Mes chers collègues, nous nous penchons ce matin sur les perspectives financières du système de retraite.
Il y a un an, les travaux de notre commission étaient presque entièrement consacrés à la préparation de l'examen, annoncé pour le mois d'avril, des projets de loi relatifs au système universel de retraite.
Ces textes prévoyaient une réforme en profondeur de l'organisation et de la gouvernance de notre système de retraite, tandis que des mesures paramétriques, définies par les partenaires sociaux dans le cadre d'une conférence sur le financement et l'équilibre des retraites, devaient garantir son équilibre financier à court terme.
La crise sanitaire a remis en cause ce schéma dont certains, dont nous étions, doutaient du réalisme et contestaient le calendrier : les conclusions de la conférence de financement n'auraient en effet été disponibles qu'après la première lecture au Parlement, ce qui permettait difficilement aux élus de se prononcer.
La crise sanitaire a aussi remis en cause le calendrier habituel de publication des rapports et avis des instances chargées d'élaborer des diagnostics et des recommandations sur notre système de retraite, généralement publiés au printemps et à l'été. C'est ainsi que le Comité d'orientation des retraites (COR) a actualisé ses projections financières le 26 novembre 2020 et que, sur la base de ces projections, le comité de suivi des retraites (CSR) a rendu un avis le 21 décembre 2020.
Les retraites constituent le premier poste de dépenses de notre protection sociale. Avant même la crise sanitaire, nous savions que le système de retraite était confronté à des difficultés de financement à court terme, sous le seul effet de la démographie. C'était au demeurant la mission confiée à la conférence de financement que de définir les conditions d'un retour à l'équilibre avant l'entrée en vigueur du système universel de retraite.
La crise sanitaire n'a pas fait disparaître cet enjeu de financement des retraites, mais l'a aggravé par un choc sans précédent sur les recettes. Le CSR souligne qu'en toute hypothèse, « le système reste sous-financé sur les vingt-cinq prochaines années ».
Pour évoquer la situation financière actuelle du système de retraite et ses perspectives à court, moyen et long termes, nous entendons ce matin M. Pierre-Louis Bras, président du COR et M. Renaud Villard, directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV).
J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site du Sénat, qui sera ensuite disponible en vidéo à la demande.
Nous avons bien conscience que le sujet qui nous occupe ce matin est très évolutif ; de nouvelles projections du COR sont d'ailleurs attendues au printemps prochain. Toutefois, ainsi que le souligne l'avis du CSR, deux chantiers restent ouverts pour les années qui viennent : l'effacement des déséquilibres induits par la crise ou préexistants à celle-ci, et la relance d'un processus d'harmonisation des règles.
Sur ce deuxième point, il me semble peu probable, en dépit de certaines déclarations, que la réforme systémique revienne à l'ordre du jour à brève échéance. Le projet de loi a néanmoins eu l'avantage de faire consensus, sinon sur les solutions apportées, du moins sur le constat d'une certaine injustice du système actuel du fait de grandes disparités. Des correctifs pourraient être apportés sans attendre un improbable « grand oeuvre ». Il est donc nécessaire de faire un point ce matin sur ce sujet des retraites.
Les projections que je vais évoquer ont été établies en novembre à partir des prévisions économiques de court terme, elles-mêmes établies en septembre, qui ont permis de bâtir la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale. Elles sont donc à prendre avec beaucoup de précautions.
S'agissant des prévisions démographiques, nous utilisons le scénario central établi par l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Nous avons pris en compte la mortalité appréciée après la première vague, mais pas après la deuxième.
Si la baisse du PIB pour 2020, initialement évaluée à 10 %, sera vraisemblablement plutôt de l'ordre de 9 %, le scénario d'une reprise forte en septembre 2021, avec une croissance du PIB de 8 %, semble douteux. De même, les prévisions reposent sur un scénario de retour à une croissance normale en 2024, ce qui ne constitue à ce stade qu'une hypothèse. Quoi qu'il en soit, telles sont les prévisions sur lesquelles reposent nos projections.
Le ratio des dépenses de retraites rapportées au PIB s'établissait à environ 11 % en 2000. Il est passé à 14,1 % en 2014. Cela s'explique par l'arrivée à l'âge de la retraite de la génération du baby-boom en 2005, et à partir de 2008, aux effets de la crise sur le PIB. Entre 2014 et 2019, le ratio est passé de 14,1 à 13,8 % grâce aux effets des réformes de 2010 et de 2014, des sous-indexations au régime général et dans les régimes de retraite complémentaires Agirc-Arrco et à la reprise économique qui est intervenue en 2015-2016.
En 2020, du fait de l'effondrement du PIB, les dépenses de retraite se sont élevées à 15,2 % du PIB. En cas de forte reprise, la part des dépenses dans le PIB devrait diminuer pour retrouver son niveau de 2014 à l'horizon 2030. En 2070, elle devrait s'établir entre 13,8 % et 11,6 %.
Cette projection de stabilisation intègre le vieillissement de la population. Alors qu'il y a actuellement 1,7 cotisant pour un retraité, il n'y en aura plus que 1,3 en 2070. Mais dans le même temps, la baisse progressive du taux de remplacement liée à l'indexation des pensions sur les prix tirera les dépenses de retraites vers le bas.
La crise de la covid a eu pour effet de dégrader les prévisions pour la période 2020-2030, mais on observe qu'à très long terme, la situation est un peu meilleure après la crise. Cela s'explique par une diminution des droits constitués pendant la crise, par une amélioration du modèle Agirc-Arrco et par la prise en compte de nouvelles hypothèses qui nous ont été fournies par le Gouvernement sur la part des primes des fonctionnaires.
S'agissant du solde, les taux de cotisation étant très différents en fonction des régimes - 28,2% pour les salariés du privé sous le plafond de la sécurité sociale, 85 % pour la fonction publique d'État civile, 137 % pour la fonction publique d'État militaire et 41,75 % à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) - j'indiquerai non pas un solde, mais trois. À taux de cotisation constant, l'évolution de la part des rémunérations des fonctionnaires dans l'ensemble des rémunérations peut modifier sensiblement le niveau de ressources du système de retraite. Selon les projections fournies par le Gouvernement, la part des traitements indiciaires des fonctionnaires dans la masse totale des rémunérations est appelée à baisser.
Nos projections relatives au solde des retraites sont donc présentées selon trois conventions comptables : la convention dite « effort de l'État constant » (EEC), la convention dite « taux de cotisation constant » (TCC) et la convention dite « équilibre permanent des régimes » (EPR), car pour la fonction publique d'État, la règle est que les cotisations s'ajustent aux dépenses. Dans le cadre de la conférence de financement, le Gouvernement avait choisi de prendre la moitié des résultats des conventions EEC et EPR.
Nous observons une très forte dégradation du solde du système de retraite jusqu'aux années 2010-2012, puis un progressif retour vers un équilibre relatif en 2019, notamment parce que les dépenses de retraites ont un peu baissé et qu'on a augmenté les cotisations. En 2020, la situation s'est fortement dégradée puisque le déficit représente 1,1 % du PIB, soit environ 24 milliards d'euros. Les prévisions indiquent que cette situation devrait perdurer jusqu'en 2030 même si le déficit se réduit progressivement. Selon les conventions, le solde en 2030 varie entre - 0,3 % et - 0,9 % du PIB.
Ce solde ne tient compte ni des charges ni des frais financiers. Certains régimes ont constitué des réserves. Leur montant total s'élevait fin 2019 à 157,9 milliards d'euros pour les régimes, auxquels on peut ajouter les 33,7 milliards du Fonds de réserve pour les retraites (FRR), dont il faut déduire l'ensemble des dettes qui ont été accumulées dans certains régimes, d'un montant de 37 milliards d'euros, soit un actif net de 155 milliards d'euros ou de 6,4 % du PIB. Cette situation s'est certes dégradée en 2020, mais l'actif net du système de retraite reste significatif.
