Intervention de Daniel Salmon

Réunion du 2 février 2021 à 14h30
Bioéthique — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Daniel SalmonDaniel Salmon :

Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi relatif à la bioéthique est l’aboutissement de nombreux mois de travaux et de débats, entamés en janvier 2018.

Nous arrivons donc au bout d’un long chemin, mais les enjeux sont de taille. Il s’agit d’actualiser notre droit en l’adaptant aux progrès scientifiques et à l’évolution toujours très rapide des techniques, ainsi qu’aux attentes et aux transformations de notre société, dans le respect de nos principes éthiques.

Au sein du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, dans ces débats parfois vifs et passionnés, qui soulèvent des enjeux complexes, empreints de vécu et de points de vue dépassant les clivages habituels, nous nous sommes donné comme boussole de toujours placer l’humain et l’intérêt supérieur de l’enfant au cœur de nos réflexions, en nous appuyant sur des principes de justice, d’équité et de solidarité.

C’est avec responsabilité et humilité que nous abordons la deuxième lecture de ce texte, à commencer par l’extension du droit à l’AMP.

Je salue le courage et la détermination dont ont fait preuve celles et ceux qui, par leurs luttes, ont permis d’aboutir à l’examen de cette mesure aujourd’hui.

Ne nous laissons pas entraîner dans de faux débats. L’AMP ouverte à toutes les femmes, c’est l’absence de hiérarchie entre les modèles familiaux et le droit des femmes à disposer librement de leur corps. Comme l’a indiqué Bernard Jomier avant moi, cette mesure aurait même mérité un projet de loi à part entière, les enjeux et les attentes étant majeurs – vous en conviendrez.

Par souci d’une égalité effective entre toutes les femmes, nous proposerons évidemment de rétablir la prise en charge intégrale par l’assurance maladie, sans aucune différence de traitement au regard de leur projet parental, de leur statut matrimonial, de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre.

Toujours au titre de l’article 1er, nous souhaitons laisser la possibilité aux femmes qui déplorent la perte de leur conjoint lors d’un parcours d’AMP de ne pas subir l’extinction automatique de leur projet parental. Il serait bien préférable qu’elles puissent le poursuivre dans un délai limité : il s’agit de garantir la cohérence d’ensemble de la réforme – c’est d’ailleurs ce que recommande le Conseil d’État.

Concernant l’accès aux origines, l’intérêt supérieur de l’enfant est bien d’avoir le droit de connaître ses origines, pour des raisons tant psychologiques que médicales.

Ainsi, je suis plutôt convaincu par le dispositif du Gouvernement ouvrant l’accès aux origines à tous les enfants conçus avec tiers donneur. De plus, c’est au moment du don que le donneur consentirait à l’accès à ses données non identifiantes et à son identité : cette disposition permet de placer tous les enfants issus de dons sur un pied d’égalité.

Pour ce qui est des modes de filiation, la reconnaissance conjointe anticipée (RCA), adoptée par l’Assemblée nationale, nous paraît encore inachevée et, donc, perfectible : elle maintient une discrimination en matière d’établissement de la filiation.

La solution la plus à même de garantir l’égalité entre les couples est d’étendre aux couples de femmes le régime de droit commun prévu pour les couples hétérosexuels. Qu’un enfant naisse de PMA au sein d’un couple lesbien ou d’un couple hétérosexuel, le ou la conjointe verra sa filiation établie par la présomption de parenté.

Fidèles à notre objectif de lutte contre les discriminations, nous ne pouvons bien sûr que nous opposer à l’article 4 bis, réintroduit par la commission, qui tend à stigmatiser, voire à punir les enfants conçus par GPA via des procédures judiciaires incertaines.

Nous défendrons là aussi l’intérêt supérieur des enfants : la transcription intégrale de la filiation doit être reconnue, et ce de façon effective, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, validée par la Cour européenne des droits de l’homme. À cet égard, le droit actuel n’a pas à être modifié.

Enfin, en matière de recherche, d’autres sujets d’importance, parfois peu consensuels, requièrent eux aussi un encadrement juridique.

Ce qui est techniquement possible est-il toujours humainement souhaitable ? Cette question nous a bien sûr accompagnés tout au long de nos travaux.

L’utilisation des outils de modification ciblée du génome en recherche fondamentale, ou dédiés aux cellules souches embryonnaires, ne doit pas être prise à la légère.

L’Assemblée nationale a introduit à l’article 17 des exceptions au principe extrêmement clair posé à l’article L. 2151-2 du code de la santé publique, à savoir que « la création d’embryons transgéniques ou chimériques est interdite ». Un tel article mériterait à lui seul un débat philosophique et politique d’ampleur. Sur ce point, la position adoptée en commission me paraît apporter les garde-fous nécessaires pour éviter toute dérive.

Mes chers collègues, les sujets que nous allons traiter sont nombreux. C’est notamment à l’aide de la boussole du droit commun que les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires essaieront d’aborder les sujets portant l’ouverture de droits nouveaux.

Lors du vote final, chacun se prononcera en conscience. Malgré tout, notre choix dépendra largement du maintien de l’AMP pour toutes les femmes et des principes d’équité et de justice, qui doivent prévaloir sur tous ces sujets !

1 commentaire :

Le 13/02/2021 à 17:01, conservateur5 a dit :

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"L’AMP ouverte à toutes les femmes, c’est l’absence de hiérarchie entre les modèles familiaux" Si, car il reste impossible pour 2 hommes d'avoir un enfant. C'est une discrimination fondée sur le sexe et ça va engendrer, dans l'élan progressiste, la légalisation de la GPA.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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