Intervention de Daniel Dubois

Réunion du 9 juillet 2008 à 15h00
Contrats de partenariat — Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Daniel DuboisDaniel Dubois :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis la première lecture au Sénat de ce texte, une décision judiciaire rendue en première instance est venue nous rappeler que le recours aux contrats de partenariat ne pouvait être banalisé et qu’il devait, en conséquence, rester une procédure exceptionnelle.

En l’espèce, le tribunal administratif d’Orléans a estimé que l’atteinte portée au fonctionnement d’un service public par le retard affectant la réalisation d’un équipement ne présentait pas un caractère de gravité suffisant pour justifier légalement qu’il soit dérogé au droit commun de la commande publique par le recours au contrat de partenariat.

Ce jugement démontre, s’il en était besoin, toute l’importance de procéder à une évaluation préalable avant toute décision de recourir au contrat de partenariat. À cet égard, la normalisation de l’évaluation proposée par nos collègues députés nous paraît bienvenue.

Le PPP doit donc rester exceptionnel, puisque le principe de ce contrat est d’instituer des règles dérogatoires au droit commun de la commande publique.

Nous le savons, le contrat de partenariat est un contrat global. Il peut porter à la fois sur le financement, la construction ou la transformation, l’entretien, la maintenance, l’exploitation ou la gestion d’ouvrages, d’équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public. Il permet de rémunérer le cocontractant privé de la personne publique, qui a la qualité de maître d’ouvrage sur l’ensemble de la durée du contrat.

Le contrat de partenariat déroge ainsi au principe de l’allotissement en vertu duquel les prestations de construction et d’exploitation ou de maintenance d’un ouvrage ne peuvent être regroupées dans un même lot. Il n’est donc pas obligatoire que le maître d’ouvrage soit la personne morale pour laquelle l’ouvrage est construit.

C’est en raison de ce caractère dérogatoire que le contrat de partenariat ne doit pas conduire à rompre avec le principe de l’égalité devant la commande publique. C’est pourquoi il est important de veiller à ne pas le généraliser. Le recours à ce type de contrat doit conserver un caractère exceptionnel, et s’adapter à des circonstances spécifiques ou à des domaines particuliers. Le contrat de partenariat doit finalement faciliter la passation de marchés publics lorsque les opérations en question présentent une complexité telle que le droit commun ne ferait que l’accroître.

Après avoir exprimé ces quelques réserves, surtout valables pour les opérations menées par les collectivités territoriales – celles-ci ne doivent pas, en effet, avoir recours systématiquement au PPP sous peine de pénaliser les artisans et les PME locales du bâtiment –, il faut bien reconnaître que les contrats de partenariat présentent, par leur approche globale de la conception à l’exploitation, un gage de réelle efficacité.

Pourtant, ce contrat ne connaît pas le succès escompté. Il était donc utile d’en faciliter l’accès lorsque les projets en question nécessitent un assouplissement des règles de la commande publique.

Ainsi, l’objet du projet de loi est de développer ce mode de contrat administratif, en particulier en élargissant les possibilités d’y recourir, en assouplissant son régime juridique et en améliorant son régime fiscal tout en appliquant le principe de « neutralité fiscale ».

La navette parlementaire a permis de préciser les conditions et les règles relatives à la mise en œuvre de ce contrat de partenariat.

Ces règles permettent notamment de préciser les conditions de recours au contrat de partenariat, d’étendre les possibilités pour le partenaire privé d’exploiter le domaine privé de la personne publique au-delà de la durée du contrat de partenariat, de rendre éligibles au FCTVA les baux emphytéotiques administratifs de faible montant conclus par les collectivités territoriales – vous avez d'ailleurs indiqué, madame la ministre, que ce montant pourrait atteindre 10 millions d'euros –, de restreindre l’obligation de souscrire une assurance dommages aux seuls contrats de partenariat conclus par les collectivités territoriales, de rendre obligatoire l’évaluation préalable pour les autorisations d’occupation temporaire du domaine public comportant une option d’achat, dites AOT-LOA.

Aujourd’hui, le compromis semble trouvé.

Si, dans l’ensemble, nous souscrivons à ce texte, nous estimons néanmoins qu’il convient de veiller à ne pas écarter de la commande publique les PME du bâtiment, qui constituent un pan essentiel du tissu économique français, notamment à l’échelon local. Alors qu’une crise semble s’annoncer dans le secteur de l’immobilier privé, il importe d’être prudents dans ce domaine.

En effet, si la globalisation des marchés permet une meilleure gestion et une plus grande efficacité dans la conduite des projets, elle ne doit pas se faire au détriment des entreprises locales.

La pratique nous a aussi montré qu’il était nécessaire de mettre en place un réel « service après-vente », ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de le dire en première lecture.

Un cadre méthodologique de référence doit être mis à disposition des décideurs publics, assorti de formations spécialisées à destination des agents publics, notamment des maîtres d’ouvrage publics.

Il est également important d’organiser un réseau d’information et de soutien logistique à la mise en œuvre des contrats de partenariat. Cet accompagnement permettra notamment à ce type de contrat de remporter un plus grand succès. À défaut, ces projets n’auront aucune incidence sur l’économie locale, et la croissance escomptée via la mise en œuvre d’un programme de projets d’intérêt national sera limitée.

Enfin, j’évoquerai plus brièvement une dernière réserve : nous savons que le contrat de partenariat comporte un risque lié à la déconsolidation de la dette.

Dans un contexte de montée en puissance des tensions budgétaires, ce type de risque ne peut être ignoré. Or, si les collectivités territoriales y paraissent moins exposées, il n’en reste pas moins vrai que le recours à ce type de contrat pourrait être un moyen, pour des collectivités endettées, de limiter leur ratio d’endettement. D’ailleurs, la Cour des comptes, dans son rapport de 2008, mettait en garde contre la « myopie budgétaire » que peuvent engendrer ces contrats.De la même façon, ce ne serait pas compatible avec le nécessaire assainissement des finances publiques de l’État. Ne faisons donc pas de cet outil un remède illusoire.

La prudence doit rester de mise, c’est pourquoi l’utilité que présente, pour les personnes publiques, l’accès à de nouveaux outils permettant la modernisation de l’action publique et l’adaptation des services publics aux nouveaux besoins ne doit pas pour autant conduire à une trop grande généralisation de ces contrats à risque.

Madame la ministre, mes chers collègues, les membres du groupe de l’UC-UDF souhaitaient clairement exprimer ces réserves avant de voter ce texte.

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