J'en viens à la question des ajustements. Dans la convention EEC, pour être à l'équilibre en 2030, il faudrait que l'âge conjoncturel de départ à la retraite atteigne non pas 63,2 ans comme cela est prévu, mais 63,5 ans. Par ailleurs, si on voulait équilibrer structurellement le système de retraite pour les vingt-cinq prochaines années sans modifier l'âge de départ en retraite, il faudrait augmenter les cotisations de 0,5 %.
Ces calculs ont toutefois des limites : repousser l'âge de la retraite aurait des effets sur les finances publiques, notamment sur les dépenses de revenu de solidarité active (RSA), de pensions d'invalidité, d'allocation chômage, etc. Par ailleurs, ces calculs sont purement comptables, c'est-à-dire qu'ils n'intègrent pas de bouclage macroéconomique. Les effets de l'augmentation des cotisations sur l'activité économique sont susceptibles de contrecarrer l'effet recherché. Les projections que je viens de vous présenter ne sont en aucun cas une analyse approfondie des effets des mesures qui peuvent être prises en matière de retraite.
En 2020, le solde projeté de la CNAV s'établit à -11 milliards d'euros du fait de l'érosion brutale de la masse salariale. À moyen terme, quelle que soit la vigueur de la reprise, nous prévoyons un rattrapage relativement lent. Le solde devrait s'établir à -14 milliards d'euros en 2030 et à -35 milliards d'euros en 2060. Ceci s'explique assez largement par le fait que le régime général porte les déficits de nombreux régimes de retraite.
Les leviers classiques d'équilibrage sont le niveau des pensions, l'effort contributif demandé aux actifs et la durée de cotisation, que ce soit par l'âge d'ouverture des droits ou par la durée d'assurance. Je précise toutefois que l'âge moyen de départ à la retraite en 2035 sera à 64 ans alors que l'âge légal est à 62 ans. Il existe donc un écart entre les comportements et les marqueurs législatifs.
Nous avons établi l'an dernier, à votre demande, deux projections consistant à augmenter de deux ans soit l'âge légal de départ à la retraite soit la durée d'assurance requise. Si les effets sont comparables à court terme, avec des rendements autour de 15 milliards d'euros, les effets de long terme diffèrent. Le rendement de la modification de l'âge d'ouverture des droits baisse à moyen terme, l'âge effectif de départ à la retraite devenant bien supérieur à l'âge légal.
La durée d'assurance requise a un effet extrêmement puissant pour des générations rentrant à 21-22 ans sur le marché du travail, parfois de manière hachée et donc sans acquérir de trimestres. Si ces personnes doivent travailler 45 ans en ayant des années pleines qu'à partir de 23 ans, l'effet est extrêmement puissant. L'effet serait tellement puissant que le solde sur le long terme serait excédentaire.
Enfin, la divergence entre les deux scénarios s'exprime mécaniquement par un effet montant de pension. L'âge d'ouverture des droits, en forçant les comportements et en interdisant les départs avant 64 ans, dans le scénario que vous nous avez demandé de simuler, augmente le niveau des retraites : les actifs devront cotiser plus. La durée d'assurance a tendance à éroder le montant moyen des retraites en imposant plus régulièrement des décotes. Cela explique aussi le rendement séparé.
Ces deux effets s'équilibrent. Certes, le rendement financier est bien au-delà de tous les équilibres requis pour le système de retraite. Mais les deux forces s'équilibrent si l'on augmente de deux ans l'âge légal et de deux ans la durée d'assurance requise. À court terme, ces scénarios rétabliraient très fortement l'équilibre, mais à moyen terme, en 2040-2050, ils produiraient un suréquilibre du régime de retraite.
La notion d'équilibre ou de suréquilibre des régimes de retraite est une convention. L'enjeu est l'effort consenti par la Nation pour le système de retraite et donc la proportion de la richesse nationale qui lui est consacrée. Dans ce cas, il y aurait une diminution très nette de la part du PIB consacrée aux retraites.
Voilà les deux scénarios que vous nous avez demandé de simuler. Nous vous transmettrons une note plus complète pour préciser les effets sur le solde et sur les niveaux de pensions répartis en fonction des déciles et des genres.
Au-delà des perspectives financières, vous évoquez les possibles pistes de convergence et de simplification dans la gestion des régimes, indépendamment des équilibres financiers.
