Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en octobre 2017, Xi Jinping, dans un discours de plus de trois heures place Tiananmen, décrit une ambition : devenir la première puissance mondiale à l’horizon de 2049, date correspondant au centenaire de la République populaire.
Or, d’après la Banque mondiale, la Chine sera la première économie de la planète d’ici à 2030. Nous faisons donc face à une nouvelle tectonique des plaques : la première économie mondiale – celle des États-Unis – se voit concurrencer par une autre, à l’image de Sparte et d’Athènes, comme le décrit le professeur Graham Allison dans Vers la guerre : La Chine et l ’ Amérique dans le Piège de Thucydide ?
On le voit bien ici, l’échelle, c’est l’échelle continentale, comme le rappelle d’ailleurs régulièrement Nicolas Sarkozy lorsqu’il s’agit de l’enjeu démographique. Or l’échelle continentale nous oblige.
C’est la raison pour laquelle ce plan de relance a vocation – et c’est juste – à être un plan de relance européen. Doté de 390 milliards d’euros de subventions et de 360 milliards d’euros de possibilités de prêts, ce plan est à la bonne échelle.
Il n’est pas ici simplement question de solidarité européenne, il est aussi question de notre intérêt national. L’Italie et l’Espagne, qui sont très durement touchées – faut-il rappeler que l’Espagne a enregistré une baisse de 11 % de son PIB l’année dernière et qu’elle compte 1, 5 million de chômeurs de plus ? –, sont notre troisième et notre quatrième clients. La France est le premier fournisseur d’électricité de l’Italie. Nos banques sont extrêmement exposées en Italie. Si l’Italie s’effondre, c’est la Grèce puissance dix : l’intérêt de la France est en jeu.
Nous avons exporté en 2019 pour 37 milliards d’euros vers l’Italie et pour 38 milliards d’euros vers l’Espagne. Ces pays sont nos clients et nos fournisseurs.
Le partage de la dette est un enjeu. Nous avons fait face à la crise des subprimes en 2017, ainsi qu’à la crise économique de 2008. Rappelons d’ailleurs les chiffres. En 2008, notre PIB a chuté de 2, 3 %, contre 8, 3 % l’année dernière. L’échelle de grandeur est ici trois fois celle de 2008. Quoi qu’il en soit, à l’époque, Nicolas Sarkozy s’était battu pour défendre à la fois les intérêts européens et ceux de la France. En 2011, l’idée des euro-obligations fait surface et prend de l’ampleur.
Je dirai maintenant un mot du cadre financier pluriannuel de 1 074 milliards d’euros, auxquels viennent s’ajouter 15 milliards d’euros après négociations avec le Parlement européen. Permettez-moi de saluer la création du Fonds européen de la défense, que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a toujours soutenu. Alors qu’il devait être doté de 13 milliards d’euros dans sa version initiale, cette somme a été réduite à 7 milliards d’euros, mais c’est une avancée dont il convient de se féliciter.
Certains ont évoqué un risque de fédéralisme. À cet égard, je rappellerai deux éléments.
Premier élément : il ne faudrait pas croire que nos partenaires européens sont tous fédéralistes. Pensez au groupe de Visegrád, à savoir la Pologne, la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie. Imaginez-vous un instant que leur vision de l’Union européenne est celle d’une union fédérale ? Non ! La France n’est donc pas le seul pays à ne pas vouloir d’une Europe fédérale.
Second élément, le plan de relance pour faire face à la crise de la covid-19 et à ses conséquences économiques et sociales n’a pas une dimension pérenne. Il conviendra – cela figure dans les textes – de revenir devant les Parlements nationaux, ce qui écarte le risque de fédéralisme mentionné par certains.
Pour toutes ces raisons, je voterai pour ce texte, ainsi qu’un grand nombre de mes collègues du groupe Les Républicains, mais ce vote favorable n’exclut pas d’émettre quelques critiques.
La première d’entre elles porte sur les rabais concédés, en particulier aux États frugaux. Là encore, on s’interroge : avons-nous défendu nos intérêts jusqu’au bout de la nuit bruxelloise ? Par contraste, je pense, par exemple, à ces heures de négociations durant lesquelles Jacques Chirac n’a jamais abandonné le combat pour les agriculteurs dans les négociations bruxelloises. Je rappelle également le rôle de Nicolas Sarkozy en 2008 lors de la crise des subprimes.
De la même manière, et c’est ma deuxième critique, il conviendrait que les dispositifs permettant à l’Union européenne de disposer de ressources propres soient mis en œuvre le plus rapidement possible, notamment la taxe carbone aux frontières de l’Union européenne, qui va dans le bon sens. Nous cesserions ainsi de faire preuve de naïveté et nous pourrions mettre nos entreprises, lesquelles sont soumises à des normes environnementales plus sévères qu’ailleurs, en concurrence avec celles d’autres pays qui produisent en émettant bien plus de gaz à effet de serre. Voilà pourquoi nous sommes favorables à une mise en œuvre rapide de la taxe carbone aux frontières. Il en va de même de la taxe Gafam sur les géants du numérique.
Enfin, ma troisième critique porte sur la date du début des remboursements, fixée à 2028. Nous aurions pu commencer plus tôt.
Nous voterons donc pour ce texte, tout en émettant un certain nombre de réserves et de critiques.
Le Brexit, le fait que le Royaume-Uni quitte l’Union européenne, nous donne, à nous, Français, une responsabilité particulière, une responsabilité nouvelle sur le plan diplomatique et stratégique. En effet, dorénavant, la France est le seul pays des Vingt-Sept à disposer à la fois d’un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies et de la dissuasion nucléaire. Nous étions deux dans ce cas jusqu’alors au sein de l’Union européenne ; nous sommes à présent le seul pays des vingt-sept États membres. La France doit assumer pleinement ce statut unique dans le champ diplomatique et stratégique. Elle doit jouer tout son rôle dans cette nouvelle Union européenne post-Brexit, face aux défis que représentent les grands périls qui nous font face.
En conclusion, je citerai une fameuse phrase du général de Gaulle : « Face aux grands périls, le salut n’est que dans la grandeur. »