Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, un an après les élections municipales, les élections régionales et départementales étaient prévues au mois de mars prochain.
Or le contexte sanitaire a balayé toutes les prévisions et toutes nos certitudes. Il faut bien reconnaître que nous sommes encore sous l’effet de la sidération, avec la poursuite de l’épidémie et le prolongement prochain de l’état d’urgence sanitaire. Cette situation a conduit le Gouvernement à s’interroger sur la faisabilité de l’organisation de ces scrutins et à envisager des scénarios de report.
Sans surprise, le Gouvernement s’est rangé à la position de Jean-Louis Debré qui a proposé le report des élections de mars à juin, pour peu qu’un protocole sanitaire strict soit garanti.
Par ailleurs, je souscris pleinement à la clause qui prévoit la remise, par le comité de scientifiques, d’un rapport au Parlement, au plus tard le 1er avril prochain, pour évaluer au mieux l’état de l’épidémie et les risques attachés à la tenue des scrutins.
De la même manière, il convient de réaffirmer ici l’importance du respect du calendrier et des échéances électorales comme un élément premier. Un report ne saurait être soumis aux convenances personnelles de quelques-uns dans la mesure où ce qui exceptionnel doit le demeurer, même si, en l’état, le report de l’élection était devenu matériellement inévitable.
De même, dans ce contexte, les aménagements substantiels proposés par le rapporteur pour faciliter l’expression démocratique dans le respect des règles sanitaires me paraissent tout à fait opportuns. Il s’agit de la possibilité, pour chaque mandataire, de disposer de deux procurations, pour les électeurs vulnérables ou cas contacts, d’établir des procurations depuis leur domicile, pour un électeur de voter par procuration dans une autre commune que la sienne lorsqu’il le fait au nom d’un membre de sa famille proche, ainsi que de la fourniture, par l’État, des équipements de protection adaptés pour sécuriser les bureaux de vote.
Je pense également aux aménagements plus techniques tels que la majoration de 20 % du plafond de dépenses électorales, le délai supplémentaire pour le dépôt des comptes ou encore l’introduction d’une campagne audiovisuelle pour les prochaines élections régionales.
Pour autant, je considère, au vu de l’état actuel de la vaccination, de ses effets escomptés et du calendrier, qu’il y a une incertitude fondamentale, et même majeure, sur ce qu’il en sera lorsque nous arriverons dans la période critique du printemps.
C’est une évidence de rappeler, madame la ministre, que la démocratie repose tout entière sur l’élection. Ce n’est qu’à ce prix que la volonté des citoyens librement exprimée sera véritablement la source de tout pouvoir.
Or il est évident que les circonstances actuelles posent également la question de la capacité à organiser et à mener une campagne électorale. Cette question se pose avec d’autant plus d’acuité que la liberté de réunion n’a jamais été aussi fragilisée et malmenée depuis les périodes de guerre. Voilà l’une des principales questions qui se posent aujourd’hui et continueront de se poser demain. En outre, rétablir la confiance dans l’organisation du scrutin ne sera, sans doute, pas chose aisée.
Les incertitudes demeurent fortes. Comment pourra-t-on garantir aux candidats qu’ils pourront mener une campagne électorale dans des conditions normales ?
Car, ne l’oublions pas, faire campagne constitue un élément essentiel de l’élection. Je sais bien que certains s’extasient sur les moyens technologiques au point d’imaginer une campagne exclusivement 2.0. Mais qu’en est-il lorsque la liberté de réunion n’est pas possible pour une période aussi longue ? Qu’en est-il lorsque la liberté d’aller et de venir a été restreinte de manière aussi chaotique ?
Pourtant, l’enjeu qui nous occupe doit bien être de garantir la possibilité, pour les candidats, de voir les électeurs, de les informer, de leur parler, de discuter, de contredire et d’être contredit et, finalement, de convaincre, toutes choses que ne saurait permettre le distanciel. Or nous manquons d’éléments aujourd’hui pour affirmer que cette garantie sera apportée.
Une campagne, c’est aussi une dimension physique, des rencontres dans la rue, chez l’habitant. C’est aussi de la transpiration. Autrement dit, c’est du présentiel !
Madame la ministre, voilà l’incertitude fondamentale et le doute sérieux qui planent aujourd’hui sur la garantie donnée aux futurs candidats qu’ils pourront faire campagne et aux électeurs qu’ils pourront participer à celle-ci.
Nous sommes là au cœur de la démocratie. L’élection dans son ensemble, au-delà du seul scrutin, est un temps fort. Elle doit donc être entourée de toutes les garanties nécessaires pour en assurer à la fois la régularité, donc la sincérité, sans quoi elle risquerait de n’en être que le dévoiement.