Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 4 février 2021 à 10h30
Système des ressources propres de l'union européenne — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, on a fait assaut de communication sur cet accord, dont on fait grand cas et que d’aucuns présentent à l’envi comme historique, mais il importe, selon nous, d’analyser le présent texte à l’aune de son contenu.

Las, les faits sont têtus, implacables et parfois même inquiétants : nos concitoyens financeront 8 milliards d’euros par an supplémentaires sur la période 2021-2027. Autrement dit, les contribuables s’apprêtent à devoir supporter la lourde charge de financer le Brexit, le plan de relance européen et les effets de la crise sanitaire.

D’abord, les citoyens paieront parce que la seule ressource propre inscrite dans cet accord est la taxe sur les déchets d’emballage plastiques non recyclés, soit une taxe symbolique qui ne rapportera, au mieux, que 14 milliards d’euros. Le faible produit engendré par ce dispositif est dû à ce que le jargon technocratique bruxellois appelle « un mécanisme de correction ». C’est pour cette raison simple, bien loin des enjeux écologiques, que l’Italie, par exemple, échappera à 184 millions d’euros.

Dans le même temps, la France sera le deuxième plus important contributeur de cette taxe, à hauteur de 1, 2 milliard d’euros, car nous sommes toujours à la traîne en matière de recyclage. Bien loin d’être pérenne, cette taxe a donc vocation à disparaître lorsque les États membres auront mené les réformes nécessaires. Il est difficile de penser l’avenir avec des ressources éphémères, et ce d’autant qu’il s’agit de la seule mesure arrêtée de la directive.

Ensuite, les citoyens paieront parce que vous refusez manifestement et de manière récurrente de taxer et les dividendes et les gros patrimoines, qui enflent d’année en année. Dans les considérants de l’accord, figurent toutes les ressources que vous peinez à concrétiser, dont la taxe sur les géants du numérique, la mise en place d’une assiette commune et consolidée d’imposition sur les sociétés et la taxe sur les transactions financières.

Aucun accord n’a été trouvé en dix ans sur ces mesures que notre groupe propose à l’occasion de chaque débat budgétaire depuis vingt ans. Ces projets sont encore une fois repoussés aux calendes grecques : rien avant 2025, et encore… Nous allons donc joyeusement nous priver d’au moins 60 milliards d’euros pour la seule TTF, soit plus que le surcoût inscrit pour notre pays dans le prochain cadre financier pluriannuel.

Avec ces recettes nouvelles, à budget constant, aucune contribution supplémentaire ne serait requise pour la France. Faire payer les Français relève donc d’un choix délibéré.

Par ailleurs, la France financera à elle seule 34 % de ce qu’on appelle les rabais – voire les rabais sur les rabais –, octroyés aux pays frugaux, en bonne santé économique. L’Allemagne, tout comme le Danemark, les Pays-Bas, l’Autriche et la Suède bénéficieront de ces « corrections forfaitaires ». Angela Merkel reviendra devant son peuple avec une réduction de 3, 6 milliards d’euros de rabais, dont la France s’acquittera à hauteur de 1, 2 milliard d’euros. Autrement dit, même si le Gouvernement fait mine de s’opposer à ces rabais, non seulement ils existent toujours, mais ils augmentent à chaque occasion.

Enfin, les citoyens paieront parce que l’Union européenne se prive, d’année en année, de ressources traditionnelles. Les droits de douane constituent pourtant 15 % des recettes totales de l’Union européenne. On a longtemps cherché dans cet accord mention de ces « ressources propres » sur lesquelles s’est fondé le projet européen. Mes chers collègues, on n’en trouve nulle trace…

La crise sanitaire et les déboires avec Donald Trump auraient dû nous rappeler que les droits de douane sur les importations des pays tiers constituaient une condition sine qua non de l’exercice de la souveraineté de la zone et de ses membres. Les finances de l’Union sont sacrifiées sur l’autel du libre-échange. Dernier exemple en date : en août 2020, la suppression totale, d’ici à dix ans, des droits de douane avec le Vietnam a été actée. Pour accroître les ressources, il ne faut pas commencer par se priver des recettes normalement dues.

« N’en croyez rien ! Non, les Français ne paieront rien pour rembourser le plan de relance européen », disait le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale. Ce contexte inédit constitue selon nous une magnifique occasion d’engager un débat de fond avec tous les peuples européens, confrontés à la même crise, sur le rôle nouveau que devrait jouer la Banque centrale européenne. Elle ne devrait non plus être au service exclusif des marchés financiers, mais au service des peuples européens. Surtout, elle devrait nous permettre de relever les grands défis qui sont devant nous, notamment la dette, les inégalités et la transition écologique.

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