Madame le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons ce matin le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de coopération entre le gouvernement de la République française et les gouvernements des États membres de l’Union monétaire ouest-africaine.
Cet accord concerne notre coopération monétaire avec huit États d’Afrique de l’Ouest. Leur monnaie commune est le franc CFA de l’Afrique de l’Ouest, vous venez de le rappeler, monsieur le ministre. Ce sujet à la fois symbolique et polémique était l’objet de trop nombreuses idées reçues qu’il devenait difficile de combattre. La commission des finances du Sénat a d’ailleurs adopté en septembre 2020 un rapport d’information de Victorin Lurel et Nathalie Goulet pour démythifier ce sujet et chasser les polémiques ; je remercie les auteurs de ce rapport, qui constitue un travail précurseur tout à fait utile.
Pour éviter les polémiques, il faut aussi montrer que la France est prête à faire beaucoup pour l’Afrique, en particulier pour l’Afrique de l’Ouest, la région qui nous occupe ce matin. Votre présence parmi nous, monsieur le ministre, y contribue et je vous en remercie. Le Sénat y prend sa part, notamment grâce à l’action de ses groupes d’amitié, que ce soit celui avec l’Afrique australe, présidé par Guillaume Chevrollier, dont je salue la présence, ou celui avec l’Afrique de l’Ouest, présidé par André Reichardt. Nous cherchons ainsi à maintenir des liens forts avec les parlements ouest-africains et d’Afrique centrale. Nous devons continuer à faire vivre cette relation démocratique entre nos différents pays.
Rappelons-nous tout de même ce que signifiait le nom « franc CFA ». Il s’agissait ab initio du franc des « colonies françaises d’Afrique », puis du franc de la « communauté financière africaine ». Nous n’avons donc pas de repentance à exprimer, monsieur le ministre – je fais là référence à certaines paroles malheureuses du Président de la République… –, même si nous n’avons pas connu que des heures glorieuses et s’il n’y a pas eu de « temps béni des colonies », contrairement à ce que dit la chanson…
Vous avez rappelé, monsieur le ministre, que la France a signé en 1973 des accords monétaires. Ces accords, il faut le rappeler, ont eu des effets bénéfiques, par exemple sur l’inflation : elle a été d’environ 1 % pour les pays de la zone franc CFA contre 11 % pour les autres. Excusez du peu ! Ce n’est pas rien… Limiter l’inflation permet à ces pays d’attirer des investisseurs et d’éviter des dévaluations d’actifs. Cela favorise par conséquent la coopération et la croissance.
Le franc CFA était donc un bon ancrage et, en vérité, personne n’a eu réellement à s’en plaindre. Surtout, cette coopération monétaire résultait de la volonté d’États souverains. On l’a trop souvent confondue avec ce qu’on appelle tristement « la Françafrique », alors qu’elle était bienvenue et que cette zone en avait besoin.
Ce sont encore des États souverains qui ont décidé en décembre 2019 de signer un nouvel accord, même si les choses se sont principalement conclues au niveau des chefs d’État. Il fallait saisir, il est vrai, une fenêtre d’opportunité : le président Ouattara, ancien directeur général adjoint du Fonds monétaire international (FMI) et ancien gouverneur de la BCEAO, avait la confiance de ses homologues des autres pays de l’Afrique de l’Ouest et le Président de la République effectuait un déplacement en Côte d’Ivoire.
De fait, la chose était mûre, mais il fallait un momentum. Cette occasion a été saisie et je souhaite que, après l’Assemblée nationale, le Sénat la saisisse également en ratifiant ce texte. Nous ne devons pas hésiter, parce que le temps des accords internationaux est habituellement plus long – vous le savez mieux que quiconque, monsieur le ministre.
C’est aussi un moment d’espoir pour les autres pays de la zone franc qui devront aussi, à un moment ou à un autre, se décider, lorsqu’ils seront prêts. Les signataires de cet accord sont en quelque sorte les premiers de cordée – passez-moi l’expression ! Et, comme vous le disiez, monsieur le ministre, cet accord ne nuit aucunement au projet d’eco de la Cédéao.
Bien sûr, il s’agit d’une première étape, mais il y a toujours des jusqu’au-boutistes : il faudrait que Rome ou Paris se soit faite en un jour ! Non ! On construit au fur et à mesure, au rythme des avancées et des soubresauts de l’économie internationale et des échanges mondiaux et en fonction de la confiance, notamment dans la démocratie – c’est quelque chose de très important.
C’est d’ailleurs un aspect qui est parfois oublié, y compris par certaines têtes pensantes du Gouvernement : dans les accords financiers, le respect de la démocratie, c’est-à-dire celui d’échéances électorales fixes, est une donnée prise en compte par les acteurs économiques internationaux pour savoir s’ils peuvent faire confiance à un pays. C’est notamment pour cette raison qu’il vaut mieux éviter de trop modifier les dates des élections…