Intervention de Vincent Delahaye

Réunion du 4 février 2021 à 10h30
Accord fiscal avec monaco — Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Vincent DelahayeVincent Delahaye :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord avec la principauté de Monaco relatif au régime fiscal des dons et legs faits aux personnes publiques et aux organismes à but désintéressé.

Il appartient en effet à la représentation nationale d’autoriser ou non la ratification des accords internationaux. Certes, le pouvoir du Parlement dans ce domaine est limité, puisque nous ne pouvons qu’approuver ou rejeter l’accord. Néanmoins, il nous incombe d’examiner attentivement le contenu de ce texte, afin d’exposer aussi précisément que possible les conséquences de son adoption pour nos concitoyens.

Je rappelle l’existence de deux conventions fiscales relativement anciennes destinées à définir les modalités d’imposition des 10 000 Français qui résident à Monaco et des 400 Monégasques habitant en France. La principauté étant très attractive d’un point de vue fiscal, ces deux conventions se singularisent par leur objet, qui est non pas tant d’éviter les doubles impositions que de lutter contre le transfert de bénéfices à Monaco et de dissuader les contribuables français d’établir leur domicile fiscal dans la principauté afin d’échapper à l’impôt sur le revenu en France.

Ces deux textes ne couvrent cependant pas l’intégralité des questions de nature fiscale auxquelles sont confrontées la France et Monaco dans leurs relations, laissant une relative latitude aux autorités compétentes des deux États pour régler certains cas par la pratique.

L’accord que nous examinons aujourd’hui a donc vocation à combler une absence de base conventionnelle, en encadrant une pratique constante depuis 1969 en matière de dons et legs transfrontaliers.

En effet, en droit français comme en droit monégasque, certaines personnes publiques et entités sont exonérées du paiement des droits de mutation à titre gratuit, à savoir les droits d’enregistrement et la taxe de publicité foncière.

Néanmoins, même si deux États exonèrent dans leur droit interne des entités similaires, cet avantage est en principe limité aux organismes implantés sur le territoire national, sauf si une convention fiscale assure un régime de réciprocité en la matière.

Or, en dépit de toute base conventionnelle, la France et Monaco exonèrent mutuellement de droits de mutation à titre gratuit les dons et legs consentis à des personnes publiques ou des organismes non lucratifs situés dans l’autre État.

Ces exonérations sont accordées sur la base de décisions ponctuelles, si tant est que les entités bénéficiaires remplissent les conditions d’éligibilité dans le droit interne de l’autre État.

S’il s’agit d’une pratique constante depuis 1969, elle ne concerne qu’un nombre restreint de cas : depuis 2010, six organismes français ont bénéficié d’une exonération de droits monégasques, tandis qu’une seule demande d’exonération a été formulée auprès des services fiscaux français.

C’est à l’occasion de cette dernière demande, qui portait sur un legs important consenti par un Français au profit d’un hôpital à Monaco, que les autorités françaises ont proposé à leurs homologues monégasques de formaliser davantage leurs relations fiscales dans ce domaine.

Les échanges ont principalement porté sur le choix du support juridique idoine, ainsi que sur certains aspects rédactionnels.

Il est utile de préciser que les stipulations contenues dans l’accord sont largement comparables à celles qui figurent dans les accords de même type conclus par la France.

L’accord définit ainsi trois catégories de bénéficiaires des exonérations de droits de mutation à titre gratuit, à savoir les États parties, leurs collectivités locales ou territoriales, ainsi que les établissements publics, d’utilité publique et les organismes à but désintéressé opérant dans les domaines culturel, cultuel, éducatif, charitable, scientifique, médical, environnemental ou artistique et implantés dans l’un des États parties.

Ce champ d’application, relativement large, est censé couvrir l’ensemble des entités éligibles à ces exonérations dans le droit interne de chaque État.

Mes chers collègues, j’attire cependant votre attention sur le fait qu’il ne suffit pas à une entité de correspondre à ces critères pour pouvoir bénéficier des dispositions de l’accord, puisque l’article 2 pose une condition de stricte réciprocité : un organisme ne sera éligible à une exonération de droits de mutation dans l’autre État que si ce dernier prévoit cette même exonération en faveur des organismes situés sur son territoire.

L’accord aura une portée rétroactive en matière de legs ; cette disposition s’explique par la décision qui a été prise, au début de la négociation, de geler toutes les demandes d’exonération dans l’attente du présent accord.

Avant de conclure, j’évoquerai brièvement les conséquences fiscales de ce texte.

Dans un premier temps, les pertes de recettes résultant de la portée rétroactive de l’accord devraient être relativement circonscrites, puisque seule une demande d’exonération est en attente d’examen en France. En parallèle, quatre demandes d’exonération auraient été formulées auprès des services fiscaux monégasques, pour des dons et legs en faveur d’organismes français d’un montant total d’environ 25 millions d’euros, correspondant à des droits de mutation de l’ordre de 4 millions d’euros.

Pour les exonérations à venir, si nous ne pouvons anticiper dans quelles proportions cet accord aura un effet incitatif, il me semble raisonnable d’estimer que son impact fiscal devrait rester limité puisqu’il se substitue à une pratique courante.

Pour conclure, mes chers collègues, cet accord présente l’avantage de clarifier l’ensemble des procédures applicables en matière de dons et legs transfrontaliers, de même que la liste des entités éligibles à une exonération, afin d’inscrire les décisions rendues en matière d’exonération dans un cadre juridique plus solide.

Ainsi, la commission des finances du Sénat vous propose d’adopter le projet de loi autorisant l’approbation de cet accord.

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