Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réforme du système monétaire en discussion au Parlement français concerne en premier lieu, vous en conviendrez, les pays de l’UMOA et leurs 130 millions d’habitants.
Une personne a très vite été au courant de cette réforme : c’est Alassane Ouattara, mis en place en avril 2011 dans des conditions peu glorieuses – je ne sais si c’est ce à quoi faisait allusion Jérôme Bascher – avec le concours militaire français et qui vient d’imposer à son peuple un troisième mandat, que nous considérons comme inconstitutionnel, au moyen d’une mascarade électorale et d’une implacable répression de ses opposants. On compte tout de même plus de quatre-vingt-six morts !
Pour revenir au texte qui nous intéresse aujourd’hui, force est de constater que, comme lors des négociations concernant le franc CFA au moment du passage à l’euro, les pays africains n’ont à aucun moment été véritablement associés – excusez-moi de le dire, monsieur le ministre. En outre, il n’existe aucune trace de consultation parlementaire, ni même populaire. Puisque vous parlez d’États souverains, monsieur le rapporteur, donnez-nous des garanties à cet égard, au moins pour une partie de ces pays : il n’y en a pas ! Or il n’y a pas de souveraineté sans Parlement ni peuple.
Nous considérons que cette situation est inadmissible. C’est ce qui justifie le dépôt de cette motion tendant à opposer la question préalable, que notre groupe vous propose d’adopter.
Quoi que l’on pense de cette réforme, la parole doit d’abord être donnée aux parlements et aux peuples africains. En la matière, ils doivent être décideurs et pas seulement « accompagnateurs », pour reprendre le terme que vous avez utilisé, monsieur le ministre. Alors que la zone sterling a pris fin à partir de 1967, il est temps que les pays africains de la zone franc puissent accéder à leur pleine souveraineté monétaire et fiscale. Cela relève du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Au-delà de cette question démocratique, il y a urgence dans cette zone à changer de paradigme en matière monétaire. En effet, le bilan de cet instrument monétaire colonial, puis néocolonial n’est pas brillant, même si le franc CFA n’est pas la seule cause de cette situation.
Avec le texte que nous étudions aujourd’hui, le cordon ombilical qui relie le franc CFA à la zone euro va perdurer du fait de l’arrimage à l’euro, de la liberté des transactions et de la convertibilité illimitée entre les deux monnaies. Ce triple lien permettra à toute multinationale qui fait du commerce dans la zone monétaire du franc CFA de voir ses investissements sécurisés sur le long terme, de convertir en euros ses profits réalisés en francs CFA, puis de rapatrier ensuite ses capitaux vers la zone euro.
Quant à la prétendue stabilité procurée par le franc CFA, elle a eu et elle aura des conséquences très négatives pour les populations africaines. La parité fixe empêche les pays de la zone franc de se servir du taux de change comme moyen d’ajustement. En cas de crise, ils se trouvent obligés de s’ajuster, en réduisant les dépenses publiques – nous connaissons bien cette situation !