A déjà été engagée une série de simplifications et de convergences, notamment la liquidation unique des régimes alignés, qui conduit à aligner en gestion les principaux régimes des salariés. Plus récemment, la loi a supprimé le régime social des indépendants et a intégré une bonne partie des travailleurs indépendants, artisans et commerçants, au régime général. C'est une convergence organique, structurelle et institutionnelle.
Sont tout aussi puissantes, et parfois plus visibles et essentielles pour les assurés, les convergences en matière d'offre de services, à hauteur d'assuré : malgré la persistance de 43 régimes, il faut un interlocuteur unique. Nous travaillons avec ambition sur ces démarches pour réussir ce pari. Un assuré doit avoir face à lui des administrations et des services publics qui ont internalisé la contrainte et qui renvoient un visage uni. Il faut éviter de renvoyer l'assuré de guichet en guichet, comme dans les Douze travaux d'Astérix...
Nous avons déjà dépassé cette phase de l'administration kafkaïenne, et travaillons résolument à plus de convergence, notamment entre les deux principaux régimes de retraite de base et la complémentaire, la CNAV et l'Agirc-Arrco, afin d'éviter qu'un assuré ait deux fois les mêmes pièces justificatives à produire. De nombreuses simplifications peuvent être envisagées par voie réglementaire ou législative.
Je siège au COR avec Mme Monique Lubin. Voyez la complexité des dossiers ; il est important de les entendre plusieurs fois, et régulièrement, pour les assimiler au mieux... Il y a des effets cycliques ou contracycliques, positifs ou négatifs... Il faut toujours relativiser et garder tous les critères en tête. C'est un exercice difficile...
Nos amendements portaient sur deux ans de report de l'âge d'ouverture des droits et, dans le dernier PLFSS, sur un an assorti d'une accélération du dispositif « Touraine » sur la durée d'assurance, donc l'effet était différent. Nous sommes conscients que nous devrons prendre nos responsabilités. Quel que soit le mode de calcul - par annuités, à prestations définies, ou un système à points, universel et à cotisations définies - les règles sont les mêmes : on peut jouer sur les cotisations, l'âge de départ ou la durée de travail.
Où en est l'équilibre de la CNAV avec les baisses de cotisations importantes dans le privé, notamment du fait d'un recours massif à l'activité partielle ? La mortalité supplémentaire réduira les dépenses de 0,5 milliard d'euros. C'est peu par rapport aux 22 milliards d'euros de recettes en moins... Vous avez un déficit chaque année, certes de l'épaisseur du trait, mais qui s'épaissit de plus en plus. Il faut prendre le problème à bras-le-corps si vous me permettez cette expression.
Attention aux réserves ; M. Bras en a dressé une vision macro-économique. Les réserves appartiennent à certains régimes, comme les complémentaires, et non à tous. On ne peut pas prélever dans ces réserves librement, comme on l'a fait dans le Fonds de réserve des retraites (FRR) pour financer la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). Ces réserves du FRR ont d'ailleurs fondu comme neige au soleil et une part des 33 milliards d'euros annoncés est déjà fléchée.
Ne tombons pas non plus dans la facilité du « Quoi qu'il en coûte » avec la dette. Sinon, cela remettrait en cause le système par répartition, dans lequel, par définition, les actifs actuels paient pour les retraités actuels. Si vous transférez la charge à la génération suivante, celle-ci devra non seulement payer pour les retraites, mais rembourser en plus la dette... En France, nous avons mis nos oeufs dans le même panier, à la différence des autres pays qui ont une part de capitalisation. Ce sujet pourra être abordé dans le débat.
Quel est l'impact de l'activité partielle ? Celle-ci a ouvert droit à des trimestres supplémentaires validés, mais via le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) et non par des cotisations : il y a moins de cotisations, et donc à terme moins de retraites.
