Cet amendement vise à rétablir la rédaction issue de la deuxième lecture du projet de loi à l’Assemblée nationale, tout en procédant à quelques aménagements tendant à respecter l’esprit du projet initial à trois égards. Je reviendrai sur certains éléments apportés par Mme la rapporteure, avec lesquels nous sommes en désaccord.
Tout d’abord, cet amendement vise à supprimer l’accès des bénéficiaires d’AMP aux données non identifiantes du tiers donneur. En effet, certains bénéficiaires d’AMP devenus parents souhaitent accéder à ces données, notamment pour informer l’enfant qu’il est issu d’un don. Tout échange d’informations entre donneurs et bénéficiaires du don créerait, selon nous, une brèche dans le respect du principe de l’anonymat du don, dont vous savez qu’il est fondamental en bioéthique.
En outre, nous devons tenir compte de certains cas de figure : il peut exister des familles dont la situation est complexe et conflictuelle.
Certains enfants peuvent se trouver dans une position de vulnérabilité : il est nécessaire de garantir leur protection, en ne confiant pas aux parents un droit propre à l’enfant et qui doit lui rester attaché.
Ensuite, notre amendement vise à supprimer la possibilité de recontacter d’anciens donneurs par la commission ad hoc. En effet, les personnes ayant procédé à un don jusqu’à ce jour l’ont fait avec l’assurance, donnée à l’époque, que leur anonymat serait préservé.
Le projet de loi permet aux enfants conçus par AMP avec tiers donneur d’accéder, à leur majorité, aux données non identifiantes ainsi qu’à l’identité du tiers donneur. Cependant, cette mesure ne saurait être rétroactive : c’est une question de confiance et de stabilité de la règle juridique. Toutefois, le texte modifié permettra aux anciens donneurs de se manifester spontanément, s’ils le souhaitent, auprès de la commission ad hoc, afin de consentir à la communication de leurs données et de leur identité aux enfants issus de leur don. C’est la solution qui nous paraît la moins intrusive et la plus respectueuse de la vie privée de chacun, ainsi que de la parole donnée au moment du vote de la loi. Cet équilibre permet de ne pas porter atteinte au lien de confiance établi entre les donneurs et les médecins à l’époque.
À propos de cette commission ad hoc, il y a désaccord entre le Gouvernement et, peut-être le Sénat, en tout cas la commission spéciale.
Le projet de loi initial prévoit une commission attachée à l’Agence de la biomédecine. Nous n’entendons pas confier cette responsabilité au Cnaop : d’abord, parce que l’identité des enfants nés sous le secret et les origines des enfants nés d’un don sont deux questions bien différentes, correspondant à deux histoires différentes ; ensuite, parce que je ne suis pas certain que cette instance souhaite endosser cette responsabilité nouvelle, au moment où elle est confrontée aux premiers enfants nés sous le secret sous le régime de la loi de 2002, qui, arrivés à la majorité, demandent accès à leur dossier. Avez-vous interrogé le Cnaop à cet égard ? Pour avoir des contacts avec ses responsables, je ne suis pas convaincu qu’ils considèrent cette solution comme la meilleure.
En outre, il est nécessaire de compléter le dispositif pour nous assurer de l’efficacité du travail de la commission créée par ces dispositions. C’est pourquoi nous proposons la création d’un traitement de données en ce qui concerne les demandes d’accès formulées par les enfants issus de dons et les réponses apportées à ces demandes, ainsi que la manifestation des anciens donneurs.
Enfin, l’amendement vise à remédier à une incohérence de dates dans les dispositions d’entrée en vigueur, pour les rendre applicables.
Si cet amendement n’était pas adopté, nous serions favorables à celui de Mme Guillotin. En effet, il peut être délétère de laisser penser à un enfant pendant dix-huit ans qu’il pourra avoir accès à ses origines, pour qu’il voie finalement la porte se refermer, parce qu’on a redemandé l’avis du donneur.
L’autorisation de communiquer son identité doit être donnée au moment du don, une fois pour toutes. À défaut, vous risqueriez de créer, comme il a été fort bien expliqué, une inégalité entre les enfants, certains pouvant accéder à leurs origines, d’autres non. Par ailleurs, vous risqueriez de susciter chez certains enfants un espoir finalement déçu à l’âge de 18 ans, ce qui peut être extrêmement dommageable sur le plan de la construction de l’identité.
Voilà pourquoi nous nous opposons au principe de double consentement du donneur pour l’accès aux origines. Je le répète, le consentement doit être donné une fois pour toutes, au moment du don. C’est la promesse, simple, que nous devons faire aux enfants.