Intervention de Cyprien Canivenc

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 14 janvier 2021 : 1ère réunion
Audition de M. Cyprien Canivenc et de Mme Emma Rouvet

Cyprien Canivenc, secrétaire général de la fédération Des territoires aux grandes écoles (DTGE) :

Je vais à présent revenir sur nos principaux constats transversaux et spécifiques aux jeunes femmes que nous accompagnons.

Nous formulons dans un premier temps trois constats transversaux. Le premier, probablement le plus commun et répandu, est celui de l'autocensure, qui consiste pour un jeune à se dire que cette filière, ce parcours, cet horizon académique ou de métier n'est pas fait pour lui. Cette autocensure existe, indépendamment de l'origine sociale ou des moyens financiers des parents. Ce phénomène est extrêmement répandu sur les territoires. Nous sommes présents dans trente-deux départements, et nous l'observons dans la centaine de lycées dans laquelle nous intervenons. Nos 1 400 adhérents s'engagent au sein de la fédération, car ils l'ont eux-mêmes vécu.

Le deuxième constat relève du manque d'informations, qui alimente d'ailleurs l'autocensure, lorsque l'entourage (famille, enseignants) ne dispose pas forcément de l'information nécessaire sur l'ensemble des filières. En dépit de la diversité d'informations disponibles sur Internet, les trajectoires possibles ou les filières académiques menant à l'emploi ne sont pas nécessairement identifiées très précisément. Les jeunes ont besoin de ces informations pour s'orienter par la suite.

Le troisième constat ou frein relève des difficultés financières. Celles-ci limitent les perspectives de choix de ces jeunes.

Compte tenu de ces trois constats, nous essayons d'intervenir sur ces trois leviers.

Abordons à présent les constats spécifiques aux jeunes femmes. Nous en avons identifié quatre principaux. Ils se recoupent bien entendu avec les constats transversaux que je viens d'évoquer. Je précise que ces constats sont étayés par notre expérience quotidienne sur les territoires. Nous vous les présentons avec une grande humilité, dans la mesure où ils n'ont peut-être pas une valeur de vérité générale. Ce sont des impressions, des sensations que nous remarquons au travers de notre travail associatif. Elles sont bien entendu appuyées par des rapports et des chiffres.

Le premier constat concerne le différentiel de confiance en soi entre les jeunes femmes et les jeunes hommes. Nos adhérents accompagnent davantage les femmes que les hommes. C'est plutôt une bonne nouvelle, surtout auprès de cette délégation ! Cela montre tout de même que les femmes expriment davantage leur besoin d'un accompagnement renforcé, justement parce qu'elles manquent parfois plus de confiance en elles que les jeunes hommes. Elles sont souvent plus hésitantes dans l'affirmation de leurs propres choix auprès de l'équipe pédagogique ou de leur entourage et dans l'identification de leur propre voie.

Elles font également preuve d'une appréhension plus marquée que les jeunes hommes face à certaines démarches logistiques ou à l'éloignement géographique. Ce mécanisme d'autocensure, qui nous semble renforcé par rapport à leurs homologues masculins, est identifié tout au long du parcours des femmes, d'abord vers l'orientation dans l'enseignement supérieur, puis dans l'entrée sur le marché du travail, mais aussi tout au long de la carrière. Un ensemble d'études a d'ailleurs montré qu'une part du différentiel de rémunération entre les femmes et les hommes pouvait s'expliquer par une certaine réticence des femmes à négocier leur rémunération. Cet ensemble de phénomènes psychologiques constitue donc autant de freins agissant tout au long de leur carrière.

Je mentionnerai deux éléments chiffrés à l'appui de ces propos.

Dans l'enseignement supérieur, les femmes sont plus nombreuses que les hommes (59 % de femmes pour 41 % d'hommes) mais 6 % de femmes seulement postulent auprès de classes préparatoires aux grandes écoles, contre 8 % d'hommes. Le salaire médian des femmes travaillant dans les territoires ruraux en 2017 s'élevait à 17 540 euros, contre 20 590 euros pour les hommes. L'écart est ici aussi très significatif.

Nous observons bien toute une trajectoire d'autocensure qui, étape par étape, conduit à une divergence de parcours professionnels.

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