Soyons attentifs au partage de l'effort, notamment par rapport aux conséquences de la crise sur le niveau de vie des retraités. Actuellement, celui-ci est légèrement supérieur au salaire moyen (103 %). Avec la crise, le PIB diminue, le chômage augmente. Les retraites vont donc représenter 15 % du PIB, contre 14 % auparavant, et le revenu moyen des retraités s'élèvera à 110 % du salaire moyen environ. C'est un niveau comparatif et non absolu en pouvoir d'achat. Une fiscalité supplémentaire sur les retraités partagerait par exemple l'effort, mais elle peut dégrader fortement les retraites ; soyons prudents.
Vous avez envisagé les convergences. Où en êtes-vous du groupement d'intérêt public (GIP) Union retraite qui permet d'avoir une réponse unique sur l'état prévisionnel de sa retraite ? Avez-vous continué à travailler sur la réforme et renforcé les convergences notamment pour les réversions entre public et privé ? Les travaux de préfiguration du régime universel sont-ils restés lettre morte, comme nous l'a affirmé la direction du budget à l'automne, ou avez-vous travaillé sur ce sujet ?
Merci de vos précisions fort utiles, issues des rapports - excellents ! - du COR.
Il faut bien indiquer la provenance des réserves. Une grande partie provient du privé avec l'Agirc-Arrco, et des libéraux. Les retraites du privé représentent plus de 80 % des actifs. Restent ensuite les professions libérales et les fonctionnaires. On ne fait pas suffisamment apparaître ces différences, et que l'essentiel de l'effort repose sur le privé.
Tenons compte aussi du panier de recettes : est-il selon vous toujours cohérent ? Avec un système de retraite par répartition, théoriquement, les cotisations doivent équilibrer les pensions. Néanmoins, il faut compenser les régimes spéciaux ; pour ceux-ci, on fait appel à des contributions autres. Aux cotisations s'ajoutent des ressources comme la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), la taxe sur les salaires ou d'autres taxes. Or, on voit des demandes d'exonération apparaître à chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS)...
Avec Laurence Cohen, nous pensons évidemment que tout ceci mènera à cotiser plus, travailler plus et gagner moins, et ce n'est pas qu'un slogan...
Je ne partage pas l'avis de M. Vanlerenberghe. Ce ne sont pas que les salariés du privé qui auront moins de retraites, mais aussi les fonctionnaires. Auparavant, les fonctionnaires de catégorie C, à petit salaire, voyaient leurs six derniers mois d'activité pris en compte pour le calcul de leur retraite. Désormais, ce sera l'ensemble de la carrière - certes en prenant en compte les primes, mais celles-ci n'étaient pas soumises à cotisation, et les fonctionnaires de catégorie C touchent très peu de primes.
Les organisations syndicales et patronales ont repris les concertations avec le Gouvernement pour un nouveau dialogue social. Les sujets de l'assurance chômage et des retraites restent sur la table, malgré l'importance de la pandémie.
Le président du CSR a appelé le Gouvernement à réagir face à l'aggravation des déséquilibres entre les cotisations et les pensions de retraite. Le CSR propose de rééquilibrer le déficit des retraites françaises en réduisant les pensions des retraités. Estimez-vous également qu'il est nécessaire de réduire les pensions pour garantir le financement du régime en sous-indexant les retraites ? Les retraités sont-ils mieux lotis que les actifs ?
Je partage l'avis de M. Savary : c'est parfois de l'hébreu pour les non-initiés... J'espère que nous avons tous compris les différents scénarios présentés, et que les commentaires péremptoires sur la situation de notre régime de retraite n'ont pas cours. Avant la pandémie, en 2019, le système de retraite était quasiment à l'équilibre, nous disaient les experts - cela ne vient pas de moi. Or souvenez-vous : on nous assurait qu'il fallait absolument, et très rapidement, réformer le système de retraite. Un secrétaire d'État avait même déclaré que si rien n'était fait dans les trois ans, on ne pourrait plus payer les pensions !
Bien sûr, la crise de la covid-19 a tout fait basculer. Il serait dangereux de prendre des mesures actuellement. Attendons de voir quand et comment nous sortirons de cette crise.
Cependant, je ne suis pas de ceux qui disent qu'il ne faut rien faire. Mais rappelons que la réforme Touraine produit ses effets : l'âge de départ à la retraite à 62 ans reste certes théorique, mais il ne faut pas y toucher. Il garantit à tous ceux qui ont commencé à travailler tôt de partir à un âge décent ; j'y suis très attachée. Ne décidons pas d'augmenter le nombre de trimestres sans réfléchir aux conditions de travail.
