En 2020, le solde projeté de la CNAV s'établit à -11 milliards d'euros du fait de l'érosion brutale de la masse salariale. À moyen terme, quelle que soit la vigueur de la reprise, nous prévoyons un rattrapage relativement lent. Le solde devrait s'établir à -14 milliards d'euros en 2030 et à -35 milliards d'euros en 2060. Ceci s'explique assez largement par le fait que le régime général porte les déficits de nombreux régimes de retraite.
Les leviers classiques d'équilibrage sont le niveau des pensions, l'effort contributif demandé aux actifs et la durée de cotisation, que ce soit par l'âge d'ouverture des droits ou par la durée d'assurance. Je précise toutefois que l'âge moyen de départ à la retraite en 2035 sera à 64 ans alors que l'âge légal est à 62 ans. Il existe donc un écart entre les comportements et les marqueurs législatifs.
Nous avons établi l'an dernier, à votre demande, deux projections consistant à augmenter de deux ans soit l'âge légal de départ à la retraite soit la durée d'assurance requise. Si les effets sont comparables à court terme, avec des rendements autour de 15 milliards d'euros, les effets de long terme diffèrent. Le rendement de la modification de l'âge d'ouverture des droits baisse à moyen terme, l'âge effectif de départ à la retraite devenant bien supérieur à l'âge légal.
La durée d'assurance requise a un effet extrêmement puissant pour des générations rentrant à 21-22 ans sur le marché du travail, parfois de manière hachée et donc sans acquérir de trimestres. Si ces personnes doivent travailler 45 ans en ayant des années pleines qu'à partir de 23 ans, l'effet est extrêmement puissant. L'effet serait tellement puissant que le solde sur le long terme serait excédentaire.
Enfin, la divergence entre les deux scénarios s'exprime mécaniquement par un effet montant de pension. L'âge d'ouverture des droits, en forçant les comportements et en interdisant les départs avant 64 ans, dans le scénario que vous nous avez demandé de simuler, augmente le niveau des retraites : les actifs devront cotiser plus. La durée d'assurance a tendance à éroder le montant moyen des retraites en imposant plus régulièrement des décotes. Cela explique aussi le rendement séparé.
Ces deux effets s'équilibrent. Certes, le rendement financier est bien au-delà de tous les équilibres requis pour le système de retraite. Mais les deux forces s'équilibrent si l'on augmente de deux ans l'âge légal et de deux ans la durée d'assurance requise. À court terme, ces scénarios rétabliraient très fortement l'équilibre, mais à moyen terme, en 2040-2050, ils produiraient un suréquilibre du régime de retraite.
La notion d'équilibre ou de suréquilibre des régimes de retraite est une convention. L'enjeu est l'effort consenti par la Nation pour le système de retraite et donc la proportion de la richesse nationale qui lui est consacrée. Dans ce cas, il y aurait une diminution très nette de la part du PIB consacrée aux retraites.
Voilà les deux scénarios que vous nous avez demandé de simuler. Nous vous transmettrons une note plus complète pour préciser les effets sur le solde et sur les niveaux de pensions répartis en fonction des déciles et des genres.
Au-delà des perspectives financières, vous évoquez les possibles pistes de convergence et de simplification dans la gestion des régimes, indépendamment des équilibres financiers.
A déjà été engagée une série de simplifications et de convergences, notamment la liquidation unique des régimes alignés, qui conduit à aligner en gestion les principaux régimes des salariés. Plus récemment, la loi a supprimé le régime social des indépendants et a intégré une bonne partie des travailleurs indépendants, artisans et commerçants, au régime général. C'est une convergence organique, structurelle et institutionnelle.
Sont tout aussi puissantes, et parfois plus visibles et essentielles pour les assurés, les convergences en matière d'offre de services, à hauteur d'assuré : malgré la persistance de 43 régimes, il faut un interlocuteur unique. Nous travaillons avec ambition sur ces démarches pour réussir ce pari. Un assuré doit avoir face à lui des administrations et des services publics qui ont internalisé la contrainte et qui renvoient un visage uni. Il faut éviter de renvoyer l'assuré de guichet en guichet, comme dans les Douze travaux d'Astérix...
Nous avons déjà dépassé cette phase de l'administration kafkaïenne, et travaillons résolument à plus de convergence, notamment entre les deux principaux régimes de retraite de base et la complémentaire, la CNAV et l'Agirc-Arrco, afin d'éviter qu'un assuré ait deux fois les mêmes pièces justificatives à produire. De nombreuses simplifications peuvent être envisagées par voie réglementaire ou législative.