Les projections que je vais évoquer ont été établies en novembre à partir des prévisions économiques de court terme, elles-mêmes établies en septembre, qui ont permis de bâtir la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale. Elles sont donc à prendre avec beaucoup de précautions.
S'agissant des prévisions démographiques, nous utilisons le scénario central établi par l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Nous avons pris en compte la mortalité appréciée après la première vague, mais pas après la deuxième.
Si la baisse du PIB pour 2020, initialement évaluée à 10 %, sera vraisemblablement plutôt de l'ordre de 9 %, le scénario d'une reprise forte en septembre 2021, avec une croissance du PIB de 8 %, semble douteux. De même, les prévisions reposent sur un scénario de retour à une croissance normale en 2024, ce qui ne constitue à ce stade qu'une hypothèse. Quoi qu'il en soit, telles sont les prévisions sur lesquelles reposent nos projections.
Le ratio des dépenses de retraites rapportées au PIB s'établissait à environ 11 % en 2000. Il est passé à 14,1 % en 2014. Cela s'explique par l'arrivée à l'âge de la retraite de la génération du baby-boom en 2005, et à partir de 2008, aux effets de la crise sur le PIB. Entre 2014 et 2019, le ratio est passé de 14,1 à 13,8 % grâce aux effets des réformes de 2010 et de 2014, des sous-indexations au régime général et dans les régimes de retraite complémentaires Agirc-Arrco et à la reprise économique qui est intervenue en 2015-2016.
En 2020, du fait de l'effondrement du PIB, les dépenses de retraite se sont élevées à 15,2 % du PIB. En cas de forte reprise, la part des dépenses dans le PIB devrait diminuer pour retrouver son niveau de 2014 à l'horizon 2030. En 2070, elle devrait s'établir entre 13,8 % et 11,6 %.
Cette projection de stabilisation intègre le vieillissement de la population. Alors qu'il y a actuellement 1,7 cotisant pour un retraité, il n'y en aura plus que 1,3 en 2070. Mais dans le même temps, la baisse progressive du taux de remplacement liée à l'indexation des pensions sur les prix tirera les dépenses de retraites vers le bas.
La crise de la covid a eu pour effet de dégrader les prévisions pour la période 2020-2030, mais on observe qu'à très long terme, la situation est un peu meilleure après la crise. Cela s'explique par une diminution des droits constitués pendant la crise, par une amélioration du modèle Agirc-Arrco et par la prise en compte de nouvelles hypothèses qui nous ont été fournies par le Gouvernement sur la part des primes des fonctionnaires.
S'agissant du solde, les taux de cotisation étant très différents en fonction des régimes - 28,2% pour les salariés du privé sous le plafond de la sécurité sociale, 85 % pour la fonction publique d'État civile, 137 % pour la fonction publique d'État militaire et 41,75 % à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) - j'indiquerai non pas un solde, mais trois. À taux de cotisation constant, l'évolution de la part des rémunérations des fonctionnaires dans l'ensemble des rémunérations peut modifier sensiblement le niveau de ressources du système de retraite. Selon les projections fournies par le Gouvernement, la part des traitements indiciaires des fonctionnaires dans la masse totale des rémunérations est appelée à baisser.
Nos projections relatives au solde des retraites sont donc présentées selon trois conventions comptables : la convention dite « effort de l'État constant » (EEC), la convention dite « taux de cotisation constant » (TCC) et la convention dite « équilibre permanent des régimes » (EPR), car pour la fonction publique d'État, la règle est que les cotisations s'ajustent aux dépenses. Dans le cadre de la conférence de financement, le Gouvernement avait choisi de prendre la moitié des résultats des conventions EEC et EPR.
Nous observons une très forte dégradation du solde du système de retraite jusqu'aux années 2010-2012, puis un progressif retour vers un équilibre relatif en 2019, notamment parce que les dépenses de retraites ont un peu baissé et qu'on a augmenté les cotisations. En 2020, la situation s'est fortement dégradée puisque le déficit représente 1,1 % du PIB, soit environ 24 milliards d'euros. Les prévisions indiquent que cette situation devrait perdurer jusqu'en 2030 même si le déficit se réduit progressivement. Selon les conventions, le solde en 2030 varie entre - 0,3 % et - 0,9 % du PIB.
Ce solde ne tient compte ni des charges ni des frais financiers. Certains régimes ont constitué des réserves. Leur montant total s'élevait fin 2019 à 157,9 milliards d'euros pour les régimes, auxquels on peut ajouter les 33,7 milliards du Fonds de réserve pour les retraites (FRR), dont il faut déduire l'ensemble des dettes qui ont été accumulées dans certains régimes, d'un montant de 37 milliards d'euros, soit un actif net de 155 milliards d'euros ou de 6,4 % du PIB. Cette situation s'est certes dégradée en 2020, mais l'actif net du système de retraite reste significatif.
J'en viens à la question des ajustements. Dans la convention EEC, pour être à l'équilibre en 2030, il faudrait que l'âge conjoncturel de départ à la retraite atteigne non pas 63,2 ans comme cela est prévu, mais 63,5 ans. Par ailleurs, si on voulait équilibrer structurellement le système de retraite pour les vingt-cinq prochaines années sans modifier l'âge de départ en retraite, il faudrait augmenter les cotisations de 0,5 %.
Ces calculs ont toutefois des limites : repousser l'âge de la retraite aurait des effets sur les finances publiques, notamment sur les dépenses de revenu de solidarité active (RSA), de pensions d'invalidité, d'allocation chômage, etc. Par ailleurs, ces calculs sont purement comptables, c'est-à-dire qu'ils n'intègrent pas de bouclage macroéconomique. Les effets de l'augmentation des cotisations sur l'activité économique sont susceptibles de contrecarrer l'effet recherché. Les projections que je viens de vous présenter ne sont en aucun cas une analyse approfondie des effets des mesures qui peuvent être prises en matière de retraite.