M. Villani citait un certain nombre d'oppositions : émission ou empreinte, centralisé ou décentralisé, et s'interrogeait sur la recherche. Je redis que le combat principal est la lutte contre le changement climatique, donc l'émission de gaz carbonique, plus généralement de gaz à effet de serre, dans l'atmosphère. Pour nous, l'analyse doit être posée en termes de cycle de vie. Les émissions, c'est bien, notamment pour éviter la pollution liée à la mobilité dans les villes. Mais il faut évidemment considérer des analyses en cycle de vie.
À ce propos, il sera d'ailleurs très important de suivre la façon dont le carbone est taxé aux frontières de l'Europe. Taxer les produits importés serait de nature à favoriser toutes les techniques favorables à l'environnement qui produisent peu de CO2, au détriment de ce qui est produit ailleurs dans des conditions souvent douteuses.
Le sujet du modèle centralisé ou décentralisé est revenu plusieurs fois. Le maître mot est changer d'échelle, mutualiser les usages, rassembler les besoins au niveau d'un territoire, de façon à maximiser la demande et de bénéficier de l'effet de taille ou d'échelle pour les coûts. Nous pensons que des écosystèmes territoriaux d'envergure vont se développer. Un appel à projets, doté de 275 millions d'euros, a d'ailleurs été lancé par l'ADEME le 18 octobre dernier. Il va appuyer l'émergence des écosystèmes territoriaux. Nous verrons probablement, chez le plus gros consommateur du territoire, un électrolyseur surdimensionné, qui permettra de produire de l'hydrogène pour des stations de recharge satellites pour des bus, des véhicules de collectivités, des bennes à ordures, des flottes d'entreprises ou captives, éventuellement aussi pour des industriels de taille relativement modeste sur ce territoire.
À côté de cela, on verra également apparaître des productions très centralisées d'hydrogène pour alimenter les grands centres de l'industrie lourde. L'industrie lourde qui reste en France est très localisée. Une fois que vous avez compté les ports : Dunkerque, Rouen, Le Havre, Saint-Nazaire et Fos, plus quelques plaques du type Ambès, la vallée de la chimie près de Lyon ou le sud de l'Alsace, vous avez à peu près fait le tour de la question. Ces centres vont consommer des quantités considérables d'hydrogène. Si l'on veut, par exemple, décarboner la sidérurgie, il faut 700 000 tonnes d'hydrogène, ce qui nécessite plusieurs dizaines de gigawatts. Pour une raffinerie, il faut de l'ordre de 1 000 mégawatts. Ce seront donc des installations très centralisées.
Nous n'avons pas évoqué le transport et la logistique de l'hydrogène. Après une phase transitoire où de petites quantités seront transportées par camion, en espérant que ces camions soient aussi à hydrogène, on verra apparaître des canalisations, des capillaires, desservant les écosystèmes territoriaux, parallèlement à de grandes artères qui les relieront aux différents pôles de consommation. C'est un schéma semblable à ce que l'on a vécu pour le gaz naturel : dans le temps, chaque ville avait son usine à gaz et, petit à petit, on a relié les villes par un réseau.
Je vais aborder un dernier point sur la recherche. Il n'y a pas de priorité établie entre les trois axes de la stratégie annoncée le 8 septembre dernier par les deux ministres. Le troisième axe consiste à maintenir l'excellence en matière de recherche, développement et innovation en France, avec un programme de recherche qui sera géré par l'Agence nationale de la recherche (ANR), à hauteur de 65 millions d'euros. Cela paraît peu, mais les chercheurs que j'ai rencontrés paraissent très satisfaits : ils m'ont dit que cela décuplait les moyens qu'ils avaient jusque-là.
Cela rejoint l'une des remarques qui a été faite. Pour l'instant, les montants sont affichés. L'association France Hydrogène aura à coeur de suivre si les montants affichés sont effectivement dépensés dans les temps, et si les budgets publics sont bien là. Pour l'instant, nous n'avons pas de crainte.