Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous le disons depuis des semaines maintenant : le moment est historique.
Une nouvelle étape est en passe d’être franchie dans le projet d’intégration européenne. Cela ne s’est pas fait sans peine, comme tout grand bouleversement européen. Mais ce bouleversement est aussi l’aboutissement d’un processus engagé depuis plusieurs années, car ni la dette commune ni les pistes de ressources propres ne sont nouvelles dans le paysage européen.
Une fois de plus, à la faveur d’une crise sans pareille, véritable catalyseur de la décision, l’Union s’est dotée d’un instrument autour duquel elle tournait, avec plus ou moins de bienveillance, depuis plusieurs années.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires, résolument européen, votera à l’unanimité en faveur de ce projet de loi. Malgré notre optimisme de principe, notre euroréalisme nous rattrape. Nous sommes conscients des interrogations légitimes que suscite la décision européenne que nous approuvons par ce projet de loi.
Avant de les évoquer, je reviendrai sur trois points du texte européen, à nos yeux essentiels. Le premier concerne bien évidemment les rabais : au moment de les entériner pour une nouvelle période de six ans – pour la dernière fois, je l’espère –, je tiens à souligner qu’ils constituent un échec renouvelé.
Le deuxième concerne l’article 5, cœur de la décision, qui habilite la Commission européenne à emprunter le montant du plan de relance au nom de l’Union. Cet article prévoit aussi la stratégie de gestion de la dette. Monsieur le secrétaire d’État, le Conseil sera régulièrement informé ; le Parlement national devra l’être aussi.
Le troisième renvoie à l’article 9 prévoyant la mise à disposition de ressources par les États membres en dernier recours. C’est notre principale interrogation sur la création des ressources propres. Certaines sont à l’étude depuis des années, d’autres nous demandent une réflexion dans l’urgence. L’unanimité sera en tout cas exigée. Comment ne pas entrevoir les futures tensions et les possibles blocages dans l’adoption de ces ressources propres, à l’image des menaces inadmissibles de veto que nous avons récemment subies de la part de la Pologne et de la Hongrie ?
Cette fois, le volet économique et financier doit s’accompagner d’un volet politique. Il y va de l’idée de l’Europe, du soutien de nos peuples et de notre avenir commun. Il nous faudra assumer collectivement cette décision, qui est politique avant d’être économique. La dette est devenue une réalité à laquelle nous ne pouvons plus échapper. Il nous appartient désormais de décider qui remboursera, et comment.
En choisissant de doter l’Union de ressources propres, nous faisons le choix de la solidarité. Ce choix nous honore, mais nous devons l’assumer comme tel. Pour la France, c’est accepter le fait que nos concitoyens contribueront financièrement davantage au projet européen dans le futur, mais aussi plus que les autres citoyens européens. C’est une lourde responsabilité, que nous assumons.
En Europe comme en France, l’argent magique n’existe pas. Il n’y a pas de dépense publique qui ne suppose une recette supplémentaire. Nous devons être clairs sur ce point, car nous avons un devoir de sincérité à l’égard de nos concitoyens.
Les pistes retenues pour la création de ressources propres nous semblent les meilleures, notamment la juste taxation des géants du numérique et celle des externalités négatives en matière environnementale. Trop d’acteurs ne paient pas encore leur juste part d’impôt. À l’heure où les dépenses publiques explosent pour faire face à la crise, une telle situation d’injustice fiscale est inacceptable.
Tout doit être fait, en cette période de crise économique, pour éviter de nouveaux impôts aux Européens. C’est pourquoi il nous faut voter cette décision, de même qu’il nous faut poursuivre nos efforts de réduction des dépenses publiques afin de renforcer notre souveraineté économique nationale.
Malgré ces points de vigilance, je suis convaincue que cet accord est une bouffée d’air pour l’Europe et pour l’avenir de ses citoyens, mais il nous rappelle que nous avons contracté une dette, en plus de celle qui apparaît déjà dans nos comptes, dette qui obère nos marges de manœuvre budgétaires.
Cet accord nous met face à nos responsabilités françaises et européennes : nous devons recréer de la croissance et nous désendetter pour recouvrer notre souveraineté économique. Il nous engage sur un chemin politique pour les soixante prochaines années : 2021 vient à peine de commencer que nous devons avoir 2022 en ligne de mire, et ce pour plusieurs raisons : la Conférence sur l’avenir de l’Europe n’a jamais paru aussi importante ; la France prendra la présidence du Conseil qui devra aboutir sur la première délibération au sujet des ressources propres ; enfin, nous commencerons à évaluer les premiers effets du déploiement du plan de relance européen.
Rien n’est impossible aux Européens. Comme toute étape décisive, cet accord soulève autant de doutes que d’espoirs. Mais aujourd’hui plus que jamais, nous devons faire le choix de l’Europe pour sauver l’avenir de la France.