Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre Haute Assemblée doit aujourd’hui décider, à l’instar de la quarantaine d’assemblées des vingt-sept États membres, d’autoriser ou non l’approbation de la décision, qui correspond à un traité signé par tous les États, de s’endetter en commun pour financer le plan de relance.
Il faut pour cela modifier la décision sur les ressources propres, laquelle ne permettait pas d’emprunter et définissait des plafonds qui, en l’état, rendraient impossible le plan de relance. Il faut aussi prévoir l’introduction de nouvelles ressources propres.
Face aux enjeux de la période – nécessité d’agir à la hauteur du péril climatique, d’éviter l’effondrement résultant de la pandémie –, cet engagement européen solidaire dégage notre horizon.
Les élus écologistes au Parlement européen ont donc voté pour. Aujourd’hui, le groupe écologiste du Sénat entend, par son vote, prendre lui aussi ses responsabilités et peser sur cette dynamique. Notre vote n’est pas une bénédiction dévote, une sorte de sautillement de cabri crédule. Il répond au contraire à l’exigence très pragmatique de consolider et d’amplifier la dynamique européenne. La décision dont nous autorisons aujourd’hui l’approbation peut en être une première étape, pour peu que d’autres batailles, d’autres étapes déterminantes, soient réussies.
Ce qui est d’ores et déjà déterminant, c’est que la clé de répartition des dépenses de la relance entre les États membres a été établie en fonction des besoins, alors que la clé de remboursement des emprunts sera de facto fondée sur les capacités.
Le pas d’aujourd’hui est donc important. C’est une avancée nette de la solidarité et, disons le mot, du fédéralisme budgétaire. Pour autant, le chemin n’est pas fait : il nécessitera de mener des combats démocratiques, de faire des choix pas évidents au cours des étapes délicates qui sont encore devant nous.
Le texte soumis à notre approbation ne porte pas précisément sur le contenu du plan de relance, sur les fléchages et les conditions de ses financements. Ce n’est pas pour autant que nous renoncerons à notre exigence sur ces enjeux majeurs.
Nous disons d’abord qu’il faudrait plus d’ambition : compte tenu de l’ampleur et de la durée de la crise, un plan plus volumineux serait nécessaire. La nouvelle administration américaine déploie, pour sa part, une action d’un autre calibre.
Nous disons aussi qu’il serait inacceptable que l’effet levier des financements européens soit immédiatement annulé par le retour d’une rigueur budgétaire tout à fait nuisible à l’investissement public.
Certes, les circonstances de crise ont conduit à suspendre quelque peu les règles budgétaires du semestre européen. La logique de mise en œuvre de réformes structurelles en contrepartie du déploiement de ce plan de relance s’est un peu affaiblie.
Pour autant, ce combat n’est pas gagné. Les écologistes œuvreront au remplacement de ces règles paralysantes par des objectifs particulièrement liés à la transition écologique et à la lutte pour le climat et la biodiversité.
Enfin, il serait intolérable que l’emballage clinquant des grandes ambitions sur les fameuses nouvelles ressources propres se réduise au total au modeste recalcul sur les emballages plastiques et à quelques trop petits pas d’ici à 2026. On sait l’enjeu du déploiement de ces ressources.
Depuis des décennies, du fait des accords de libre-échange, la part des ressources douanières a été drastiquement diminuée, faisant des États les principaux financeurs, les ergoteurs incessants, ce qui a conduit à un amoindrissement de fait de la capacité d’action européenne et à la perpétuation de ces détestables logiques de rabais et autres chantages.
Si nos pays arrivent à instaurer ces nouveaux impôts européens, avec des assiettes et des taux pertinents, c’est autant qu’ils n’auront pas à débourser pour la relance. Quant aux politiques ordinaires de l’Union, elles ne seront ainsi pas rabotées. Il s’agit de faire un peu contribuer ceux qui, comme les géants du numérique, tirent le plus profit du marché européen. Il s’agit aussi, avec l’ajustement carbone aux frontières, d’activer des leviers pour changer la donne au-delà des frontières de l’Union.
Nous avons bien compris comment certains entendent renvoyer aux calendes…