Certes, le calendrier est bousculé avec la crise sanitaire. Mais selon la loi, nous devrions connaître les chiffres en juillet pour préparer le PLFSS. Là, les délais sont largement dépassés...
Que pensez-vous de l'opportunité d'un PLFSS rectificatif, qui pourrait se justifier sur les retraites et le financement de la cinquième branche ?
L'équilibre des régimes de retraite est très sensible. Nous sommes passés d'un déficit modéré de 3 milliards d'euros en 2019 à un déficit de 11 milliards d'euros en 2020. Ces 8 milliards d'euros supplémentaires sont dus à de nombreux effets de yoyo.
Un effet a été massif : la baisse de 10 milliards d'euros des cotisations perçues, en raison d'une moindre activité, du chômage partiel et de la réduction de la masse salariale. Il y a d'autres effets de second ordre : un effet direct sur les prestations avec 120 à 150 millions d'euros « d'économies » en raison de la surmortalité, et 20 millions d'euros de dépenses supplémentaires pour les réversions puisque nous assurons également le veuvage. Les retraites reflètent donc l'ensemble des évolutions sociales et législatives. Nous allons avoir un milliard d'euros de cotisations supplémentaires grâce au Ségur de la santé, qui va améliorer le solde du régime général dans cinq ans. La réforme du congé paternité réduira le solde de 100 millions d'euros dans deux ou trois ans, car les pères ne cotisent pas durant leur congé.
La retraite est le reflet des choix sociétaux, ce qui nécessite de toujours réajuster les trajectoires.
Monsieur Savary, je suis prudent quant à l'impact du chômage partiel, car peu de personnes partent en retraite juste après. Avant le correctif, nous estimons qu'il y aura environ 300 millions d'euros de dépenses en moins en 2040, car les retraites seront moins élevées du fait de la perte des droits à retraite. Mais comme le chômage partiel risque de durer, on estime que ce chiffre atteindra 500 à 600 millions d'euros. L'effet sera rattrapé par la validation de trimestres de solidarité prévus par le PLFSS pour les personnes au chômage partiel en raison de la crise.
Nous avons avancé sur le droit à l'information, et franchi deux étapes de coordination interrégimes. La première étape, ancienne, d'un droit à l'information tous les cinq ans, date de la loi de 2003, et est montée en puissance dans les années 2010. Seconde étape, l'information et les outils sont communs : l'assuré peut réaliser des simulations en ligne sur tous les régimes.
Dernière étape, au-delà de la surcouche commune - le front office - nous devons coordonner les 43 arrière-boutiques des différents régimes... C'est une marche à franchir.
Monsieur le rapporteur général, le panier de recettes du régime général est cohérent : 85 % des recettes sont assises sur les rémunérations. Il est important de lier l'effort contributif aux droits à pension acquis sur les salaires ou les revenus d'activité. Les recettes sont pour deux tiers des cotisations, et pour 20 % des contributions assises sur les salaires, comme la contribution sociale généralisée (CSG). Ce lien entre montant de salaire et cotisations souligne la confiance dans le système et la force du politique.
Le système de retraite est très technique, mais c'est aussi un espace politique - et il ne m'appartient pas d'en juger : la vision a un impact social de très long terme. Un jeune prendra sa retraite 45 ans après...
Il ne m'appartient pas non plus de juger des pistes évoquées par le CSR sur la sous-indexation des retraites. Une sous-indexation rapporterait entre 2 et 3 milliards d'euros. Baisser les retraites aurait un effet plus important - 30 milliards d'euros si on les diminue de 10 % -, mais une acceptabilité sociale plus compliquée...
Le technicien que je suis garde un très mauvais souvenir de ces lois rectificatives... Proposer un PLFSS rectificatif est toujours une possibilité, mais c'est d'une complexité redoutable, c'est très long et très lourd : il faut refaire tous les chiffrages, toutes les hypothèses pour tous les régimes. Néanmoins, le politique prend le pas sur l'administratif...
