Intervention de Jean-Marie Mizzon

Réunion du 4 février 2021 à 10h30
Système des ressources propres de l'union européenne — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Marie MizzonJean-Marie Mizzon :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour absorber le choc d’un confinement prolongé, les États et les banques centrales ont pris des décisions historiques en ouvrant largement les vannes du déficit budgétaire et de la création monétaire.

Ainsi, la Banque centrale européenne a lancé un programme d’achat de titres privés et publics pour 750 milliards d’euros. Parallèlement, les contraintes prudentielles pesant sur les banques et les assurances ont été allégées afin de les inciter à financer l’économie.

L’Union européenne a certes fait preuve de plus de retenue, mais n’oublions pas que son budget est infinitésimal et que ses compétences sont très restreintes, particulièrement en matière de santé.

Surtout, il est significatif que la négociation sur le cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027 ait été chamboulée par les conséquences économiques de la propagation de la pandémie de covid-19. Le compromis historique trouvé en juillet dernier sur la création d’un fonds de relance européen en est la preuve. L’Union européenne ne doit pas craindre les crises, qui toujours ravivent son esprit et renforcent sa construction.

Baptisé en bon français « Investir pour la prochaine génération », le plan de relance européen sur lequel se sont mis d’accord les Vingt-Sept autorise ainsi la Commission à lever 750 milliards d’euros d’ici à 2026, dont 360 milliards d’euros pour octroyer des prêts et 390 milliards d’euros pour verser des aides budgétaires directes.

Il s’agit d’un emprunt strictement limité en taille et dans le temps, destiné à financer une partie des efforts de relance en Europe. C’est un tout petit pied, certes, mais un pied symboliquement important dans la porte du fédéralisme. Le groupe Union Centriste s’en réjouit.

Le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui autorise l’approbation de la décision du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système de ressources propres de l’Union européenne qui, précisément, fixe les modalités de financement du budget de l’Union européenne pour la période 2021-2027.

Je le soulignais à l’instant, nous nous réjouissons de l’avancée capitale que représente l’instrument de relance. Les financements européens vont permettre de financer une part substantielle de notre plan de relance national. Le rapporteur Jean-François Husson, sénateur comme moi d’un département frontalier de deux pays membres fondateurs de l’Union européenne, ce qui explique notre attachement particulier à la construction européenne, l’a rappelé à juste titre : l’autorisation exceptionnelle d’un emprunt commun et l’application d’une sorte de péréquation pour la répartition des aides sont deux ruptures majeures qui vont dans le sens de l’Europe que nous défendons.

Toutefois, se réjouir de l’accord trouvé dans son principe ne signifie pas être naïf ou manquer d’exigence quant à son contenu. Le remboursement du capital à la charge de la France, qui ne devrait débuter qu’en 2028, s’élèverait ainsi à 2, 5 milliards d’euros et pèserait à hauteur de 0, 1 % du PIB sur le déficit public, ce qui n’est pas négligeable compte tenu de l’explosion des comptes publics en raison des mesures de confinement.

En l’absence de nouvelles ressources propres, notre pays sera donc contributeur net alors même qu’il figure parmi les pays les plus durement affectés par la récession de l’économie en 2020. Pour l’ensemble de la période 2021-2027, la contribution totale de la France devrait ainsi s’élever à 207, 5 milliards d’euros. Autrement dit, notre pays supporterait une augmentation de 55, 8 milliards d’euros par rapport à la programmation pluriannuelle 2014-2020.

Dans le même temps, l’Allemagne, le Danemark, l’Autriche, les Pays-Bas et la Suède bénéficieront, eux, de réductions forfaitaires de leur contribution annuelle, réductions financées par l’ensemble des autres États membres, singulièrement par la France, qui supportera à elle seule 34 % de l’ensemble des rabais au titre de la période 2021-2027 alors qu’elle n’en finançait « que » – si je puis dire… – 21 % sur la période échue. Monsieur le secrétaire d’État, avouez que cela interpelle quant à la solidité et à l’équilibre du compromis trouvé !

J’en reviens à la question de la diversification des sources de financement de l’Union européenne, qui est au cœur des négociations depuis de nombreuses années.

Les sénateurs du groupe Union Centriste se félicitent de la mise en place dès 2021 d’une nouvelle ressource, fondée sur le poids des déchets d’emballages plastiques non recyclés. Elle répond à l’objectif que nous visons d’une meilleure adéquation entre la nature des ressources propres finançant le budget de l’Europe et les politiques communes que celles-ci sont amenées à financer.

L’introduction de cette nouvelle ressource a toutefois un effet limité puisqu’elle ne devrait représenter, en moyenne, que 1, 1 milliard d’euros par an pour la France, soit 4 % de la contribution totale. Surtout, il est permis de douter des effets véritablement incitatifs de cette contribution sur les politiques nationales de recyclage des déchets plastiques dans la mesure où son assiette peut être minorée des déchets recyclés en dehors de l’État membre.

Outre cette nouvelle contribution nationale calculée sur la base des déchets d’emballages plastiques non recyclés, d’autres ressources propres devront être mobilisées, comme cela a été convenu en juillet 2020.

Parmi les idées avancées figurent une taxe carbone aux frontières, une redevance sur le numérique, une ressource fondée sur le système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne avec les pays tiers, laquelle pourrait éventuellement être étendue à l’aviation et au transport maritime, une taxe sur les transactions financières, une contribution financière liée au secteur des entreprises ou encore une nouvelle assiette commune de l’impôt sur les sociétés.

Ces ressources supplémentaires seraient consacrées au remboursement anticipé de l’emprunt européen contracté dans le cadre du plan de relance. Le remboursement du principal de l’emprunt commencera dès 2028 et ne devra pas s’échelonner sur plus de trente ans. Dans la période 2021-2027, seuls les intérêts des emprunts correspondants aux subventions du plan de relance seront remboursés.

Certes, ce plan de relance est vital, mais soyons réalistes : reconnaissons que l’argent magique n’existe pas. Il faudra bien rembourser et payer l’addition, le moment venu, dans la monnaie de l’inflation, par de nouveaux impôts ou – espérons-le plutôt – grâce à un recentrage de l’État et d’une redéfinition de ses périmètres d’intervention.

En conclusion, nous reconnaissons que ce plan de relance européen est prioritaire au regard de notre conjoncture économique. Nous voterons donc en faveur de ce texte, tout en nous interrogeant sur l’ampleur de la contribution française et sur sa soutenabilité en l’absence de réformes structurelles.

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