Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 9 juillet 2008 à 15h00
Contrats de partenariat — Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

De nombreux architectes – il en est, je le sais, qui nous écoutent – se sont émus auprès de nous de l’atteinte portée par ce projet de loi à la spécificité de leur métier, car si c’est le grand groupe ou son responsable qui choisit lui-même l’architecte, cela change tout, sauf si l’on décide d’organiser préalablement un concours pour sélectionner l’architecte.

Nous avons d’ailleurs déposé un amendement en ce sens, mais je crains qu’il ne soit repoussé, comme tous les autres, puisque je crois avoir compris que la religion du vote conforme inspirerait une fois de plus aujourd’hui la Haute Assemblée…

L’architecte fait ainsi partie du « paquet cadeau », au même titre que toutes les entreprises amenées à intervenir. Le grand groupe, par sa décision souveraine, pourra bien avoir l’intelligence, dans tel ou tel département, de choisir des entreprises ou des architectes locaux de grande qualité, mais là n’est pas la question : ce qui est en cause, c’est le droit souverain, pour tout architecte, pour toute entreprise, pour tout artisan du bâtiment, de pouvoir présenter sa candidature, comme c’est le cas dans tout appel d’offres pour un marché public classique.

Il n’y aura pas davantage de concurrence entre les banques, ce qui serait pourtant tout à fait possible, ou entre les entreprises susceptibles d’assurer l’exploitation, la maintenance et l’entretien de l’équipement.

Le choix d’une entité unique se fait donc naturellement au détriment du droit d’accès à la commande publique des architectes, des PME et des entreprises de second œuvre. Vous avez d’ailleurs certainement pris connaissance, madame la ministre, des déclarations du SNSO, le Syndicat national des entreprises de second œuvre du bâtiment, mais aussi de celles des artisans et des PME du bâtiment et de l’Ordre des architectes. Tous ces professionnels s’émeuvent à juste titre.

Au vu de cette atteinte manifeste au droit à la concurrence, d’ailleurs prédite par le Conseil constitutionnel, on ne comprend pas pourquoi vous souhaitez procéder à une telle généralisation des contrats de partenariat. Tant qu’il s’agit d’exceptions, on peut accepter la réduction du droit à la concurrence, mais, dès lors que ces contrats sont généralisés, cela devient injustifiable.

Mon troisième argument porte sur la possibilité de l’évaluation préalable. Vous apportez sur ce point à nos objections, madame la ministre, une réponse que je crois fausse, et je vais essayer de vous expliquer pourquoi.

Vous nous dites en effet, avec d’autres, qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter puisque des évaluations interviendront.

J’observe, tout d’abord, une différence selon qu’il s’agit de l’État ou des collectivités locales. En effet, l’évaluation préalable doit être faite, dans le cas de l’État, par un organisme expert, en l’espèce la fameuse mission d’appui aux partenariats public-privé, dirigée par M. de Saint-Pulgent, que nous connaissons bien et dont les compétences en la matière sont reconnues.

En revanche – et cela ne laisse pas de m’étonner –, dans le cas des collectivités locales, il n’est absolument pas nécessaire que l’entité chargée de l’évaluation présente un quelconque critère de compétence !

On nous explique que cette différence serait une conséquence du principe d’autonomie des collectivités locales. Je n’en crois rien : la loi peut tout à fait fixer des règles en la matière. En vertu de quoi existerait-il, d’un côté, des règles d’une grande rigueur mises en œuvre par les architectes des bâtiments de France pour les centres-villes – mais pas toujours, curieusement, pour les entrées de ville, nous en avons débattu la nuit dernière ! –, et, de l’autre, une absence complète de garanties ?

Mais cette question est subsidiaire par rapport au second point que je souhaitais aborder à ce sujet.

Le vrai problème réside dans le fait que, quelle que soit la qualité de l’organisme, il est impossible de procéder à l’évaluation préalable. Il en va d’ailleurs de même pour la démonstration demandée.

La raison en est simple : au moment où vous décidez de choisir entre un PPP ou un marché public classique, vous ne savez pas qui se portera candidat pour le PPP, quelle sera l’offre présentée et à quel prix. Bref, vous ne savez rien !

Vous n’en savez d’ailleurs pas plus dans le cas où vous optez pour un marché public classique, puisque vous ignorez quelles seront les entreprises qui répondront et quel prix elles proposeront.

Autrement dit, d’un côté comme de l’autre, vous êtes dans l’inconnu, et malgré cela vous devez « évaluer » !

Par conséquent, lorsque vous prétendez que la grande garantie que vous apportez réside dans l’évaluation, vous ne pouvez pas être sérieuse ! Personne n’y croit, et vous pas plus que nous.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion