Cette intervention, monsieur le président, vaudra également présentation des deux amendements que j’ai déposés sur cet article. Je me permets donc de faire appel à votre mansuétude si je devais dépasser légèrement mon temps de parole, étant entendu que je m’abstiendrai ultérieurement de présenter ces amendements.
L’examen de cet article 14 appelle deux discussions importantes : d’une part, la sécurisation des recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires ; d’autre part, ce que l’on peut appeler le « franchissement de la barrière des espèces », avec la possibilité de créer des embryons – rien que ça – chimériques.
S’agissant de ce deuxième point, et comme vient de l’indiquer notre rapporteure, la commission spéciale est revenue sur le texte de l’Assemblée nationale en supprimant la possibilité de créer des embryons chimériques par insertion, dans un embryon animal, de cellules souches embryonnaires humaines.
Toutefois, des amendements ont été déposés sur le texte examiné en séance, visant à réintroduire cette possibilité – pour cet article précis, un amendement du Gouvernement et un amendement présenté par certains de nos collègues.
Au cœur de l’argumentaire développé par leurs auteurs, on trouve la nécessité, pour la recherche, d’aller toujours plus loin. Je citerai notamment l’exposé des motifs de l’amendement n° 32 du Gouvernement : « Renoncer à toute étude nécessitant l’adjonction de cellules souches embryonnaires humaines à un embryon animal, alors que de telles recherches récemment menées à l’étranger ouvrent une voie très prometteuse, reviendrait à interdire aux chercheurs français toute possibilité d’avancée dans ce domaine. »
Cet argumentaire m’amène à poser plusieurs questions sur l’opportunité de créer des embryons chimériques. Sous couvert de la science, doit-on tout autoriser ? S’agit-il de réaliser des prouesses techniques au service de l’homme… ou de la science ? Les chercheurs et scientifiques ne deviennent-ils pas, en fait, des « apprentis sorciers » lorsqu’ils manipulent ensemble cellules humaines et animales ?
Pour moi, poser la question, c’est déjà y répondre ! Je voterai donc contre ces amendements, et je le dis d’ores et déjà.
S’agissant de la sécurisation des recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, j’ai déposé personnellement deux amendements : un amendement de suppression de l’article et un amendement de repli.
En effet, l’article 14 de ce projet de loi tend à dissocier les régimes applicables respectivement à la recherche sur l’embryon et à celle sur les cellules souches embryonnaires humaines.
Depuis la loi du 6 août 2013 tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, ces deux types de recherches obéissent à un régime commun d’autorisation par l’Agence de la biomédecine.
La proposition visant à sortir les cellules souches embryonnaires humaines du régime légal de la recherche sur l’embryon pour les soumettre à une simple déclaration ne tient pas compte de la réalité ontologique de l’embryon humain. Cela place également les recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines hors de contrôle, en les livrant à l’industrialisation.
En outre, il est important de souligner que les cellules souches embryonnaires humaines sont obtenues à partir d’embryons au stade blastocyste, c’est-à-dire dire 5 à 7 jours après la fécondation in vitro, de sorte que leur extraction implique inévitablement la destruction de l’embryon.
Au regard de l’atteinte portée à celui-ci et des enjeux liés à ce type de recherches, notamment celui de l’industrialisation des cellules souches embryonnaires, il importe que l’Agence de la biomédecine, garante des principes éthiques des activités médicales et de la recherche, instruise en amont les protocoles de recherche portant sur les cellules souches embryonnaires humaines et autorise expressément leur mise en œuvre.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter mon amendement n° 71 rectifié et, subsidiairement, si celui-ci n’était pas retenu, l’amendement n° 72 rectifié.