Intervention de Emma Rouvet

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 14 janvier 2021 : 1ère réunion
Audition de M. Cyprien Canivenc et de Mme Emma Rouvet

Emma Rouvet, co-présidente de l'association De l'Allier aux grandes écoles (DAGE) :

Nous travaillons généralement à partir de la classe de seconde, et au lycée où se joue vraiment l'orientation supérieure. Il nous est toutefois arrivé d'intervenir dans des collèges. Nous avons par exemple été sollicités à plusieurs reprises dans l'Allier l'année dernière. Lorsque les collèges font la démarche de venir vers nous, nous nous y rendons, même s'il ne s'agit pas de notre cible d'action principale.

Vous m'interrogiez sur mon parcours et sur les raisons pour lesquelles je crois que notre modèle peut lever l'autocensure. J'ai fréquenté un lycée à côté de Vichy, à Cusset, une petite ville de l'Allier. À l'époque, un seul de mes camarades avait fait Sciences Po, celui qui est intervenu dans mon lycée. La plupart de mes professeurs n'étaient que peu renseignés sur les voies d'accès à cette école. Ils essayaient de m'aider mais ils ne connaissaient pas les spécificités du concours, n'étant eux-mêmes pas passés par là. Le fait de discuter avec un étudiant originaire de mon lycée, âgé de deux ans seulement de plus que moi, que j'avais pu croiser dans la cour de récréation et qui avait connu les mêmes professeurs que moi m'a permis de me sentir en confiance immédiatement. Surtout, je me revois dans ma posture de lycéenne, intimidée à l'idée de poser des questions à un professeur devant toute la classe ; le regard des autres camarades n'est pas toujours évident à assumer. En revanche, rencontrer un étudiant d'à peu près du même âge permet d'instaurer plus facilement une relation de confiance. Je suis allée le rencontrer après son intervention. C'est ce qui m'a tout de suite plu et rassuré. Il a trouvé les mots justes et adaptés aux difficultés que je rencontrais au sein de mon lycée ; je n'aurais pas pu avoir cette relation avec un professeur. Bien souvent, le frein principal pour tous les jeunes, mais surtout pour les filles, résulte d'un manque de confiance. L'insuffler un tout petit peu permet de lever bien d'autres obstacles. C'est ainsi que j'ai pu oser me présenter à Sciences Po. J'y pensais déjà, mais le fait d'être face à un étudiant ayant franchi le pas deux ans plus tôt m'a vraiment rassurée et donné confiance.

Concernant mon engagement dans l'association, il est venu assez naturellement. Je le dis souvent, et nous en plaisantons dans l'association, mais c'est avant tout une aventure humaine pour moi. Des liens d'amitié s'instaurent entre les tuteurs et celles et ceux qu'ils accompagnent. C'est la force de notre modèle. Nous sommes dans un climat de confiance, très informel, qui donne envie d'aider les autres à son tour dès qu'on arrive dans le supérieur. Cela a été mon cas. Dès mon admission, il m'a paru évident d'avoir un filleul ou une filleule et de l'aider de mon mieux. Je me suis d'abord investie dans l'association locale, dans l'Allier, avant d'intégrer le niveau national. Pour ma part, il a été important de constater que des personnes plus âgées que moi croyaient en moi et me donnaient des responsabilités. J'ai seulement vingt ans, et je suis là, au Sénat, en train de vous présenter tout cela : c'est assez incroyable pour moi ! Le fait que des personnes nous fassent confiance de la sorte constitue selon moi le levier principal permettant de lever le frein de l'autocensure. C'est vrai pour les jeunes filles comme pour les garçons.

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