Enfin, le troisième changement qui nous paraît aller dans le bon sens, c’est le retrait de la France des instances de gouvernance et, singulièrement, du conseil d’administration et du comité de politique monétaire de la BCEAO, ainsi que de la commission bancaire de l’UMOA.
Disons-le clairement : cette réforme était attendue et nécessaire. Pour autant, notre groupe estime que le projet qui nous est soumis s’arrête un peu au milieu du gué.
Nous regrettons tout d’abord que cette réforme, loin d’être globale, ne touche que les pays membres de l’UMOA et qu’elle ne traite pas de la question du franc CFA de l’Afrique centrale et des Comores. Cet angle mort n’a d’ailleurs pas manqué de susciter, à juste titre, l’incompréhension, voire l’ire de nombreux États ainsi laissés de côté.
D’un point de vue diplomatique, nous aurions souhaité que cette réforme ne donne pas le sentiment d’une forme de précipitation ou de mise à l’écart de certains acteurs, qui se sentent, pour partie, ostracisés par la démarche franco-ivoirienne, et qu’elle n’alimente pas une prétendue mainmise française sur les États membres de l’UMOA. Cette précipitation diplomatique ne grandit personne et peut même remettre en cause les politiques de convergence engagées entre différentes zones.
Disons ensuite que, contrairement à ce que l’on pourrait penser, cet accord de coopération est limité du point de vue monétaire. Au-delà des aspects juridiques et symboliques évoqués, ce texte est d’abord un accord budgétaire, qui engage l’État et pas vraiment les autorités monétaires ni les banques centrales.
Parallèlement à cet accord, des conventions commerciales et techniques devront être prises entre ces banques, notamment entre la BCEAO et la Banque de France, par exemple pour l’impression des billets. Ces implications techniques ne sont pas à négliger lorsque l’on connaît l’importance de l’émission fiduciaire, le stade d’inclusion bancaire et la très faible bancarisation de l’économie dans ces territoires. La circulation de ces masses monétaires conditionnant fortement la liquidité de ces économies et leur financement bancaire, il conviendra d’y être attentif.
Je précise cela, car, malgré la discussion de ce texte, notre parlement souffre d’un manque assez criant d’informations et ne dispose pas d’éléments tangibles pour se positionner de manière éclairée : trop de lignes budgétaires demeurent peu renseignées ou documentées ; le compte de concours financier, comme le compte de commerce, reste squelettique, et la mission « Engagements financiers de l’État » ne dit rien de la réalité des choses. Loin d’être un détail, ce manque d’informations du Parlement français et, sans doute, de ses homologues étrangers, pourrait à lui seul commander notre vote sur ce texte.
Pour aller plus loin, nous estimons que nous ne pouvons pas non plus nous contenter du seul remplacement du nom et de la fin de la centralisation des réserves. Nous considérons qu’une évolution du régime de change aurait pu être envisagée dans cette réforme.
Au lieu de cela, cet accord se contente de changements a minima, pour ne pas dire nuls. Il n’y a ainsi aucune audace conjointe pour trouver des bases plus conformes aux exigences de développement des pays concernés. Or nous savons, en théorie et en économie appliquée, qu’un régime de change flexible répond mieux aux externalités économiques et politiques que la rigidité des changes fixes. Sans nier les avantages du régime de change fixe et de la parité avec l’euro, notamment en matière de stabilité macroéconomique, une transition d’un système de parité fixe à l’euro vers un ancrage à un panier de devises aurait pu, selon nous, être amorcée.
Considérant qu’une monnaie forte, en l’occurrence l’eco, adossée à une autre monnaie forte, à savoir l’euro, n’est pas gage de développement économique, nous aurions souhaité que la France use tant de son influence que de son expertise pour accompagner les réflexions engagées de longue date en faveur de la mise en place d’un régime de change plus flexible, permettant aux pays de la zone de mieux répondre aux chocs exogènes et aux aléas économiques internationaux.
Concrètement, la réforme présentée aurait ainsi pu cranter une étape visant, à terme, à mettre fin à l’arrimage de l’eco à l’euro au profit d’un ancrage à un panier de devises et à organiser le passage d’un régime de change fixe à un régime de change semi-flexible.
En matière de coopération, il ne s’agit plus pour la France de s’ériger en tutrice de la zone ou de tenir son rang. Notre groupe estime que les autorités doivent saisir ce moment de réforme pour contribuer à un approfondissement de la coopération monétaire autour du projet « eco » porté par la Cédéao, engager une modernisation des accords de coopération monétaire avec l’Afrique centrale et les Comores et renforcer les mécanismes de convergence entre Afrique de l’Ouest et Afrique centrale.
Pour ce faire, et afin d’échapper aux critiques de ceux qui fustigent un tête-à-tête exclusivement franco-africain dans le domaine monétaire, la France devra, selon nous, œuvrer à favoriser le dialogue entre parties prenantes.