Ainsi, jusqu’en 2012, et sous réserve que les résultats de l’évaluation soient « non défavorables » – et non « plus favorables », vous aurez remarqué la nuance, mes chers collègues ! –, toute commande publique deviendra urgente en France !
Je vous fais grâce du catalogue à la Prévert des opérations décrétées « urgentes », et qui échapperont ainsi à la censure du Conseil constitutionnel, au moins jusqu’en 2012. C’est à se demander si nous vivons en France, ou dans un pays en voie de développement, sans gouvernement ni collectivités locales responsables depuis des lustres !
Cela étant, une telle généralisation de dérogations au droit commun ne contrevient pas seulement aux exigences constitutionnelles inhérentes à l’égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques ou au bon usage des deniers publics ; elle prend également des libertés avec l’exigence, non moins constitutionnelle, de continuité du service public.
Aucun article du projet de loi ne fait référence à cette obligation, qui est également ignorée du fameux bilan des avantages et des inconvénients. Le cocontractant devra donc en faire son affaire et sera censé assurer la continuité du service public pendant dix, vingt ou trente ans, sinon plus. Mais que se passera-t-il en cas de défaillance du cocontractant privé ou de l’une des entreprises constituant le groupement de cocontractants ? Qui se substituera alors au partenaire défaillant ? Comment sera assurée la continuité du service public ? Nul ne le sait, rien n’est prévu à cet égard dans le texte !
Pourtant, qui connaît les difficultés engendrées par la défaillance des entreprises de construction ne peut que s’inquiéter pour la maintenance des équipements et leur gestion sur longue période, lorsque la formule des partenariats sera généralisée, et donc, fatalement, ouverte à des partenaires financièrement fragiles.
Le dilemme est finalement le suivant : soit seuls quelques groupes puissants, et donc financièrement solides, peuvent concourir, et l’entorse au principe d’égalité d’accès à la commande publique est alors manifeste ; soit cet accès est large, ce que vous soutenez, madame la ministre, et c’est alors la garantie financière qui fait défaut.
Encore une fois, les entorses aux exigences constitutionnelles d’égalité devant la commande publique, de protection de la propriété publique, de bon usage des deniers publics et de continuité du service public, admissibles pour des finalités spécifiques et dans des conditions particulières, ne sauraient devenir le droit commun.
Pour l’ensemble de ces raisons, mes chers collègues, nous vous demandons de voter cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.