Intervention de Ludovic Haye

Réunion du 4 février 2021 à 10h30
Système des ressources propres de l'union européenne — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Ludovic HayeLudovic Haye :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne vous cache pas ma satisfaction de pouvoir m’exprimer, au nom de mon groupe, sur l’approbation de cette décision relative au système des ressources propres de l’Union européenne pour les sept années budgétaires à venir.

Cette phase devant les parlements nationaux constitue l’aboutissement d’âpres négociations budgétaires sur le cadre financier pluriannuel 2021-2027. Trouver une issue positive en temps de crise à ce qui n’a pu aboutir en temps normal a été un véritable défi pour la solidité de notre projet européen et pour notre solidarité européenne.

Disons-le, mes chers collègues, le défi a été relevé avec brio. Le budget de l’Union européenne pour 2021-2027 augmente de 12 % par rapport à la précédente période financière, en dépit du départ du Royaume-Uni. Il est de notre intérêt à tous d’œuvrer en faveur de la mise en place de nouvelles ressources propres.

C’est donc sur une décision relative aux ressources propres inédite en tous points que nous nous prononcerons dans quelques minutes.

Premièrement, ce texte est la transcription juridique de l’accord politique trouvé en juillet dernier entre les vingt-sept États membres. Il autorise la Commission européenne à emprunter directement sur les marchés pour financer un plan de relance européen massif de 750 milliards d’euros. Plus que son montant, c’est ce que nous allons faire de cette somme qui importe.

C’est historique : les Vingt-Sept contractent pour la première fois un emprunt en commun. Le montant que l’Europe consacre à la relance est lui aussi historique. La réponse est sans commune mesure avec celle qui avait été apportée à la crise de 2008. Elle permettra ainsi une relance concertée, comme vous l’avez souligné, monsieur le secrétaire d’État, de l’ensemble du marché européen.

Vous l’avez rappelé en commission, monsieur le rapporteur général : personne n’aurait pu l’imaginer il y a quelques mois, mais la réponse économique commune de l’Union européenne sera désormais comparable à celle des États-Unis, grâce aux efforts de l’Union et des États membres.

Disons-le concrètement et sans détour, si cette décision n’est pas approuvée, l’Europe ne pourra pas participer au financement des vingt-sept plans de relance, dont celui de la France à hauteur d’environ 40 %, et notre marché unique ne bénéficiera pas des effets macroéconomiques liés à la relance européenne. Demain, il sera assurément trop tard.

Or, nous l’avons vu, dans ces moments difficiles que nous traversons, l’Europe a été non pas une contrainte, mais une force de négociation. La solidarité européenne est notre meilleure chance pour faire face à cette crise sanitaire qui ne connaît aucune frontière.

Si, comme le disait Jean Monnet, « L’Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises », alors l’Europe vient de faire un grand pas.

Deuxièmement, cet accord marque un tournant pour l’Europe, en la dotant d’une nouvelle ressource propre – la contribution sur le recyclage des déchets plastiques – et en gravant dans le marbre la feuille de route qui oblige la Commission à en proposer de nouvelles.

La victoire ne pourra être obtenue qu’au prix de la mobilisation de chacun et avec le soutien de l’ensemble des États membres. Il est dans notre intérêt à tous d’œuvrer en faveur de la mise en place des nouvelles ressources, car elles permettront de rembourser à terme cet effort inédit de l’Europe sans peser sur les budgets nationaux. Pour cela, nous pouvons compter sur la force de notre marché commun.

Cet accord nous permettra enfin d’apporter une réponse forte et homogène aux questions qui occupent depuis trop longtemps nos esprits et nos débats à l’échelle nationale. Parmi ces serpents de mer, je citerai notamment la taxe carbone européenne aux frontières et une ressource issue du système d’échange révisé de quotas d’émissions, qui viendront en soutien de notre politique de transition écologique et climatique.

Je pense aussi à une taxe sur les services numériques et à une harmonisation de l’impôt sur les sociétés pour lutter contre le dumping fiscal et rétablir une forme de justice fiscale.

Je pense enfin à une taxe sur les transactions financières, la fameuse « TTF », sujet bien plus complexe qu’il n’y paraît et sur lequel il faut faire preuve de discernement selon la nature des ordres visés. Cette taxe, qui existe déjà dans différents pays, mérite un travail approfondi d’harmonisation afin de ne pas pénaliser les transactions elles-mêmes.

Et parce que ces différents prélèvements serviront à la relance, à renforcer nos secteurs stratégiques, à consolider notre marché, à mettre en œuvre la transition numérique et le verdissement de nos économies, nous n’aurons plus l’excuse du manque de financement. Nous sommes quelque part condamnés à réussir, mais encore faut-il en avoir la volonté commune, car il y va de notre avenir à tous. Tout l’enjeu se situe désormais dans la mise en œuvre de cet objectif. Les difficultés ne manquent pas, je vous l’accorde.

En ce qui concerne la ressource issue du système européen d’échange de quotas d’émission de carbone, le niveau de sa recette dépendra du niveau de mutualisation des recettes aujourd’hui perçues par les États membres à l’échelon national.

Quant à la taxe sur le secteur numérique, son rendement dépendra de ses modalités d’application et de l’assiette retenue. Rappelons que la Commission européenne avait estimé, en 2018, qu’une taxe sur les services numériques, dans une forme analogue à celle qui a été mise en œuvre en France, pourrait générer entre 1, 6 et 7, 8 milliards d’euros de recettes annuelles, selon le taux envisagé.

L’Europe a montré sa capacité à résister, à fédérer, à protéger et à dépasser certains de ses dogmes. Pour que ce plan de relance devienne réalité, nous devons approuver la décision relative au système de ressources propres de l’Union européenne. Il est nécessaire que les fonds accordés à la France dans le cadre de son plan de relance soient rapidement engagés et déployés sur le terrain.

Ce plan se traduit concrètement et efficacement dans tous nos territoires, en lien étroit avec les acteurs économiques, les préfets et les élus locaux. Il ne s’agirait pas de nous couper dans notre élan.

Ce plan inédit va améliorer concrètement la vie des Françaises et des Français, dans tous les territoires. Il va aider nos artisans, nos commerçants, nos chefs d’entreprise.

Il permet également de coordonner l’accélération des transitions écologique et numérique, d’engager un grand plan de rénovation thermique des bâtiments, d’accompagner la création d’emplois et d’ouvrir de nouvelles formations.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, notre vote aujourd’hui est plus qu’une décision économique et financière : il a valeur d’assentiment sur ce que nous voulons vraiment faire de l’Europe. À l’heure où le repli sur soi peut apparaître à certains comme une solution, il n’est point nécessaire de pousser l’analyse pour comprendre que l’Union européenne doit constituer une unité politique.

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