Je me réjouis de la qualité de cette discussion et je remercie M. le rapporteur de la qualité de son rapport et de ses propositions. Néanmoins, permettez-moi de vous faire part de mon étonnement après avoir entendu certains orateurs.
Je suis surpris que certains parlent de l’« accord Ouattara-Macron ». Je trouve cela indigne à l’égard des autres chefs d’État de l’UMOA, car ce sont eux qui ont mandaté le président Ouattara pour ce travail de préparation. C’est indigne, car c’est ne respecter ni ces chefs d’État ni le fonctionnement de l’UMOA. Je regrette que de tels propos soient tenus au Sénat.
C’est indigne d’affirmer que tout cela s’est produit sous la houlette quasi dictatoriale du président Ouattara, alors que, je le rappelle à ceux qui ont tenu ces propos, cet accord majeur a été signé par le président du conseil des ministres des finances de l’UMOA, M. Romuald Wadagni, ministre béninois, en présence de l’ensemble des acteurs.
Quelle est donc cette menée politicienne visant un chef d’État particulier ? Les bras m’en tombent ! Au nom de quoi certains sénateurs se font-ils, d’une certaine manière, les porte-parole de la Cédéao, au motif que cette dernière aurait été dépossédée de ses prérogatives ? Comme vous le savez, la Cédéao s’est prononcée à trois reprises sur le sujet : au mois de décembre 2019, au mois de septembre 2020 et le 23 janvier dernier. À cette occasion d’ailleurs, elle a décidé d’attendre avant de mettre en œuvre les critères de convergence et de stabilité envisagés. Chaque fois, elle maintient l’accord sur l’eco. Je ne comprends donc pas sur quoi se fondent les positions de certains sénateurs.
Je quitte le terrain de la polémique – quand on provoque la polémique, il faut s’attendre automatiquement à des réponses – pour m’attarder maintenant sur le fond.
Au-delà du nom de cette monnaie, qui a été choisi par l’UMOA, l’essentiel, c’est la liberté d’affectation des réserves de change, laquelle est aujourd’hui entérinée. C’était le principal sujet de polémiques et de protestations et cela pouvait se comprendre ! Lors de la conférence de Ouagadougou, que j’ai évoquée, c’est ce sujet qui était ciblé. Ce point est résolu, ce qui se traduit par un accroissement de souveraineté.
De la même manière, le fait que la France apporte la garantie et la stabilité est aussi un élément de développement. Je rappelle à ceux qui ont émis des critiques sur la fixité des parités que les régions de l’UMOA et de la Cémac ont un taux d’inflation très significativement inférieur à celui d’autres régions n’ayant pas de parité fixe avec l’euro. L’inflation est ainsi inférieure à 3 % dans les pays concernés, contre 9 % pour les autres. En outre, contrairement à ce qui a été déclaré, la croissance est beaucoup plus forte depuis 2012 dans les pays ayant une fixité des parités que dans les autres. J’avoue donc ne pas bien comprendre les propos qui ont été tenus.
Pour conclure, comme l’ont souligné plusieurs intervenants, cet accord est certes un acte politique, mais il s’est accompagné d’un autre acte politique, que je souhaite ici rappeler.
Le 15 avril 2020, le Président de la République française, avec dix chefs d’État africains, a proposé un moratoire sur les intérêts de la dette, qui a été adopté, à la demande de la France, par le G20 et le Club de Paris. Il permet aux pays les moins avancés, en particulier aux pays africains, de mobiliser leurs ressources au regard de la crise sanitaire.
À juste titre, Pierre Laurent a fait référence à l’importance de la dette. Le poids de la dette est en grande partie dû à un certain nombre d’acteurs qui sont peu regardants sur le niveau d’endettement qu’ils provoquent dans les pays concernés ! C’est donc vers ceux-là qu’il faut d’abord se tourner pour que l’Afrique bénéficie de plus grandes facilités financières au moment de la relance économique, qui sera indispensable après la pandémie.
C’est encore sur l’initiative du Président de la République que se tiendra au mois de mai prochain, à Paris, une conférence sur le financement des économies africaines. Il s’agira de faire en sorte que, à la fin de la crise liée à la pandémie, l’Afrique puisse avoir une capacité de rebond significative, à laquelle, d’une manière directe, l’eco pourra contribuer.