Nous sommes donc à mille lieues du projet nécessaire pour doter l’Afrique des moyens de son développement. Avoir des instruments monétaires et bancaires souverains est indispensable pour financer ce développement. La croissance de la production, la satisfaction des besoins humains et la transition écologique, singulièrement en Afrique, exigent une augmentation considérable de la masse monétaire employée à bon escient et sous contrôle démocratique. Or la BCEAO n’a pas les pouvoirs d’une banque centrale.
Avec l’eco, nom volé par la France au projet en discussion dans la Cédéao, vous ne remplacez pas le franc CFA ; vous lui achetez une nouvelle couverture politique.
Comme cela est clairement indiqué dans le rapport que notre rapporteur a présenté à la commission des finances, avec cet accord, il s’agit simplement d’une modification « des modalités techniques opérationnelles du suivi de la garantie ». Il y est également indiqué que la fin de la présence française au sein des instances techniques ne signifie pas la fin du dialogue technique et politique. Les échanges entre les institutions de l’UMOA, le Trésor français et la Banque de France resteront denses. Tout est dit !
L’eco prolonge le franc CFA sans desserrer le garrot qui anémie l’Afrique. Ce défaut de souveraineté monétaire continuera à générer mécaniquement un endettement croissant en devises étrangères, avec des taux d’intérêt élevés qui pèsent sur le développement humain et économique de l’Afrique.
Les défenseurs du franc CFA, rebaptisé eco, nous disent que la parité fixe et la garantie apportée par la France permettent de préserver le pouvoir d’achat des quelques billets que les pauvres ont dans leur poche, mais c’est une prime d’assurance chèrement payée par les Africains les plus vulnérables pour le bénéfice des multinationales et des classes aisées africaines.
En effet, pour maintenir cette parité, la demande de monnaie CFA, donc de crédits bancaires, est drastiquement réduite, ce qui pénalise l’investissement public et privé interne et induit chômage et sous-emploi.
Au final, l’Afrique a un besoin urgent de développement et surtout d’instruments pour le financer. Alors que nous nous endettons aujourd’hui comme jamais pour nous protéger de la pandémie, jusqu’à quand laisserons-nous l’Afrique dans le dénuement et la dépendance ? Il faut à l’avenir des instruments de création monétaire souverains nouveaux pour les peuples et une réforme du système international.
D’ailleurs, nous soutenons à cette fin la mise à disposition sans tarder de nouveaux droits de tirage spéciaux et, notamment, des DTS non utilisés actuellement par les pays riches, en faveur des pays pauvres. Ces instruments doivent aller de pair avec des politiques fiscales qui cessent d’exempter les multinationales, notamment françaises, lesquelles trustent les grands projets en Afrique sans jamais créer ni mobiliser de ressources internes pérennes pour ces pays.
Le projet qui nous est soumis est à mille lieues d’une telle logique ; il ne vise qu’à perpétuer une tutelle monétaire. Nous voterons donc contre ce texte.