

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