Madame le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, pour affronter les défis du XXIe siècle, nous devons construire un partenariat nouveau avec l’Afrique.
Je pense bien sûr aux défis sanitaires, dont la crise pandémique nous rappelle chaque jour qu’ils peuvent représenter des menaces globales.
Je pense aussi aux défis environnementaux, migratoires, sécuritaires et technologiques que nous avons en partage, d’une rive à l’autre de la Méditerranée.
Ce nouveau partenariat, le Président de la République en a jeté les bases fin 2017 à Ouagadougou. Depuis trois ans, nous nous employons à le décliner dans tous les domaines, avec les États et les sociétés civiles du continent.
Nous le faisons de manière très pragmatique et très concrète, à travers des gestes forts, qui sont à la fois des gestes de rupture avec ce qui n’a aujourd’hui plus sa place dans nos relations et des gestes de refondation qui nous permettront de travailler ensemble aux solutions de demain. Assurément, ce nouvel accord de coopération monétaire avec les États membres de l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA) en est un.
Il s’agit en effet – je veux insister devant vous ce matin sur ce point – d’une réforme historique qui vise à mettre en place un cadre de coopération monétaire modernisé et renouvelé entre la France et les huit pays de l’UMOA – le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo –, c’est-à-dire avec l’une des trois zones monétaires qui constituent ce que l’on appelle communément la zone franc.
Je rappelle, pour mémoire, que les deux autres zones monétaires en question sont régies par deux accords spécifiques : d’une part, un accord de coopération monétaire entre la France et les six pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cémac) – le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale et le Tchad ; d’autre part, un accord de coopération monétaire entre la France et l’Union des Comores.
Engagée à la demande des huit pays de l’UMOA – j’insiste sur ce point –, cette réforme leur permettra de répondre à leur besoin de souveraineté, tout en préservant les outils qui garantissent la stabilité macroéconomique de la zone et favorisent sa croissance et son attractivité.
Le premier enjeu de cet accord, c’est donc la souveraineté économique et monétaire de nos partenaires. Elle se matérialise par trois évolutions majeures.
La première, c’est le changement de nom de la monnaie commune, voulu par les huit pays africains membres de l’UMOA. La décision qu’ils ont prise est éminemment symbolique puisqu’il s’agit de passer du franc CFA d’Afrique de l’Ouest à l’eco.
La deuxième, c’est la fin de la centralisation des réserves de change de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) auprès du Trésor français. Ainsi, très concrètement, la BCEAO sera libre de placer ses avoirs dans les actifs de son choix.
Le troisième, c’est le retrait de la France des instances de gouvernance de l’UMOA dans lesquelles elle était présente. Très concrètement, la France ne nommera plus de représentants au conseil d’administration et au comité de politique monétaire de la BCEAO ni à la commission bancaire de l’Union.
Ces stipulations, issues de l’accord du 4 décembre 1973, vous le savez, faisaient l’objet de très vives critiques et polémiques. Le nouvel accord, signé le 21 décembre 2019 à Abidjan, y met un terme.
Resteront en revanche en vigueur ceux des principes de l’accord de 1973 qui, après concertation avec les chefs d’État de l’UMOA, ont été jugés nécessaires à la préservation d’un cadre macroéconomique stable.
La parité fixe avec l’euro demeure et le taux de change entre la monnaie ouest-africaine et l’euro ne change pas. Ce point est essentiel, car l’ancrage à l’euro, synonyme de stabilité monétaire, offre aux économies de l’UMOA une plus grande résistance aux chocs externes et permet de maîtriser l’inflation.
Nous maintenons également la garantie de convertibilité illimitée accordée par la France. En cas de choc sur la situation des comptes extérieurs de l’UMOA, la France s’engage à apporter les sommes nécessaires en euros.
Au nom de cet impératif de stabilité, de nouveaux mécanismes de dialogue et de surveillance des risques seront par ailleurs mis en place, en lien avec nos partenaires de l’UMOA. C’est essentiel pour que la France joue pleinement son rôle de garant financier.
J’ajoute que cet accord a aussi une signification à l’échelon régional, puisqu’il s’inscrit dans le contexte du projet d’intégration monétaire porté par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) qui réunit, outre les huit pays de l’UMOA, le Cap-Vert, la Gambie, le Ghana, la Guinée, le Libéria, le Nigéria et la Sierra Leone.
Tels sont, madame le président, monsieur le rapporteur, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, l’esprit et les principales dispositions de ce nouvel accord entre la France et l’UMOA qui fait l’objet du projet de loi soumis aujourd’hui à votre approbation.
Renouveler notre cadre de coopération monétaire dans le plein respect des souverainetés nationales et des dynamiques régionales afin de permettre à nos partenaires de continuer à avancer sur la voie du développement économique, c’est – vous l’aurez compris – apporter une pierre supplémentaire à la relation nouvelle que nous devons et voulons bâtir avec l’Afrique.
Il ne s’agit donc pas seulement d’une importante réforme monétaire. Ce qui est en jeu, au fond, c’est, sur ce sujet très précis comme sur bien d’autres encore, notre capacité à réinventer ensemble, avec les pays africains, les liens de confiance et de solidarité qui nous unissent.