Monsieur le président, madame la ministre des armées, monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, mes chers collègues, permettez-moi d’entamer mon propos en rendant un hommage appuyé à nos soldats, à ces femmes et à ces hommes d’exception engagés au Sahel, dont la combativité et le dévouement sont inégalables. Leur abnégation est un modèle pour nous tous. Je veux leur dire, au nom du groupe RDPI, combien nous sommes fiers d’eux et combien nous leur sommes reconnaissants. Ils peuvent compter sur notre soutien indéfectible. À tous nos soldats tombés au service de notre nation, je rends également un hommage ému et sincère.
La tenue de ce débat tombe à point nommé, puisqu’il se déroule à quelques jours d’un sommet déterminant à N’Djamena. Il nous donne l’occasion de réaffirmer l’action capitale que mène la force Barkhane et de renouveler toute notre confiance au Président de la République et à son gouvernement.
Les groupes armés terroristes que nos soldats combattent, hier avec l’opération Serval pour les empêcher de provoquer la chute d’un État allié, le Mali, et aujourd’hui avec Barkhane pour les empêcher de faire de la bande sahélo-saharienne une base arrière du terrorisme de la taille de l’Europe, représentent une menace bien tangible. Mais, en passant de Serval à Barkhane, nous sommes passés d’une guerre d’intervention courte et rapide à une guerre d’un tout autre genre.
Nous avons pleinement conscience que, sans nos soldats sur place, aux côtés des armées sahéliennes, cette menace s’étendra demain à toute l’Afrique de l’Ouest. C’est parce que nos partenaires européens partagent pleinement cette analyse qu’ils s’investissent chaque jour un peu plus au Sahel. Cela me donne l’occasion de saluer l’engagement de nos alliés européens, que ce soit au sein de la task force Takuba ou dans d’autres opérations.
Depuis le sommet de Pau, Barkhane a fortement accéléré le rythme de neutralisation des groupes terroristes. En outre, la montée en puissance des forces sahéliennes est encourageante, bien que celles-ci ne soient toujours pas en mesure de prendre la relève intégrale de Barkhane et d’affronter seules la menace des groupes armés. Au côté du rôle essentiel de la France, une addition de faiblesses ne fait pas une force.
Si nos armées remportent chaque jour des victoires tactiques, il nous faut prendre conscience que la crise est aussi politique et économique.
Comme il est stipulé dans les quatre piliers complémentaires du sommet de Pau, nous devons transformer ensemble les gains durement acquis sur le terrain en progrès politiques, économiques et sociaux et trouver un moyen de sortir l’approche « 3D » – diplomatie, défense, développement – de sa phase incantatoire.
Pour ce faire, nous avons besoin d’engagements forts de la part de nos partenaires sahéliens, surtout maliens. Il faut une feuille de route claire en faveur d’une bonne gouvernance politique démocratique et du développement de services publics dans les zones fragiles – je pense notamment aux zones du Nord –, nécessaires pour restaurer la confiance en l’État, de la tenue d’élections en mars 2022, de la préservation de l’espace humanitaire et du développement de nouveaux ponts économiques, de la lutte contre la corruption, les trafics humains, de stupéfiants et de produits de contrebande en tout genre, qui gangrènent la société et favorisent l’insécurité et l’instabilité. Après la Guinée-Bissau, le Mali est en passe de devenir progressivement un narco-État dans lequel les trafiquants achètent les consciences et les votes.
Ces engagements doivent également concerner la lutte contre la désinformation, avec l’arrivée de fake news qui viennent progressivement salir l’image de nos forces et de notre pays. Du racisme à rebours à l’anticolonialisme primaire, en passant par la réécriture de l’Histoire, leur caractéristique commune est le dénigrement de l’action passée, présente et future de notre pays en Afrique.
Nous le voyons bien, en parallèle du cadre strictement militaire, il existe toute une série d’autres combats à mener, qui prennent beaucoup de temps et qu’il s’agit de concrétiser rapidement sous peine d’enlisement.
Six ans après qu’il a été signé, comment se fait-il que la mise en œuvre de l’accord d’Alger de 2015 pour la paix et la réconciliation au Mali en soit toujours à ses balbutiements ?
Monsieur le ministre, par quels moyens politiques et diplomatiques envisagez-vous d’intervenir pour assurer la mise en œuvre concrète de cet accord de paix ? Avec quels acteurs comptez-vous avancer et dialoguer, alors que le paysage régional comprend une myriade de protagonistes locaux armés ayant leurs propres agendas locaux ? Comment lutter contre l’instrumentalisation malveillante des opinions publiques locales et la propagation de fausses informations à des fins de politique intérieure ou par des puissances étrangères qui sapent nos efforts communs ?
Le temps joue contre nous. C’est malheureusement une règle universelle : plus une opération militaire dure, plus la population locale a tendance à attribuer aux soldats la responsabilité de certaines situations.
Pacifier ces pays en faisant naître un réel sentiment d’appartenance nationale passera par le développement.
Tous ces objectifs ne pourront être atteints sans l’aide de la France et des acteurs étatiques et économiques sur place.