Pour prévoir un PLFSS rectificatif, il faudrait savoir quelles mesures prendre. Je n'ai pas à me prononcer sur l'avis du CSR sur le niveau de vie des retraités, car le CSR et le COR sont très différents. Le niveau de vie, ce n'est pas le niveau des retraites ni le niveau des salaires, mais l'ensemble des revenus primaires reçus par un ménage : revenus du travail, du capital, revenus de transfert comme les retraites ou les prestations sociales, auxquels on retire tous les impôts directs - impôts sur le revenu, taxe d'habitation... - et on le ramène à la taille du ménage. Pour un ménage de deux personnes, on divise par 1,5, car il y a des économies d'échelle.
En 2019, le niveau de vie des retraités s'élevait à 103 % de celui de l'ensemble de la population. Nous ne prenons pas en compte le fait que les retraités sont le plus souvent propriétaires de leur logement ; si l'on intégrait ce loyer fictif, leur niveau de vie serait à 109 % environ. Nous ne prenons pas non plus en compte les transferts des retraités vers les plus jeunes, supérieurs aux transferts ascendants.
En 2020, leur niveau de vie va augmenter, car le niveau de vie de la population, malgré la baisse du PIB, a été préservé. L'État emprunte et alimente le niveau de vie par des aides et le chômage partiel. Mais cela va se réduire ensuite. Le montant des retraites par rapport aux salaires va baisser, selon nos projections à comportement constant. Les futurs retraités peuvent réagir pour conserver leur niveau de vie relatif, en épargnant plus pendant la vie active et avoir davantage de revenus du capital, ou en décalant l'âge de leur retraite pour bénéficier d'une surcote.
Nous disposons de données précises depuis 1996. Le niveau de vie des retraités est stable depuis cette période, mais il a augmenté depuis 1970. En 1970, les retraités avaient un niveau de vie atteignant 70 % de celui de la population générale ; il est de 100 % depuis la fin des années 1990. Mais il va se réduire pour revenir au niveau des années 1980. Sur le fait que le niveau de vie des retraités est supérieur à celui des actifs, les Français ne nous croient pas : pour 55 % d'entre eux, le niveau de vie des retraités est moindre que celui du reste de la population ; pour 24 %, il est équivalent ; pour 24 % seulement, il est meilleur. L'idée que les retraités sont pénalisés reste très forte, à la différence des statistiques. Bien évidemment, il y a des retraités modestes et d'autres aisés.
Les retraités sont une catégorie statistique et non des individus. C'est un groupe qui chaque année voit disparaître une partie de ses membres, décédés, et de nouveaux individus le rejoindre. Nous avons modélisé ce qui s'est passé pour un individu retraité né en 1932 et qui aurait pris sa retraite en 1992 : l'évolution de son pouvoir d'achat, indexé sur les prix, aurait dû être stable. S'il est non-cadre, il a vu son niveau de vie se maintenir, puis se dégrader sous l'effet des sous-indexations des pensions qu'il perçoit de l'Agirc-Arrco et de la CNAV. Cela a contribué au fait qu'il y ait moins de dépenses de retraite dans le PIB. Pour un cadre, c'est totalement différent, en raison des prélèvements sur ses retraites et des sous-indexations : l'Agirc a beaucoup moins bien indexé que l'Arrco, et la CSG sur les pensions des cadres a augmenté dans les années 1990. Désormais, le niveau de vie du retraité-cadre est de 14 % inférieur à celui qu'il avait en 1992. Les catégories statistiques ne nous disent pas ce que vit un individu.