Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 9 juillet 2008 à 15h00
Contrats de partenariat — Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici donc réunis non pour discuter, comme hier soir, de la modernisation de notre économie, mais de la modernisation de nos équipements publics. En ce domaine, assurer le financement est un préalable indispensable. Dans cette optique, nous allons aborder la deuxième lecture du présent texte, relatif au partenariat public-privé, ou PPP, et aux conditions dans lesquelles les pouvoirs publics peuvent recourir à ce moyen de financement.

À l’heure où l’on exige de l’État une efficacité grandissante, les PPP lui permettent de confier à un même acteur privé la responsabilité d’assurer une prestation de service public du début à la fin, et même au-delà, quand il se voit confier la responsabilité de l’exploitation et de la gestion.

Il s’agit non pas d’une privatisation du service public, sous quelque forme que ce soit, mais plutôt d’une utilisation de l’ingéniosité et du savoir-faire du secteur privé au service du public. Ce qui est public, dans le service, ce ne sont pas les moyens utilisés, mais la fin recherchée, sinon l’expression « intérêt général » n’aurait pas grand sens.

L’intérêt général, c’est par exemple la réalisation de l’éclairage public de la ville de Rouen, en février 2007, l’informatisation des collèges d’Eure-et-Loir, en février 2007 également, ou encore la construction d’un troisième lot d’établissements pénitentiaires.

Bien sûr, les partenariats public-privé supposent un strict respect de la procédure, notamment en ce qui concerne l’évaluation préalable. Non seulement le projet de loi ne revient pas sur cette exigence, mais il la renforce, tout comme il renforce la transparence financière du contrat de partenariat.

Encore une fois, j’aimerais vous dire que les conditions de recours aux PPP doivent demeurer encadrées – ce fut d’ailleurs l’objet de longs débats dans cet hémicycle –, mais que devant l’urgence de certaines situations, trop longtemps ignorées, il est possible que l’exception devienne la règle… Pour nos hôpitaux, nos universités, nos centres de recherche, nous ne devons pas tergiverser : nous devons recourir à ces instruments innovants que constituent les PPP.

Les améliorations apportées par les deux assemblées au texte du Gouvernement me laissent espérer, compte tenu de la proximité des positions prises, son adoption définitive à la suite de notre discussion, qui, je le sais, sera fructueuse. Cela permettrait la mise en application rapide d’un projet attendu avec impatience, tant par les collectivités publiques que par leurs partenaires économiques.

Avec votre sagesse coutumière, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez largement contribué à améliorer le texte : vous avez étendu les possibilités, pour le partenaire privé, d’exploiter le domaine privé de la personne publique au-delà de la durée du contrat de partenariat ; vous avez rendu éligibles au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA, les baux emphytéotiques administratifs conclus par les collectivités territoriales, au même titre que les contrats de partenariat – j’y reviendrai dans un instant ; vous avez étendu l’obligation de l’évaluation préalable aux autorisations d’occupation temporaire du domaine public comportant une option d’achat, les AOT-LOA, conclues par l’État ; vous avez encadré le recours à la cession de créance de droit commun pour les contrats de partenariat et les baux emphytéotiques hospitaliers, de sorte que la personne privée supporte toujours une part du risque.

Vos propositions ont été largement reprises par les députés lors de leur examen du projet de loi, le 26 juin dernier. Toutefois, ceux-ci ont apporté quelques précisions complémentaires, que je vais maintenant énumérer.

Ils ont prévu qu’une méthodologie type de l’évaluation préalable sera d’utilisation obligatoire.

Ils proposent le recensement et la centralisation des informations relatives aux contrats de partenariat, afin de mieux évaluer leur mise en œuvre.

La personne publique pourra verser une prime forfaitaire à une personne privée qui, spontanément, lui aurait communiqué une idée innovante à partir de laquelle aurait été engagée une procédure de mise en concurrence pour l’attribution d’un contrat de partenariat.

Le partenaire privé ne sera pas obligé de constituer un cautionnement si son prestataire n’en fait pas la demande, afin d’alléger le coût de ces procédures.

Le dispositif adopté par le Sénat pour autoriser le partenaire privé à exploiter le domaine privé au-delà de la durée du contrat de partenariat a été étendu, en permettant au partenaire privé de valoriser non seulement la partie du domaine de la personne publique sur laquelle est édifié l’équipement à l’origine du contrat de partenariat, mais également une partie du domaine non adjacente à cet équipement.

Ne relevant ni du code des marchés publics ni de l’ordonnance du 6 juin 2005, les sociétés anonymes d’HLM et certains organismes de sécurité sociale ne pouvaient pas conclure de contrats de partenariat. L’Assemblée nationale a remédié à cette situation injustifiée en les rendant éligibles à ce type de contrats.

L’article 13 a été modifié pour permettre aux entités adjudicatrices non soumises au code des marchés publics de bénéficier de toutes les souplesses que leur offre le droit communautaire. La directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 dispose en effet que les entités adjudicatrices, contrairement aux pouvoirs adjudicateurs, ont le libre choix, pour leurs marchés publics, de recourir à la procédure de l’appel d’offres ou à la procédure négociée, quel que soit le montant du contrat. La loi leur offre donc désormais cette possibilité pour les contrats de partenariat.

Le partenaire privé disposera également de la possibilité de lisser dans le temps les impôts dus au titre des cessions de créance. Ce souhait, qui avait été exprimé en particulier par Charles Guené, a fait l’objet d’un amendement du Gouvernement à l’Assemblée nationale, comme je m’y étais engagée lors de nos débats au Sénat.

J’aimerais conclure ce récapitulatif des améliorations apportées par les deux chambres du Parlement en évoquant deux points particuliers.

Il s’agit en premier lieu du mécanisme du FCTVA, applicable aux baux emphytéotiques administratifs, les BEA. Le Gouvernement était, vous vous en souvenez, réservé sur cette extension aux BEA, mais vous n’avez pas suivi cet avis.

L’Assemblée nationale propose une solution de compromis, en intégrant dans le projet un seuil au-dessous duquel les BEA seront éligibles au FCTVA et en renvoyant à un décret le soin de préciser ce seuil. Je vous indique d’ores et déjà que j’envisage de fixer ce seuil à un montant proche de 10 millions d’euros.

Il s’agit en second lieu du mécanisme spécifique de la cession de créance prévu dans le contrat de partenariat, parallèlement au dispositif de la cession de droit commun, dite « Dailly ». Vous aviez limité la possibilité de céder la créance à un plafond de 70 %. L’Assemblée nationale a rehaussé le seuil de cession de la créance de la personne publique envers le titulaire du contrat à 80 %. Ce niveau permet de donner, me semble-t-il, un bon équilibre juridique et financier à cette répartition.

Les différentes améliorations apportées par le Parlement à ce texte durant la première lecture permettent d’atteindre un équilibre satisfaisant entre la volonté de développer des contrats globaux et le souci de donner au contrat de partenariat un socle contractuel sécurisé.

Les contrats de partenariat, rénovés par ce projet de loi, constitueront un instrument de qualité, juste, équilibré, performant et respectueux de la bonne utilisation des deniers publics.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’un d’entre vous m’a demandé, la nuit dernière, ce que j’allais faire de ma journée d’aujourd’hui. Je lui ai répondu que je revenais devant vous cet après-midi pour la deuxième lecture d’un projet de loi relatif aux partenariats public-privé, les PPP. Il s’est alors exclamé : « C’est un peu comme le virus de la grippe, cela revient régulièrement, avec de légers changements ! »

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