Pour prévoir un PLFSS rectificatif, il faudrait savoir quelles mesures prendre. Je n'ai pas à me prononcer sur l'avis du CSR sur le niveau de vie des retraités, car le CSR et le COR sont très différents. Le niveau de vie, ce n'est pas le niveau des retraites ni le niveau des salaires, mais l'ensemble des revenus primaires reçus par un ménage : revenus du travail, du capital, revenus de transfert comme les retraites ou les prestations sociales, auxquels on retire tous les impôts directs - impôts sur le revenu, taxe d'habitation... - et on le ramène à la taille du ménage. Pour un ménage de deux personnes, on divise par 1,5, car il y a des économies d'échelle.
En 2019, le niveau de vie des retraités s'élevait à 103 % de celui de l'ensemble de la population. Nous ne prenons pas en compte le fait que les retraités sont le plus souvent propriétaires de leur logement ; si l'on intégrait ce loyer fictif, leur niveau de vie serait à 109 % environ. Nous ne prenons pas non plus en compte les transferts des retraités vers les plus jeunes, supérieurs aux transferts ascendants.
En 2020, leur niveau de vie va augmenter, car le niveau de vie de la population, malgré la baisse du PIB, a été préservé. L'État emprunte et alimente le niveau de vie par des aides et le chômage partiel. Mais cela va se réduire ensuite. Le montant des retraites par rapport aux salaires va baisser, selon nos projections à comportement constant. Les futurs retraités peuvent réagir pour conserver leur niveau de vie relatif, en épargnant plus pendant la vie active et avoir davantage de revenus du capital, ou en décalant l'âge de leur retraite pour bénéficier d'une surcote.
Nous disposons de données précises depuis 1996. Le niveau de vie des retraités est stable depuis cette période, mais il a augmenté depuis 1970. En 1970, les retraités avaient un niveau de vie atteignant 70 % de celui de la population générale ; il est de 100 % depuis la fin des années 1990. Mais il va se réduire pour revenir au niveau des années 1980. Sur le fait que le niveau de vie des retraités est supérieur à celui des actifs, les Français ne nous croient pas : pour 55 % d'entre eux, le niveau de vie des retraités est moindre que celui du reste de la population ; pour 24 %, il est équivalent ; pour 24 % seulement, il est meilleur. L'idée que les retraités sont pénalisés reste très forte, à la différence des statistiques. Bien évidemment, il y a des retraités modestes et d'autres aisés.
Les retraités sont une catégorie statistique et non des individus. C'est un groupe qui chaque année voit disparaître une partie de ses membres, décédés, et de nouveaux individus le rejoindre. Nous avons modélisé ce qui s'est passé pour un individu retraité né en 1932 et qui aurait pris sa retraite en 1992 : l'évolution de son pouvoir d'achat, indexé sur les prix, aurait dû être stable. S'il est non-cadre, il a vu son niveau de vie se maintenir, puis se dégrader sous l'effet des sous-indexations des pensions qu'il perçoit de l'Agirc-Arrco et de la CNAV. Cela a contribué au fait qu'il y ait moins de dépenses de retraite dans le PIB. Pour un cadre, c'est totalement différent, en raison des prélèvements sur ses retraites et des sous-indexations : l'Agirc a beaucoup moins bien indexé que l'Arrco, et la CSG sur les pensions des cadres a augmenté dans les années 1990. Désormais, le niveau de vie du retraité-cadre est de 14 % inférieur à celui qu'il avait en 1992. Les catégories statistiques ne nous disent pas ce que vit un individu.
Je vous remercie. Vous nous montrez l'importance de vous entendre régulièrement.
président de la Mecss, rapporteur sur l'assurance vieillesse. - Le COR a réalisé un travail très intéressant, loin des reproches de noyer les choses. Mais cela montre la complexité du sujet. Le rôle du COR n'est pas de prendre des décisions, mais d'établir des statistiques.
Pour éviter de mettre en place un dispositif brutal, trop violent, il est important de décider bien en avance, en raison du délai entre la prise de décision et l'application.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 11 h 5.