Je vous remercie pour vos témoignages et pour votre analyse. Vous avez parlé du Pays Basque. En effet, le président de l'association DTGE, Bixente Etcheçaharreta, y est né. Cette région est une terre traditionnelle de « diaspora », mais depuis quelques années, nous avons pu constater un tarissement des départs des jeunes vers Paris. C'est entre autres de ce constat qu'est née l'association.
Nous évoquons ce matin deux questions différentes, mais connexes. Nous abordons dans un premier temps la moindre mobilité entre la province en général, ou les régions, et Paris, où se concentre malheureusement encore l'essentiel des grandes écoles et des voies d'excellence. Cette mobilité s'est dégradée. Nous sommes presque revenus à la situation des années 1950 ou 1960, alors même que nous avions assisté entre 1970 et 1990 à une meilleure intégration des lycéens provinciaux dans les grandes écoles. Nous assistons au contraire à un « syndrome de la montagne Sainte-Geneviève », qui s'est renforcé depuis les années 2000. Nous devons le combattre ! Votre association y contribue.
S'ajoute à ce sujet la question des stéréotypes de genre, qui reste pour moi une énigme. L'Éducation nationale, au sein de laquelle j'ai travaillé notamment en tant qu'inspecteur général, a plutôt amélioré la situation. La proportion de filles au sein des terminales S, telles qu'elles existaient il y a encore deux ans, témoignait d'un relatif équilibre entre filles et garçons, même si le nombre de filles était plus élevé en terminale littéraire. Or dans la poursuite des études, en particulier dans les classes préparatoires et vers les grandes écoles, des stéréotypes de genre assez surprenants sont à l'oeuvre au sein des filières scientifiques. L'effort pour casser ces stéréotypes semble s'être arrêté après la terminale.
Nous identifions ensuite la question de la ruralité au sens très large, qui concerne aussi les petites villes voire les villes moyennes, mais également certaines villes plus importantes en région.
Je vous félicite pour le travail que vous réalisez, je suis heureux que l'association Du Pays Basque aux grandes écoles soit devenue Des territoires aux grandes écoles, et que ce projet se soit ainsi élargi au niveau national. Je pense que certaines questions sont liées à la formation des professeurs qui restent eux-mêmes marqués par leur propre parcours et leur propre représentation de ce qu'est l'enseignement supérieur. Un travail doit également être mené sur l'orientation et une contribution plus forte des collectivités locales, qui connaissent bien l'emploi, les besoins des entreprises et l'économie, à l'orientation des jeunes.
Concernant la ruralité, la taille des lycées est elle aussi un facteur très important. La faiblesse en nombre des équipes pédagogiques constitue un frein particulier au sein de ces territoires où les stéréotypes et représentations sont plus forts dans les petits lycées. Si nous pouvons nous féliciter de la multiplication des lycées depuis les années 1990 dans notre pays - pour rappel, le modèle napoléonien comptait un lycée par département - il n'empêche que les équipes pédagogiques sont peu nombreuses. La perpétuation des représentations y est de ce fait plus forte. Pour cette raison, il me semble primordial de fixer dans les futures conclusions de notre rapport une priorité au renforcement des politiques académiques d'orientation et d'accès aux classes préparatoires et aux grandes écoles. Si ce sujet ne devient pas une priorité, nous n'y arriverons pas. Dans les lycées de petite taille en zone rurale, nous verrons obligatoirement se perpétuer le syndrome de la montagne Sainte-Geneviève : « tout cela, ce n'est pas fait pour toi ».